Auparavant terrassant tous ces adversaires par des avalanches, sa majesté VARGRAV trônait fièrement en haut de sommets déraisonnables aux pentes inaccessibles. Composant dans le froid le plus glacial et dans l’hostilité la plus complète, VARGRAV traduisait son esprit le plus pur par des contes mélodiques fantastiques soufflant comme autant de blizzards symphoniques et indicibles. Les mélopées exprimaient la sauvagerie de ces altitudes, de ces nuages hagards qui en couvraient régulièrement les monts en dansant tout autour. L’oxygène et les conditions de la vie humaine semblaient exclus de ce bal frénétique où maints décibels descendaient à grands échos jusque dans les vallées encaissées.

Si vous avez pu écouter chers lecteurs le "Netherstorm" en 2018, vous savez qu’en vous, votre démon a déjà dégelé, et si vous avez perdu le contrôle sur "Obedient, Intolerant, Ensnared" c’est que vous vous êtes soumis enfin à lui. Cette émanation diabolique vous furetait de l’intérieur depuis votre naissance et lorsque le "Reign In Supreme Darkness" hypnotisa l’horizon, votre démon s’est enfin arraché à vous pour retrouver son maître suprême. Aux confins des mondes déjà mis à jour par les EMPEROR, les OBTAINED ENSLAVEMENT, les LIMBONIC ART, VARGRAV a méthodiquement gelé ses terres, en les rendant aux éléments, aux forces supérieures et absolues, à l’invisible et au règne des cauchemars hantés de pies grièches et de gloutons féroces. Avez-vous entendu cet appel déchirant des morts, aux tueurs de vie, aux assassins d’esprit, quand tintait "Arcane Stargazer" ?

VARGRAV a toujours empli ses mélodies glaciales jusqu’aux couches les plus hautes de l’atmosphère ; tutoyant les halos sombres et se dissipant dans la matière noire. Cauchemar éveillé mais bien vivant, nos Finlandais - emmenés par l’infatigable Werwolf au chant enténébré et les compositions véloces et entaillées de V-Khaoz, notamment son clavier exosphérique -, ont gravé dans le permafrost leurs sept lettres de diamant. Black Metal Symphonique de haute volée, VARGRAV est devenu un incontournable et une référence sur laquelle s’appose le talent d’autres groupes. Profitant de cette aura brûlée par la neige, et à la faveur de l’arrivée et l’invasion d’un nouvel hiver, voici que déboule "The Nighthold", peu de temps après la sortie d’un EP déroutant ("Encircle The Spectral Dimension"), contenant des titres déjà connus sauf celui éponyme qui préfigurait l’arrivée sommital de l’irrévérencieux dont nous partageas la chronique aujourd'hui. Là où "Netherstorm" nous montrait les cimes d’un mont couvert de nuages épais et où "Reign In Supreme Darkness" nous dévoilait un château en son sommet surplombant les massifs humains, voilà que ce nouvel album, à la faveur d’une expédition ténébreuse, nous en ouvrait les portes pour en découvrir l’intérieur cauchemardesque.

Et chacun de ses titres nous offre la perspective d’en découvrir le vestibule grandiose, les tréfonds obscurs, les antichambres mystérieuses et les pièces secrètes. L’ambiance est toujours à ce Black Metal Symphonique grisant et troublant mais qui ici se marrie davantage avec les histoires et les légendes de ce château. La batterie impeccable martèle de manière entêtante un mid-tempo ravageur que le clavier exhorte de manière malicieuse. Ses notes espiègles parfument l’air ambiant et déclenchent l’apparition de sombres présages ("Chalice Of Silver And Blood"). La grandiloquence des atmosphères est prégnante et est même densifiée. L’album se veut plus direct, plus frontal et bien plus froid encore. À l’écoute de "The Triumph Of The Nightbringer", nous pourrions aisément comprendre qu’aucun d’entre-nous ne pourra sortir de ce château luciférien. Les incantations de Werwolf nous assaillent et la majestuosité des claviers hypnotise les quelques restes vivants encore présents en nous. L’album est copieux voir un peu trop, son heure de musique est parfois suffocante, certains titres sont moins inspirés ("The One Who Lurks Beyond The Starscape", "A Dark Consecration"), et la fin chancelle un peu. VARGRAV tente aussi des sorties originales comme sur la fin de "Creator Of The True Realm" entransées par des âmes PINK FLOYDiennes fort intéressantes.

VARGRAV reste toujours VARGRAV et sonne bien au-dessus de la mêlée, cet album sonne comme un passage peut-être entre deux mondes régnant dans le groupe. La recette poncée d’un Black Metal Symphonique très spatialisé revient sur cet album affublé toujours de ses plus beaux atouts et apparats. VARGRAV ne saurait décevoir, le peut-il d’ailleurs ? Je ne le crois pas, V-Khaoz s’est entouré d’un lineup de folie (Werwolf de SATANIC WARMASTER, Grunt Trollhom de FINNTROLL/MOONSORROW, Baron M. Tarwonen de MOONSORROW/OCTOBER FALLS), et ce "The Nighthold" est plus complexe que ses prédécesseurs, demandant davantage d’écoutes pour que l’on puisse en extraire toutes les saveurs et les essences. À l’instar de "Ghostlands", l’outro symphonique qui ferme la porte de l’album, VARGRAV construit des paysages sonores, des ambiances gracieuses et agressives, et reste le must du Black Metal Symphonique actuel.

Note réelle : 3,5/5.