Qu’il est loin le temps où nous connaissions nos apparats terrestres. Depuis notre grand départ vers les confins d’un des univers en 2019 à bord de l’EP fabuleux "Radiant Gloom", voilà que se dérobe devant nous le fil de notre propre existence. Et toi t’en souviens-tu ? Maintenant que l’heure est à la dérive éternelle et que notre composante humaine originelle a changé pour de bon, pourquoi encore vouloir se retourner, espérer un quelconque retour ? Alors remettre les gaz vers l’inconnu, vers l’indétectable, confortablement logé dans notre exo-vaisseau spatial, n’est-elle pas encore cette dernière volonté humaine que nos gènes nous propagent encore de qu’il nous reste encore de cerveau ?

Fini la rêverie, fini l’humanité, fini l’espoir ! Restons hantés par l’immensité, laissons-nous happer par la matière noire, conjurons notre sort obsolescent et dissipons notre humeur dans l’immensité. Suivons VORGA notre vaisseau, entendons son moteur vrombissant et rugissant dans l’espace et fendant les objets célestes. Sous les attributs d’un Black moderne et mélodique, "Beyond The Palest Star" est le conte de ce voyage intemporel. Puissant et agressif, VORGA lobotomise à dessein et au fur et à mesure. À l’instar des cliquetis spatiaux qui introduisent le titre "Terminal", l’écoute de cet album nous délivre de notre condition. Amplement mélodieux et bordé d’ambiances atmosphériques ce second album poursuit le périple configuré par les instruments d’ingénierie ultra-performants. Seul Atlas, le capitaine de l’équipage en sait davantage sur la finalité de ce voyage interstellaire. Poussant les ergols à travers les rayons cosmiques, et deux ans après "Striving Toward Oblivion" qui avait déjà poussé la trajectoire très loin au-delà de la Voie Lactée, coupant définitivement ainsi le contact avec les éléments des systèmes solaires, "Beyond The Palest Star" apparaît aux abords du visible humain.

Bien mieux produit que les premiers effets de VORGA, ce nouvel album est passionnant. La langueur atmosphérique, que les leads des guitares étirent, apporte cette densité antigravitationnelle et cette profondeur de champ qui libère totalement notre pensée. Écoutons la majestuosité trépidante de "The Sophist" et ses embardées agressives et hypnotiques. Les vocaux graves de Zora et ceux hurlés de Peter Jordanov procurent leurs petits effets, et donnent véritablement une autre lecture des ambiances. "Magical Thinking" nous achèvera ! Prodigieux titre, savamment instrumenté par le quartet, ce dernier opère une rentrée atmosphérique vers un orbite inconnu. Son final orchestral emplit la conscience en la faisant baigner de torpeurs sensationnelles. Certains titres apparaissent davantage comme des espaces ou des aires de transition avant la pénultième propulsion. Non qu’ils ne disposent pas d’originalité propre mais leur efficacité incontestable ne se parachève pas avec autant de maestria que les titres sus-cités. Je pense à "The Cataclysm", et "Voideath" essentiellement qui m’ont moins embarqué.

Néanmoins, VORGA réussit un tour de maître en proposant un Black Metal moderne et mélodique superbement ordonné. Laissez-vous embarquer par "Tragic Humanity" ou bien encore "Fractal Cascade", car sans trop de mal vous sentirez que les conditions d’apesanteur auront changé. Harmonieux et féroce à la fois, "Beyond The Palest Star" est une excellente sortie de ce début d’année. Accessible et facilement enivrant, cet album gagnera bien des cœurs et des oreilles attentives, soucieuses de partir bien plus loin que leur imaginaire ne le souhaite.