Ce qu’il y a aussi de passionnant à remonter le temps, c’est aussi de découvrir le parcours musical de certains musiciens actuels et d’être étonnés ou de se voir confirmer qu’ils disposaient déjà en leurs jeunes années d’un talent indéniable. Dans le line-up originel des Espagnols d'ASGAROTH se trouve, sous l’alias Mythral, le compositeur émérite de TODOMAL et déjà, celui-ci, il y a quasi trente ans, possédait quelques dispositions. Au sein d'ASGAROTH, il avait déjà ce lead dans le songwriting et le côté multi-instrumentiste prononcé. Mais, si vous suivez un peu ma marotte, vous comprendrez que l’exhumation de ce premier album de ASGAROTH, après un EP réussi - "The Quest For Eldenhor" sorti l’année précédente - tourne davantage autour du Black Metal que du Doom.

En effet, "Trapped In The Depths Of Eve" est avant tout vêtu d’oripeaux noirâtres, bien que les aspects symphoniques bien présents aient tendance à dissiper des nappes de brouillard un peu trop sombres. Mais cet album démarre sacrément en trombe avec une première moitié assez exceptionnelle. D’une durée standard d’une quarantaine de minutes, ASGAROTH déploie rapidement des riffs entraînants bien sublimés par des claviers inspirés. Et vous pouvez le constater dès "Victorious Men Of Earth", sans doute le plus beau titre de cet album. Alors certes, je le conçois, cette batterie programmée n’est point merveilleuse et nous pourrions tirer (un peu) à boulets rouges sur le chant de Lord Lupus, un poil canardeux et se rapprochant un peu du chanteur de HECATE ENTHRONED, mais l’Ambiance avec un grand A est là. Les breaks sont ingénieux et le concours superbe des claviers est une vraie plus-value sur ce titre et sur cet album d’une manière générale.

Ces derniers, très aériens, exacerbent ce côté parfois majestueux des titres. Je pense notamment à "The Dark Force", une composition très variée qui mélange des passages épiques (avec ce son de flûte très intéressant vers la troisième minute, et un très joli solo lui succédant par la suite). Les titres instrumentaux portent aussi leur lot d’intérêt (le très acoustique DISSECTION-ien "Lost In Natura", l’emporté symphonique "A Call In The Winds…" avec cette touche un peu Flamenco dans les rythmes des nappes de claviers). Les Catalans produisent donc un très bel album, non exempt de défauts certes. Les derniers titres sont en effet moins réussis (l’un peu bizarroïde Viking Metal de "The Choirs Of The Elemental Deities", le un tantinet longuet, mais toutefois intéressant "Placious Echoes At Darkwoods You Greet... Silvering Moon Between My Shadows" et son final superbe, écoutez-le !), mais si nous les mettons de côté, nous restons saisis par l’invisibilité regrettable de cette sortie en cette année faste pour le Black Metal : 1997… Un dernier mot aussi à propos de "Last Battle (Tower Of Doom)", qui, comme son nom l’indique, tempère son rythme pour nous distiller une atmosphère mélancolique à vous emballer le cœur. À nouveau, ASGAROTH nous gâte.

Vous l’avez compris, si cet album est un oublié de l’histoire, il tutoie pourtant les sommets du genre. Coincés entre Black Symphonique et Atmosphérique, les Espagnols de ASGAROTH, s’ils n’ont pas fait suffisamment de vagues, ne les ont pourtant pas contournées. Il ne tient qu’à vous d’exhumer du limon ce bel album et de le rincer à l’eau claire. À son écoute, vous ressentirez les éclats du temps passé, avec une pointe de nostalgie, peut-être mêlée au bonheur de la découverte. J’espère bien ne pas me tromper.