J’ai une légère impression de déjà-vu avec ce groupe et cette pochette… pas toi ô lecteur pointilleux ?

Je m’explique : juillet 2022, nos sympathiques suisses du combo de Metal Prog épico-burné d’ATOMIC SYMPHONY sortent leur deuxième effort studio sous le titre joli mais lourd de sens de "Hybris". Fort de six titres pour 42 minutes d’une musique à la fois puissante et prenante, cette formation originaire de Zurich fait preuve d’une belle maturité musicale et parvient à attirer l’auditeur dans ses rets atomico-accrocheurs même si nous n’avons pas ici un véritable séisme en termes d’originalité et de tuerie technique. La (très illustrative) kro afférente rédigée par votre serviteur sur ton NIME préféré détaille ces éléments avec bien plus d’application que je ne saurais le faire ici en quelques lignes… faut la lire !

Juillet 2023 : le même groupe, avec les mêmes cinq musiciens qu’ont pas bougé, sort une galette armée de cinq cartouches pour une durée de près de 36 minutes et dont le titre "Nemesis", également chargé de sens, s’illustre sur une pochette strictement identique à celle de l’année précédente dépeignant une forme humaine dont les mains et la tête sont auréolées de sphère de puissance, silhouette qui semble concentrer à elle seule une énergie prête à être déversée sur le premier quidam (et auditeur !) qui passe… sauf que la couleur, et ben elle ; elle a changé !
Mais pas vraiment que la couleur docteur… le bleu saillant qui remplace le rouge-feu laisse également se dessiner des formes qui semble doter la silhouette d’ailes dignes d’un Tyrael Diabloesque et qui lui impriment ainsi une aura de puissance céleste que ne possédait pas le cru 2022.

Et bé Zézette, on nage en pleine mythologie musicale ici, car entre ces deux illustrations très proches mais qui ne sont pas jumelles en termes de colorimétrie, se cache une belle nuance par laquelle la Divinité de la Juste colère œuvrant pour une justice distributive (Nemesis) vient châtier ceux s’étant rendu coupables d’Hybris (démesure, orgueil, arrogance)… Nous ne serions donc pas confrontés à un vulgaire clone mais à une suite de l’œuvre de 2022 ! Tout s’explique chef !
Vu qu’une toute petite année sépare les opus, pas de gros changements radicaux dans la musique que propose ATOMIC SYMPHONY : des lignes rythmiques comme des riffs joliment porteurs sans être trop assommants, des claviers accompagnants et mélodiques sans s’avérer envahissants, une base rythmique dynamico-percutante à souhait, le tout enrobé par la voix cuivrée d’une frontwoman, qui, si elle ne lorgne pas vers la performance à tout prix, semble même s’améliorer au fil des opus.

Déployant en outre un sens certain de la musicalité au travers des cinq compos qui meublent richement ce "Nemesis", ATOMIC SYMPHONY y sert un Metal ample tant riche que ciselé dont les ambiances prenantes et les multiples variations contournent intelligemment tout début de lassitude ou encore le risque d’indigestion propre à ce style (souvent trop) généreux. Alors oui ? Des sources d’inspiration bien connues des oreilles métalliques qui fréquentent NIME, les Helvètes n’en manquent pas (SYMPHONY X ou encore UNLEASH THE ARCHERS pour les plus probantes) mais ceux-ci évitent soigneusement de tomber dans le clonage bête et méchant et tiennent selon moi la gageure de proposer une musique attrayante qui, même si elle ne réinvente pas la roue, montre qu’elle sait bien la faire tourner !

Et c’est ici que la très convaincante Miss Jasmin Baggenstos vient offrir sa réelle plus-value, forte d’un organe qui pourrait faussement paraître assez standard mais dont elle joue habilement au niveau puissance ainsi qu’avec un certain degré de nuance… ceci tout au fil de l’album. La belle prouve ainsi qu’il n’est pas obligatoire d’être une Diva au soprano ravageur pour être en symbiose avec ses instrumentistes et proposer un Metal tant racé qu’efficace.

Mais trêve de descriptifs vaseux et abstraits : Il s’agit maintenant d’envoyer la sauce et d’écouter un "Nemesis" qui, sous couvert de suivre de bien près son grand frère "Hybris", s’affiche néanmoins comme une bonne surprise carrément recommandable.
Tu pourras donc pleinement apprécier, ô lecteur impatient, comme le curseur entre puissance et mélodie est habilement placé dès le décollage par le très accrocheur "Nemesis I: Awakening" qui ouvre les hostilités en plaçant la barre bien haut pour un titre de plus de neuf minutes (ben voui, quand même !) et dont on ne jettera pas grand-chose… Tu souriras ensuite béatement à l’écoute de la poursuite de cette première salve au travers d’un "Nemesis II: Arrival" à la progression diablement millimétrique pour une fin en apothéose renouant pour le plus grand bonheur de nos zoreilles avec le très enlevé thème mélodique du titre d’ouverture… J’ignore où ces Suisses talentueux finiront, mais leur envol est bien agréable ! Le reste de l’opus s’écoute d’ailleurs avec la même grâce, même si les trois titres restants demeurent selon mon humble avis un chouïa un cran en-dessous des deux belles (et longues !) pièces citées à l’instant. Un petit clin d’œil à la très réussie power-ballade "Last Of Your Kind" à l’habile montée en puissance et à l’ambiance prenante.

La perfection n’étant que trop rarement la résultante d’une œuvre humaine, l’observateur méticuleux confortablement installé derrière son écran multimédia dernier cri en sirotant son apéro cacahuètes pourra toujours arguer du fait qu’à l’image d’un "Hybris" certes très confortable, ce "Nemesis" 2023 ne défonce pas des portes en matière d’avant-gardisme, qu’une durée totale aussi courte évite statistiquement nombre de gadins ou bien encore que sans sombrer dans l’immonde copier-coller, les intros des cinq pistes ont un drôle d’air de famille… et il ne serait pas complètement dénué de bon sens !
Les Suisses y affinent néanmoins leur signature artistique, que je trouve légèrement plus prononcée que sur l’opus 2022 et prouvent, non sans talent, que la scène Prog Power Mélodique européenne est encore bien vivante et inventive.

ATOMIC SYMPHONY signe donc ici un mini album (ou un maxi EP c’est selon) d’une bien belle qualité qui s’inscrit dans la droite lignée thématique et stylistique du chapitre précédent : les amateurs de valse à trois temps penseront comme moi que les Suisses nous abreuveront au minima d’un troisième album en juillet 2024 et allez savoir… On touchera peut être du doigt le pur chef-d’œuvre ! Les paris sont ouverts.

Auréolé par les rayons lumineux bleutés qui me dessinent des ailes aux plumes aussi aiguisées que la lame du glaive de la Justice divine, je m’apprête à dissoudre dans le néant ce petit chroniqueur mondain tout engoncé dans son Hybris d’intello de la musique alors qu’il gît, affalé devant son écran les doigts pleins de miettes de cacahuètes bon marché… Je force l’affichage à s’illuminer d’un très mérité 4/5 pour ce "Nemesis" aux saveurs bien enivrantes. Ne me faites pas faux-bond les ATOMIC SYMPHONY !

- pour la mise en bouche : "Nemesis I: Awakening",
- pour le plat de résistance : "Nemesis II: Arrival",
- pour le dessert sucré : "Last Of Your Kind".