Lorsque les géniaux Esoterica (Alex Poole) et Swartadauþuz s’unissent, ce n’est pas pour réinventer la roue, mais bien la harnacher des lambeaux de proie que leurs serres féroces ont chassé à travers les monts déchiquetés et les plaines de désolation. GARDSGHASTR est un univers en soi et pas des plus étriqués. Combo international - des États-Unis à la Suède - GARDSGHASTR est une force invisible émanant des ténèbres qui contamine tous les atomes existants. Nul besoin de lutter ni d’essayer de fuir, si vous entamez l’écoute de cet album gardez en tête que votre supplice ne durera… qu’une quasi heure.

Véritable œuvre composée dans la majeure partie par les suppôts susmentionnés, il serait regrettable de ne pas citer S. Blackburn qui a fomenté lui aussi les plus mauvais coups de ce "Slit Throat Requiem". Et même si chacun de ces trois diables est aux manettes de mêmes instruments, nous ressentons nettement la main noire américaine d’Esoterica aux claviers, nous rappelant bien évidemment le travail symphonique initié au sein de RINGARË. À savoir des claviers distants du riffing et formant comme des émanations mélodiques un peu à part, à la manière d’ornements disparates et éthérés ne se combinant qu’avec eux-mêmes. Voyez par vous-mêmes en écoutant les pièces maîtresses que sont "Of Crimson Eyes", ou bien encore la très EMPEROR-ienne "Journey Through Stagnant Time And Misery". Car oui, à l’instar de TROLLDOM, VARGRAV, GNIAPAHÅLAN et consorts, c’est la fureur du Black Symphonique des 90s qui, une nouvelle fois, s’invite sous ses plus beaux atours, à nous faire voyager dans ce temps glorieux où tout n’était que frayeur, hurlements effrénés, et autres diableries lycanthropes.

Et vous aurez une sacrée grosse portion de ces tumultes à la fois vaporeux et brûlants. Le chant acide de Glömd, un peu convenu, fait néanmoins le travail, et se combine finement entre ce riffing riche et mélodique à souhait (avec de nombreux leads et trémolos bien troussés), et ces claviers belligérants. Néanmoins, quelques longueurs et un disque peut-être un peu trop dense et intenable sur la durée peuvent participer à une forme de fatigue auditive. "Slit Throat Requiem" est un disque exigeant, qui vous toise et vous enserre en permanence. Les blast beats sont très communément employés et participent de fait à cette oppression permanente, que la mitraille des fûts ne fait que galvaniser. Heureusement que pour survivre nous pouvons nous attacher à ces claviers narquois et toujours hostiles. Leurs gaz misanthropes et les chœurs qu’ils répandent, agissent à l’unisson pour nous sauver des griffes de cet enfer, comme le superbe titre "Unfurl The Profane Wisdom" l’illustre parfaitement.

Esoterica et Swartadauþuz ont une nouvelle fois réussi leur coup, et ce n’était pas leur premier coup d’essai. Il n’y a rien à redire, le travail est abouti et concentre ce liant infect entre tous les titres. Sans doute moins accessible qu’un TROLLDOM ou un OLIO TÄHTIEN TAKANA, GARDSGHASTR s’anime d’autant plus que l’abîme féroce se dévoile et nous engloutit. Disque puissant et cristallisant toute la splendeur de ce que doit être l’enfer du Black Metal Symphonique, il reste une expérience en soi et à vivre pour les plus téméraires ou les plus illuminés d’entre-nous. Je pourrais aisément lui coller une bonne note mais pas d’excellence, du fait de la probable indigestion qu’il pourra susciter si l’on souhaite se l’écouter d’une traite et d’emblée. Mais je ne peux m’y résoudre, tant à l’instar d’autres – de la série L’enfer Du Black Metal Symphonique – , il se dévoile avec le temps, devient par la suite irrésistible, et confirme en tout point et en tous lieux supplanter la niaise concurrence.