Ardua Music est cet autre label qui, à l’instar de Meuse Music Records, s’est concentré à enlever un voile sur des groupes au potentiel monstre et circonvoluant autour des plaines du Sludge, du Doom. Si nous leur devons la promotion du très beau "A Greater Good" des Espagnols de TODOMAL (que je vous enjoins d’écouter), ou bien encore celui des Finlandais de The BLEAK PICTURE avec leur plus ou moins décrié "Meaningless" – tous deux, d’ailleurs, vont nous sortir deux albums pour cette année ; affaire à suivre – Ardua Music nous a sorti du bois d’autres entités plus confidentielles, mais tout aussi intéressantes, qu’il me faudrait vous parler au plus vite si j’avais ce satané don d’ubiquité. Je vous citerai volontiers le "Lithic" des Allemands de VOIDHAVEN, ou le "Smouldering Into Dust" des Chiliens de MOURNUMENT.

Mais ne nous égarons pas trop et vaquons, d’un pas mesuré, à la découverte de ce premier album de STRUCTURE, fondé il y a quelques années par l’ancien guitariste d’OFFICIUM TRISTE, Bram Bijlhout. Et savez-vous qui s’y colle au chant growlé ? Eh bien, son fameux ex acolyte Pim Blankenstein qui, quant à lui, n’a jamais quitté le navire. Pour ceux qui ne le connaissent pas, sachez que son timbre ténébreux est ni plus ni moins que l’un des meilleurs du Doom/Death Atmosphérique et du Funeral Doom réunis. Dense et opaque, sa tessiture éconduit la lumière et convoque la mélancolie et le sentiment noirâtre de la nostalgie tenace. La pochette fort évocatrice est issue de l’album familial de Bram. Elle nous ramène bien des décennies en arrière, là où nos propres aïeux construisaient déjà l’héritage mémoriel de notre famille. Cet album porte en lui cette narration de l’histoire familiale, de la transmission générationnelle, du poids du passé et des traumatismes silencieux ou inconsciemment hérités.

Sa production sobre et organique sert l’esthétique introspective et mélancolique. Le growl de Pim souligne les tourments et le flou de la mémoire qui s’efface. Très émouvant de par ses leads trempés dans l’encrier de la tristesse, "Heritage" pourrait nous rappeler le "The Silent Enigma" de ANATHEMA, le "Saturn In Ascension" de SATURNUS, ou les premiers albums de SWALLOW THE SUN. "Long Before Me" est sans doute le titre qui, en premier lieu, m’a fait plonger les bras le long du corps dans ce gouffre dévorant qu’est la nostalgie. Le titre éponyme est tout aussi savoureux de noirceur dans sa première partie, mais opère une mue dépressive lorsque les rythmes vont s’accélérer dans sa seconde partie et que les leads vont lentement s’immiscer dans notre cerveau.

Le titre suivant, "The Feeling Of Confusion", reste d’une beauté saisissante et me ramène vers les berges des Finlandais de SHAPE OF DESPAIR. Son break atmosphérique, peu après la moitié de la troisième minute, résonne encore dans ma tête tant il convole vers la grâce avec ses nappes de claviers délicates et la rutilance de sa basse discrète. Autre point d’orgue de ce premier album : le titre instrumental de clôture, "Until The Last Gasp", qui, avec sa dentelle mélodique et atmosphérique, nous attrape dans sa toile. Son rythme très Funeral Doom, l’émotion attirante de ses leads, nous hypnotisent et nous fait sereinement fermer les paupières. Quelle beauté de ressentir son histoire ainsi et la retraverser le temps en rêve.

"Heritage" est un album d’un Doom/Death Atmosphérique d’une grande maturité. Les riffs des guitares s’étirent comme des brumes. Les textures sonores sont feutrées et résonnent de manière personnelle. Cet opus donne l’impression de lire le livre ouvert de Bram Bijlhout et de flotter au milieu de ses souvenirs délabrés, de sentir ses zones d’ombre, de voir les brisures, les errements et les ambivalences. Un très beau disque, à ranger pas loin des fétiches et des souvenirs chéris.