Récemment je vous ai chroniqué un petit florilège de ce que je considère comme le gratin du Black Symphonique que je qualifierai d’infernal. Ce Black Metal malsain et crude est bien éloigné des romances sirupeuses à la DIMMU BORGIR, CRADLE OF FILTH, GRAVEWORM et Cie… Pour moi deux hommes tiennent la dragée haute à tous les autres actuellement : V-Khaoz côté Finlande (VARGRAV, DRUADAN FOREST, OLIO TÄHTIEN TAKANA), et Swartadauþuz côté Suède (BEKËTH NEXËHMÜ, SECRETS, TROLLDOM, NATTFÄRD). Et je rajouterai outre-Atlantique Esoterica (SECRETS, RINGARË, GARDSGHASTR), et un dernier - bien qu’éloigné de ce groupuscule d’extrémistes du clavier mais sur lequel il faut absolument garder un œil ouvert - Dis Pater de MIDNIGHT ODYSSEY. Tout ce beau petit monde peut légitimement se targuer de préfigurer comme les dignes successeurs de LIMBONIC ART, d'EMPEROR ou bien encore d'OBTAINED ENSLAVEMENT.

GNIPAHÅLAN est suédois. Je vous propose donc de relire quelques lignes plus haut pour inspecter de qui il s’agit. Et disons-le tout de go, cet album est sinistre et souffle un vent brûlant d’un givre s’approchant du zéro absolu. Tous crocs dehors, des hordes de loups entament leur chasse effrénée accompagnés de nuées ardentes de rapaces charognards. Cette fois la nature et la faune iront attaquer l’homme. Dans les cieux les vautours courbent le cou en sondant les vallées encaissées, les gypaètes savourent déjà l’entrechoc des os des futurs cadavres sur le basalte de falaises escarpées. Inamovible, se tenant droit et balayé par des bourrasques enneigées, Swartadauþuz contemple sur le plus haut roc des massifs montagneux ce branle-bas de combat qu’il a lui-même initié. Ensorcelant le règne du vivant à fondre sur l’humanité, le compte à rebours du monde vient de s’enclencher. Livrant dans la bataille d’autres créatures inconnues, sorties des tréfonds de mondes obscurs et insensés pour le commun des mortels, une sombre musique déchire tous les cieux et accompagne ce flot vorace et inarrêtable.

GNIPAHÅLAN est un projet davantage endiablé que ne peut l’être le "Av Gudars Ätt" de TROLLDOM que je vous ai récemment chroniqué, même s’il partage une pochette similaire et traduisent tous deux un frimas vigoureux. Mais si l’une arbore la lumière d’une aurore boréale recouvrant l’un de ses massifs forestiers d’épineux hirsutes, l’autre (ici GNIPAHÅLAN) enjoint l’œil à découvrir près de cette même forêt le trouble, l’opaque, l’indécelable et l’impénétrable. Et ces adjectifs caractérisent très bien "I Nordisk Vredeslusta". Sa densité sonore est conséquente, la cavalcade des rythmes est ici poussée dans ses propres retranchements. Les claviers cisaillent les cieux tels des serpes ou des faux rendant l’écoute absolument diabolique. Écoutez "Inom Tusenarig Visdom", "I Stormens Led", ou bien encore "Odestimmans Kampfyllda Har" et ressentez profondément à l’intérieur de vous ce qui prend possession de votre être. Oui ! Les légions de l’enfer sont en train de vous dévorer en vous cannibalisant. Heureusement Swartadauþuz vous laissera parfois quelques minutes de répit ("I Blodets Svarta Dunkel Del I"), mais ne vous désolez pas outre mesure car si vous aviez cru pouvoir en réchapper en laissant ce titre atmosphérique gagner vos neurones, d’autres tels que "Nordens Majestat" et le title track "I Nordisk Vredeslusta" n’ont comme seul dessein d’haranguer et de reconstituer les meutes, les bancs, les groupes, pour qu’elles redoublent d’agressivité.

GNIPAHÅLAN est majestueusement funeste et cette majestuosité est éclatante de mélodies somptueuses qui ont aussi cette emprise et cette volonté radieuse d’emporter l’écoute de ce Black Metal symphonique au firmament. Peu d’albums sont de cette trempe et arrivent à rester animés furieusement tout du long de leur durée. "I Nordisk Vredeslusta", au même titre que le "Av Gudars Ätt" de TROLLDOM, sont des albums précieux pour ceux qui souhaitent réunir l’agressivité du Black Metal avec des claviers courroucés. Avec ces deux-là notamment les gifles sont assurées.