Petite révélation en cette fin d’année, The WOUNDED nous dévoile un Doom d’une belle préciosité, aux teintes ANATHEMA-esques, portées par des volutes mélodiques amples qui s’agitent dans l’air ambiant du disque telles des bulles sonores insaisissables. Gagné par un long silence entre 2004 et 2016, date à laquelle est paru l’album "Sunset", ce groupe hollandais arrive à nous capter avec cet intéressant "The Sky Is Yours" qui n’a jamais si bien porté son nom. La pochette, quelque peu indéfinissable, s’arrange de cette énigme qu’elle nous dresse. Au loin conjure le monde moderne, avec ce fatras lumineux humain, envahissant, grignotant l’espace au fur et à mesure, gagnant temporairement son avancée sur la nature. Et cet arbre que l’on pourrait percevoir comme grelotant, balayé par le vent d’hiver, tient sa place et son rang, et se dresse comme la réponse tragique d’un combat peut être perdu d’avance. Survivra-t-il ? Survivrons-nous nous aussi en tant qu’individu dans ce monde qui nous dévore, qui nous assomme par petites touches au quotidien ?

Le ciel nous appartient, sans doute un peu, à nous pauvres hères que nous sommes, bien trop fugacement, à la seule volonté du temps d’une existence qui nous est déjà compté. The WOUNDED est porté par le cœur noir et la voix claire et voluptueuse de Marco Van Der Velde, ses déclamations tristes paraissent retenir un bouillon d’émotions. J’en veux pour preuve la pièce magnifique de cet EP qu’est "Bricklayer", ma préférée, véritable condensé de sensibilité, animée par maints riffs foisonnant d’arpèges mélodiques cristallins et désenchantés. Les claviers supportent tant que faire se peut la mélancolie qui guette, le venin de la mort qui cherche à se répandre et nous gêne aux entournures. The WOUNDED propose un EP intime, tracassé par les questions existentielles, le sentiment de culpabilité, la pesanteur de la conscience, les fracas de la vie. La musique est donc cette échappatoire possible, ce radeau de survie au milieu d’un océan vorace et imprévisible. Le quasi Funeral Doom de "White Spider", avec cette petite intro très DEAD CAN DANCE dans l’âme, fonctionne à merveille. Marco en véritable conteur tourmenté berce délicatement et nous fait passer d’une émotion à l’autre. Le jeu impeccable des guitares magnifie ces turpitudes d’esprit, et quand le solo traverse notre ciel d’écoute, le message est reçu 5/5. Si la tristesse pourrait nous gagner, c’est aussi la joie qui s’invite au bal et son espoir enchanteur chasse les mauvais génies. "Dogs Cry Murder" un peu Goth dans l’âme, notamment dans son rythme, nous rappelle les influences lointaines d’un SISTERS OF MERCY et ses ambiances Batcave. The WOUNDED semble à l’aise dans la variété mélodique qu’il propose, et l’écoute de "The Sky Is Yours" fait hocher la tête et taper du pied. Cet EP accompagne joliment le quotidien, varié dans ses propositions notamment rythmiques – l’on peut passer d’un quasi Funeral Doom à une ballade Doom/Heavy entraînante tel que l’intéressant titre "Doomed Youth" - son message reste poignant et dense d’ambiance et d’atmosphère. Une fragrance éthérée se hume dans l’air de cet album et galbe ses qualités intrinsèques.

Porté par une production précise et puissante, le détourage des instruments est optimal. La basse est bien audible et son jeu prête attention, tandis que la batterie du regretté Alwin décédé d’un cancer peu avant la sortie de "The Sky Is Yours", est puissante, précise et claire. The WOUNDED s’extirpe d’un Thanatos en convergeant vers un peu plus de lumière. Cette direction mûrie rend honneur aux qualités indéniables des compositions. Si vous appréciez le Doom accessible, varié et émouvant, The WOUNDED est fait pour vous et sera, à n’en pas douter, une belle découverte.

Note réelle : 3,5/5.