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2024 Sent Empèri Gascon
 

- Style + Membre : Boisson Divine

MOISSON LIVIDE - Sent Empèri Gascon (2024)
Par GEGERS le 17 Mai 2024          Consultée 1229 fois

Le 1er avril 2022, la tradition piscicole voit les membres du groupe BOISSON DIVINE ramener dans leurs filets une belle prise : l'annonce de la création d'un projet parallèle, baptisé MOISSON LIVIDE, acte de naissance d'un nouveau style, le "True Gascon Rural Black Metal". L'enthousiasme généré par cette bonne blague fait son chemin, et Baptiste Labenne, tête pensante de la formation, décide de concrétiser cette idée. Sous le pseudonyme de Darkagnan, le voici qui enregistre, courant 2022, de nouvelles compositions à Riscle (studio Norsk), à Pau (studio Dissection Paloise), menant à bien ce nouveau projet sous la forme d'un one-man band ou presque. Sans devenir Quorthon enregistrant seul les trois derniers albums de BATHORY, Darkagnan se charge de l'essentiel des instruments constituant le socle de l'album (growls, chant clair, guitare, basse, claviers) et des instruments traditionnels : boha (cornemuse gasconne, aboès (hautbois ariégeois), tin whistle. Il fait néanmoins appel aux services d'un batteur au truculent pseudonyme de Philippe Etcheblast, ainsi qu'à une poignée d'invités, pour mettre en boîte ce premier manifeste dont l'acte de naissance aux allures de blague potache n'entache en rien le sérieux de la réalisation. Un premier morceau "Quo Ruilt et Letum", hors album, est diffusé en septembre 2023 sur la compilation "Extrême Sud-Ouest", se montrant particulièrement vigoureux et posant les bases de la musique bariolée de ce projet à deux têtes. Une première récréation bienvenue alors que, du côté de BOISSON DIVINE, quelques éléments semant le doute sur les intentions du groupe sont mis en lumière : un bassiste arborant un tatouage du Soleil Noir (symbole pré-chrétien, relatif aux cycles des saisons, devenue une composante importante de l'imagerie mystique nazie), l'autorisation donnée au Youtubeur d'extrême-droite Papacito d'utiliser des extraits musicaux du groupe dans une de ses vidéos.
"Il n'y aucun discours prosélyte sur scène, dans le contenu des paroles ou des interviews, et on tient à ce que ça reste comme ça", déclare à raison Baptiste Labenne, balayant d'un revers de la main toute accointance avec ces odeurs nauséabondes qui reviennent régulièrement souiller nos narines. "Il n'y a pas de ligne politique directrice dans le groupe, chacun est libre de penser ce qu'il veut et les opinions sont divergentes, voire très divergentes je dirais", conclut le musicien. Dont acte.

S'éloignant du tumulte, le musicien continue néanmoins de flirter avec les interprétations et les sensibilités en déclarant la naissance du "Saint Empire Gascon" sur cet album qui compile l’agressivité et la rudesse du Black Metal, la mélodicité et la luminosité du Heavy/Power Metal ainsi que des touches Folk apportées par les instruments locaux. Une rencontre souvent décevante qui, portée ici par un son particulièrement puissant et une interprétation inventive et convaincue, génère un rejeton touffu et savoureux, qui nous permet de savourer à leur juste valeur des titres tour à tour épiques, aux structures audacieuses et alambiquées, et brûlots succincts parfois proches du Thrash/Punk. Baptiste Labenne évoque une rencontre entre DISSECTION et RHAPSODY ce qui, il est vrai, peut donner une idée de la teneur de cet album doté d'une forte personnalité.

Celle-ci est portée en partie par les textes, intégralement chantés en langue gasconne, qui comme ceux de BOISSON DIVINE évoquent autant de vieilles légendes du Sud-Ouest que des sujets plus contemporains, voire loufoques. "La Sèrp D’Isavit", retranscription d'un vieux conte gascon mettant en scène un serpent omniscient et omnipotent logé dans les montagnes pyrénéennes, lance l'album sur des sonorités Heavy/Power très savoureuses et accessibles, rehaussées de nombreux éléments Folk. Du Black, MOISSON LIVIDE nous propose des blast-beats et des growls fort bien exécutés, ainsi que quelques breaks sombrent qui donnent corps à ce long morceau. Le cœur reste néanmoins du côté du Heavy, et les refrains, comme sur la majeure partie de l'album, sont interprétés en chant clair et riches en chœurs. Les growls, de manière générale, sont d'ailleurs régulièrement masqués par des chœurs puissants porteurs de mélodie, rendant l'ensemble très accessible. Si cela pourra sans doute faire grincer quelques dents chez les "trve", ce mélange apporte profondeur et substance à la musique de la formation. Les twin-guitars, sur certaines sections solo, confortent cette idée de Heavy Metal Traditionnel ponctué de touches Black plus que d'une musique profondément ancrée dans une noirceur abyssale, ce qui rend l'album particulièrement appréciable pour les amateurs de la musique de BOISSON DIVINE. La partie finale de ce premier morceau, particulièrement dansante, doit beaucoup à la boha, instrument qui se fond ici naturellement dans le décor de cette musique énergique et délicieusement épique.

