A quoi bon pérégriner sur les Internets ou faire de la veille documentaire, quand des personnes plus qualifiées et érudites que soi-même peuvent vous mâcher le boulot et vous dégoter des groupes tout à fait sympatoches à chroniquer, français de surcroît ? C’est le choix feignasse dans lequel je me fourvoie grâce à Wën, pourvoyeur de bons tuyaux, donc merci camarade !

BUTCHER’S HOOK donc, quartet originaire de Roanne composé de lascars avec quelques bourlingages dans leurs escarcelles respectives, s’est formé autour du guitariste-chanteur Alex à la suite du COVID, l’idée de "Psychotherapy" ayant déjà maturé dans son esprit avant d’être rejoint par ses compères.

Évoluant dans un Melodic Black Death à l’équilibre savamment dosé, et dans une maîtrise des codes de chacun des sous-genres, l’album traite de la psychologie, de la psychiatrie et de la sociologie au travers d’une histoire narrée au gré des titres. L’histoire évoque un individu (au genre indéfini pour se faciliter l’incarnation du personnage) qui s’éprend de passion pour un boucher, et plus particulièrement par son métier. S’ensuit leur rencontre, et le développement des facettes psychologiques des deux individus : le boucher, inquiétant par nature et comme l’évoque l’artwork reprenant les codes des aliénés de films d’horreur, mais également du mystérieux individu, qui, dissimulé derrière une façade métro/boulot/dodo, révèle sa personnalité, lui aussi de psychopathe. Les protagonistes se lient d’intérêt par leurs traits de personnalités communs… L’inconnu finissant par se faire débiter délibérément en quartiers par l’abatteur sous les yeux de son enfant. Voilà voilà.

Au travers de ce récit est donc abordé pléthore de thématiques (l’emprisonnement avec "Stockholm Syndrome", l’ambivalence des personnalités sur "Bipolar", ou encore le deuil sur "Forgotten") par le biais d’une coordination très fidèle aux ambiances dépeintes par les morceaux. L’exemple le plus édifiant est "Héautontimorouménos" (et non pas "Supercalifragilisticexpialidocious"), évoquant le poème de Baudelaire du même nom, aka être le "bourreau de soi-même", dont l’instrumentation rend dûment honneur au positionnement dudit écrit dans la section "Spleen et Idéal" du poète.

La palette vocale d’Alex évolue au gré des morceaux d’un registre Death growlé assez classique dans une doublure hi-screamée, osant pousser les portes du pig-squeal sur "The Butcher". L’équilibre entre le chant Death et les riffs dans leur grande majorité en tremolo, assurant donc l’aspect Black, demeure appréciable tout du long de la galette, quelques longueurs ou gimmicks de composition parfois convenus pouvant toutefois s’y glisser par endroits. A contrario de ce léger reproche, des titres plus massifs, tels que "Make Him Suffer", viennent casser la routine en martelant une rythmique effrénée et écrasante par sa lenteur.

L’incorporation parcimonieuse de claviers, dont l’objectif est bien plus noble qu’un habillage purement esthétique pour faire du Mélo histoire de faire du Mélo, vient asseoir les atmosphères uniformément sombres de cette psychothérapie de choc. Une ouverture remarquable au piano, fondant sur une berceuse mélancolique, est entremêlée du rire d’un enfant, vraisemblablement celui de l’inconnu, dont l'innocence prend aux tripes. Il est certain que ce dernier en grandissant ne saura pardonner à son bourreau le crime commis, mais prendra-t-il conscience de l’état d’esprit dans lequel se trouvait son(a) géniteur(trice) pour comprendre son éventuelle complicité dans son propre meurtre ? Seul le temps nous le dira… Ou un second album, qui sait ?

En somme, ce premier jet des Roannais ne transpire en rien l’amateurisme. Son auto-production, d’un professionnalisme à souligner, s'avère d’une qualité impressionnante, m’évoquant ingénument dans ma modeste culture Black-slash-insérez-un-genre, un SKELETONWITCH des bons jours.

Note réelle : Un solide 4/5, comme le bon vin, il se bonifie avec le temps, au fil des écoutes.

Morceaux préférés : "Forgotten", "The Butcher", "Héautontimorouménos".