Puissant est le terme qu’il convient pour qualifier cet EP de Doom qui confine autant que faire se peut de quelconques raies de lumière. Formée en 2020 lors du fameux choc civilisationnel du Covid, MMXX (tiens, tiens !) est un trio international composé de membres, et non des moindres. En effet, Egan O'Rourke (basse) et Jesse Haff (batterie) font partie du groupe (éteint ?) DAYLIGHT DIES, qui a su accoucher d’albums somme toute assez intéressants tels que "Dismantling Devotion" - que j’apprécie moyennement tant je trouve les compositions sans grande envergure, mais qui ont eu malgré tout leur petit succès d’estime. De l’autre côté de l’Atlantique, nos deux Américains se sont acoquinés avec Andrea Chiodetti le guitariste italien talentueux qui auparavant officiait chez THE FORESHADOWING, principal compositeur et créateur de l’entité MMXX.

Alors quand ces bons hommes se décident à former un projet musical, ils puisent dans leurs sources d’inspiration aux confins d’un Doom atmosphérique et mélodique de premier rang. Ce trio talentueux n’aura pas eu besoin de vendre son âme pour trouver rapidement un terrain d’entente avec Candlelight Records avec lequel ils ont signé. Un premier album saisissant est sorti en novembre 2022, répondant au doux nom de "Strange Cargo". Six mois plus tard, voilà que cet EP apparaît pour le plus grand plaisir de nos oreilles et de votre chroniqueur. Les trois titres de "The Next Wave" font partie non pas de chutes de studio, mais ont été séparés de "Strange Cargo" afin de séquencer l’ensemble des compositions de manière réfléchie.

Appuyé par Dan Swanö à la production, le trio s’éprend d’invités prestigieux, et non des moindres, pour tenir le micro sur leurs compositions. Jugez plutôt. "Isolation", le premier des trois titres de cet EP, mais aussi le plus brut et agressif, tient aussi son épaisseur et sa profondeur par le growl caverneux de Mikko Johannes Kotamäki, chanteur infatigable de SWALLOW THE SUN. Et le titre gagne ainsi quelques galons supplémentaires, non pas que sa mélodie ritournelle ne soit pas à hauteur mais par le fait que le chant de Mikko lui permette de prendre une dimension sépulcrale bien pesée. "Isolation" fait partie de ces titres qui fleure bon le Funeral et la rugosité des ambiances caverneuses. Ces sept petites minutes passent comme si de rien n’était, preuve s’il en est que notre trio international magnifie ses titres avec un choix précis de talentueux vocalistes.
Et ce n’est pas non plus "Alone" qui démentira cette impression. Ce titre est une ballade sensuellement dépressive que la voix de sensible de Mick Moss, leader du groupe ANTIMATTER, enrobe d’un voile fantomatique et poisseux. À nouveau, les mélodies des leads sont gagnées d’autant d’émotions qu’ils comportent de notes. On se surprend à percevoir notre cœur comme mouillé par une fine pluie tout à la fois persistante, douce et mélancolique.
Enfin "Echoes" est un titre littéralement subjuguant. Éthéré de bout en bout par le chant magnifique d’Alicia Nurho qui composa les parties de violon sur le "Obsidian" de PARADISE LOST. Et son timbre délicat m’a de suite connectée à celui d’Élisabeth Frazer sur le projet THIS MORTAL COIL, mais aussi, et de manière très juste à celui de LANA DEL REY. La justesse de la voix d’Alicia emporte l’âme tout autant que le texte précieux et poétique, si agilement écrit, qu’elle déclame. "Echoes" est lumineux, il ne comporte pas d’éléments Metal, il s’agit plutôt d’un titre atmosphérique de toute beauté, habilement travaillé.

Cet EP est une franche réussite et réconcilierait tous les dubitatifs de la musique Doomesque. Conçu à la suite de l’expectative du Covid, MMXX pourrait à tout moment éteindre cette flamme unique et saisissante qu’il a su concevoir au travers de "Strange Cargo" et de "The Next Wave". Cette merde de virus n’intéresse plus grand monde et tant mieux. Il était de temps aussi de pourfendre tout l’effroi, l’expectative et les restrictions de liberté qu’il a conditionné. L’histoire, la sociologie, la philosophie auront beaucoup à écrire et à dire dans les prochaines décennies sur cette année folle qui a martyrisé la condition humaine tout autant qu’elle a été un désastre ténébreux mais aussi créatrice d’adaptations en tous genres et nourricière d’inspirations. Andrea Chiodetti n’exclue pas que le groupe s’éteigne de sa belle mort. Me reste donc plus que l’espoir ou à croire en une quelconque superstition, la première étant d’aller brûler un cierge pour faire travailler les forces obscures à faire perdurer cette entité.