J’ai toujours apprécié le rendu des langues slaves dans le Black Metal. La diction tranchante du polonais, du russe ou de l’ukrainien (gardons le drapeau blanc en étendard en ces temps furieux !), est un vrai terreau je trouve pour accroître l’agressivité de la musique. J’ai peu de peine alors à ressentir la brume courroucée de ces contrées, l’aspect païen de leurs cultures progressant aisément, quasiment intuitivement en se reliant aux traditions clamées de ces peuples éprouvés par l’Histoire même. Cela n’est peut-être qu’une des représentations que je perpétue sur l’idée que je me fais de ces hommes et femmes.

STWORZ est polonais et fier de l’être, alors nourri par sa propre identité culturelle Wojsław, le maître à penser et confectionneur de l’entité STWORZ restera cependant un peu cachotier sur sa propre personne. Pourtant le bonhomme est doté de maintes cordes à son arc mais aussi à celles de ses instruments (nombreux et notamment traditionnels) avec lesquels il compose ces ballades sonores. D’ailleurs Wojsław officie dans divers groupes, notamment les géniaux WEDRUJACY WIATR tout en conservant souvent le lead. C’est donc peu dire que le sieur est ambitieux et possède sa propre vision de la musique ou du moins cherche à l’exhorter et/ou l’exorciser.

Nous pourrions croire à une énième gemme d’un Black/Pagan Metal déjà fortement concurrencé dans ces contrées, au premier rang desquels nous pourrions trouver un KRODA, un DRUDKH, un ARKONA ou bien encore les débuts d’un HEFEYSTOS, mais STWORZ se veut davantage mélodique et "enjoué". Moins sombre et haineux que ses épiques cousins, Wojsław agrémente sa musique d’une douce poésie. Véritable ode à la mère patrie et à sa terre, aux espoirs qu’elle revienne nourrir son peuple à la saison nouvelle, "Cóż Po Zyznych Ziemiach..." (qui littéralement peut se traduire par "bien après les terres fertiles…"), condense des lignes mélodiques superbes flottant sur un tempo tantôt rapide tantôt mesuré. Chaque titre semble évoquer les espoirs contrariés, la dureté de la vie de jadis, les épanchements capricieux de la nature, l’amertume des récoltes, la pénibilité de subsister. Les ambiances Folk se ressentent considérablement sur cet album et l’ajout de chœurs féminins complètent la prédominance d’un sentiment traditionaliste. STWORZ n’hésite pas à piocher dans le folklore de son pays, le line-up apparaît notamment en tenue traditionnelle dans un booklet soigné à l’artwork magnifique et cristallisant cette ambiance.

Oui à l’Est il y a du nouveau et ce "Cóż Po Zyznych Ziemiach...", troisième album du groupe, après deux premiers essais plus sommaires, enclenche la bonne mise en marche de l’entité vers une identité marquée et puissante qui s’égrènera superbement au fil des opus suivants. La production puissante et claire, fait la part belle aux lignes mélodiques entraînantes et inspirées. Le grain de Wojsław est soigné et racé, il accompagne de manière congruente cet album charmant, parfois inégal, doté de quelques longueurs mais accessible et enivrant.