Certains titres se font plus radicaux et extrêmes dans leur approche et leur interprétation, à l'image de "L'Òmi Xens Passat", présenté comme une version DSBM (sigle pour Depressive Suicidal Black Metal) du morceau "Libertat" de BOISSON DIVINE, évoquant l'exode rural et la déshumanisation sans espoir provoquée par la vie citadine. Si le trait est volontairement forcé (une vie rurale peut également être aliénante), les refrains mélodiques viennent à nouveau contrebalancer la violence brute des couplets. Comme si, malgré lui, MOISSON LIVIDE trouvait de la lumière jusque dans les recoins les plus sombres. "Sent Empèri Gascon" et "Caçaire D’Eternitat", deux gros morceaux de près de dix minutes, constituent naturellement les moments les plus forts de l'album. Le premier, introduit par une trompette, se transforme en manifeste Heavy/Black particulièrement bien construit, dont le texte pourrait être celui d'un hymne national, porteur de la même violence et de la même vacuité sanguinaire, qui exacerbe volontairement à outrance l'opposition entre les peuples et tente de rendre romantique une résistance fantasmée. La frontière entre premier et deuxième degré est ici ténue, mais le texte, percutant et définitif, soutient à merveille cette litanie très mélodique, agrémentée d'un break militaire sur lequel la trompette, à nouveau, renvoie l'idée de ces armées de Gascons envahissant la Terre (et se rendant au-delà, jusqu'à Pluton !) fleur au fusil. Le travail des guitares est ici flamboyant, et les soli vindicatifs sont un véritable bonheur. "Caçaire D’Eternitat" est un titre à la gloire de Gaston III, dit Fébus, belliqueux Prince des Pyrénées dont l'œuvre a été maintes fois glorifiée. Le morceau se fait plus complexe, plus violent dans sa construction (on pense ici aux travaux de jeunesse de DIE APOKALYPTISCHEN REITER), et plus cinématographique, certains passages (agrémentés de trompes de chasse) évoquant des scènes d'hallali. Le résultat est à nouveau épique et puissant, à la mesure de l'intention de MOISSON LIVIDE, qui porte haut sa fierté gasconne.

Plus court, "Sus L'Arroda" se fait un brûlot Black/Folk particulièrement violent, évoquant avec beaucoup d'humour le fantasme de remettre au goût du jour un supplice de la roue pour les cyclistes qui ne se mettent pas assez à droite pour laisser passer ses braves paysans gascons qui œuvrent à la préservation de la culture locale sur leurs tracteurs New Holland mondialisés. Un morceau percutant porté par un texte truculent faisant appel au millième degré des auditeurs, et un refrain sur lequel les growls, volontairement noyés sous la multiplication des pistes de chant, se fondent dans un ensemble toujours accrocheur. Précédé par un instrumental aux allures de calme avant la tempête ("Passejada Dolorosa"), "A.C.A.B. (Armanhaqués Comandò Anti-Borgesòts)", se fait un court titre Thrash/Punk identitaire qui, à nouveau, oppose sous couvert d'humour (on l'espère) la pureté gasconne à la souillure de l'étranger, dans un amalgame de clichés fantasmés adaptés à la teneur musicale volontairement bas du front de ce morceau.

Délicieusement provocateur et anticonformiste, ce "presque" projet solo de Baptiste Labenne est un album-OVNI qui fait du bien, car il réaffirme la porosité entre les différents styles de Metal, proposant un amalgame bariolé et inspiré entre Folk, Black et Heavy. Porté par quelques morceaux de choix, cet album doté d'un son flamboyant est à la fois lumineux et tourmenté, son Black n'étant pas factice, mais au contraire bien assimilé. MOISSON LIVIDE n'est pas le AMARANTHE du Black Metal, mais bien un projet solide sur ses appuis, iconoclaste et original, qui ne connait aujourd'hui guère d'équivalent sur le territoire français (ou plutôt sur les terres gasconnes et ses futures annexes). Un album dans lequel les amateurs des styles plusieurs fois évoqués au cours de cette chronique trouveront certainement de quoi se sustenter.

3,5/5.

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   GEGERS

 
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- Darkagnan (chant, guitare, basse, bouzouki, boha, aboès, tin whistle, l)
- Philippe Etcheblast (batterie)
- Romain Queille (trompette)
- Pereg Ar Bagol (accordéon)
- Geoffroy Dell’aria (tin whistle)
- Sylvain Marques (trompe de chasse)
- Lafforgue (vielle à roue)
- Torve Ascète (arrangements batterie)


1. La Sèrp D’isavit
2. Sus L’arròda
3. L’òmi Xens Passat
4. Sent Empèri Gascon
5. Passejada Dolorosa
6. A.c.a.b. (armanhaqués Comandò Anti-borgesòts)
7. Caçaire D’eternitat



             



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