Et c'est reparti pour un tour pour un album d'intello ! Si, si, vous pouvez flairer facilement et avant même d'appuyer sur le bouton lecture qu'il s'agit d'un boulot de nerds : seulement deux cerveaux (voire même un seul) pour appréhender l'ensemble de la composition, des titres avec des mots sophistiqués qui ne seront pas développés faute de chanteur, une basse fretless qui cancane allègrement, et un artwork futuriste avec des bestioles qui font peur (*). J'ai de la bouteille, on ne me la fait pas.

VITRIFIED ENTITY est donc le boulot d’un Canadien, je veux dire QUÉBÉCOIS (je ne veux pas jouer avec ma vie) au potentiel crevant le plafond : Caleb Simard, fondateur et guitariste, secondé d’un certain Szymon Miłosz (futur The RITUAL AURA) qui a été recruté sur ce premier LP pour assurer la basse. Choix perspicace, les qualités techniques de ce dernier propulsent le duo vers des sommets qui ne seront pas sans rappeler une certaine autre formation québécoise : FIRST FRAGMENT.

Cette inspiration transpire par tous les pores de cet album (bien que techniquement, il n’en ait qu’un gros au milieu), que ce soit par l’avalanche de licks de haute volée, ou par l'approche jazzy (cheval de bataille de Miłosz dans TRA, formation ô combien avant-gardiste dans le Death Tech que je vous somme d'aller écouter), tout rappelle le travail de leurs confrères du pays à la feuille d'érable, et particulièrement celui sur "Gloire Éternelle". Alternant les phases de riffing en shred superposées de licks syncopés et abusant de string skipping à une vitesse écœurante, la conjugaison de tous ces éléments préserve un souci du détail dans la musicalité du produit final, loin de la pure démonstration technique.

Afin de faire varier dans la mesure du possible cette courte galette instrumentale fourmillant de détails, nombre d'invités gratteux ont été conviés à shredder sur une solide moitié des titres, dont le plus remarquable est sans conteste "Hyaline Wormhole", avec l'intervention de Phil Tougas de… FIRST FRAGMENT lui-même. La boucle est bouclée. D’autres approches, ou tout du moins des nuances sont apportées par le toucher des autres invités à la moindre renommée, "Light Withdrawn" rappelant du ATLANTIS CHRONICLES pour son côté éthéré, à l’inverse de "Impermanent Radiance" beaucoup plus rentre-dedans avec une batterie claquant comme une gatling.

Quelques redondances de plans seront à déplorer, comme l'usage systématique de triplets pas toujours subtils pour remplir la moindre fraction de seconde, ou quelques phrasés un peu longuets, mais sans grande conséquence sur la foultitude d'idées et de blasts percutants que l'on prend dans la tronche tout du long des titres.

Les quelques passages au piano, dont l'interlude "Inertia" introduisant l'éponyme (réalisée par les uniques soins des deux protagonistes), en sus d'une courte durée totale, sont autant de choix judicieux permettant à ce premier album studio de ne jamais tomber dans le ni trop, ni pas assez. Entendez par là une bonne dose de soli monstrueux entrecoupés de passages pour reprendre haleine, le tout sur une durée digeste. On lui préférera bien évidemment un "Dasein" ou une "Gloire Éternelle" précédemment citée, mais il s'agit d'un excellent tremplin qui augure une suite radieuse pour le combo polono-québécois.

Morceaux préférés : "Hyaline Wormhole", "Eternal Vitreous Dissolve", "Light Withdrawn".

(*) En gros, ça parle de gros moustiques qui cassent la boucle du temps en s’attaquant à un dieu cosmique et éternel s'étant rendu éphémère. Kamoulox.