Sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, le statut de chroniqueur chez NIME, nonobstant d’accorder une foule de privilèges hors de portée du commun des mortels, telle la renommée littéraire webo-planétaire, les bains de foule dénudés cernés par les amazones déchaînées du Hellfest ou encore la jouissance indicible du fameux petit hochement de tête satisfait du Grand Maître du Metal à la lecture de ta dernière Kro, implique également un inconvénient majeur touchant nos appendices les plus utiles et les plus visibles : les oreilles en chou-fleur !

Soumises à des flux métalliques incessants liés aux écoutes successives et ininterrompues nécessaires à la rédaction en continu de nos proses destinées à abreuver le rouleau compresseur Nimien, nos pauvres oreilles, et surtout l’échelle de valeur qu’elles alimentent dans nos esprits embrumés, s’en retrouvent parfois plus que blasées et développent alors quelques subterfuges directement inspirés par Dame Paresse… Et nous rapprochent ainsi dangereusement du syndrome bien connu dit "d’étiquetage automatique" par lequel les vibrations sonores d’une nouvelle écoute viennent en vitesse supra-luminique se ranger docilement sous une jolie étiquette bien formatées associée à une proposition de note étoilée à la clé ! Cet état de béatitude inspirant généralement les borborygmes suivants :

"- bof… mouuais… c’est du déjà vu ce truc ! Allez hop ; Power Metal mélodique à chanteuse orné de relents de Sympho… niveau correct : 3/5. Kro suivante s’iouplaît !"

Et c’est exactement ce qui m’est arrivé avec la dernière livraison studio en date nommée "Hybris" balancée par le combo helvète ATOMIC SYMPHONY et parue en juillet 2022… Monumentale erreur Slater ! (*pour les connaisseurs : référence coupable au film de Schwarzy "Last Action Hero" laqué de Metal comme de second degré et n’ayant ainsi eu qu’un succès très mitigé aux US). Alors, l’esprit rongé par la culpabilité et l’amertume, on se lève aux aurores un dimanche matin, on chausse ses mules en moumoute rose préférées et on rallume sa vieille casserole d’ordi pour commettre ce qu’on aurait du faire la veille : une Kro un minimum posée et honnête !

Non, les jeunes suisses de la formation pourtant ambitieuse qu’est ATOMIC SYMPHONY ne révolutionnent pas le genre métallique avec une musique pourtant ample, aux riches reflets d’une section rythmique diablement véloce mâtinée de lignes guitaristiques sachant savamment allier le ciselé et le velu… Mais ils y croient et jouent en mettant du cœur avec toutes leurs tripes les fourbes !

Non, la jolie vocaliste n’est pas dotée d’un organe à faire exploser les verres en cristal ou à fendiller les murs en exhibant à tout va des courbes langoureuses gainées de dentelles affriolantes et de cuirs fantasmagoriques, mais elle fait néanmoins dignement le job en y mettant ponctuellement une jolie conviction…

Et non, l’auditeur n’est pas noyé sous un maelstrom d’orchestrations symphoniques en dolby surround 7.1 en ayant l’impression de se trouver au beau milieu du Philharmonique de Vienne… mais les arrangements s’avèrent plus qu’honnêtes, les chœurs bien amenés et le plaisir d’écoute est ainsi au rendez-vous !

Alors, dans ces conditions, pourquoi se priver du plaisir de parcourir un riche et varié "Nightfall" qui, malgré un décollage un chouia en pente douce, reste très attrayant par son refrain accrocheur, ses variations rythmiques joliment calibrées et son solo guitare de très bonne facture ?

Pourquoi rechigner également face au percutant et pourtant intelligemment mélodique "Chimera", fort de sa ligne rythmique introductive ornée de belles orchestrations, de ses séquences groovy délicieusement minimalistes comme de sa sympathique montée en puissance conclusive ?

Enfin, pourquoi cracher sur cet instrumental classieux qu’est "Metamorphosis" à la démarche bellement syncopée suivie d’accélérations surprises soutenues par une double grosse caisse particulièrement dynamique ?

En un mot : Pourquoi ne pas profiter d’un "Hybris" qui, même si il montre quelques signes d’allégeance à des grands et des plus connus, propose sans complexe un Metal burné et technique qui n’oublie pas la mélodie et les relents épiques ? A découvrir donc…

En outre, cette sympathique cuvée 2022 vient vertueusement enrichir le cri initial poussé par le combo en 2015 avec l’album "Redemption" qui, même si il n’avait pas déchaîné un tonnerre de rugissements élogieux, avait pourtant donné un bon avant-goût de ce dont ces helvètes besogneux étaient capables. Or, il faut lui reconnaître cette qualité, même si l’opus n’est pas exempt de (micro) longueurs ou que la voix de Jasmin Baggenstos n’égale pas les performances d’autres célébrissimes Divas, "Hybris" est un album solide, éminemment convaincant, armé de titres qui pilonnent convenablement, d’une belle mise en place, œuvre de musiciens qui sont loin d’être des manchots ! Pas révolutionnant mais très plaisant et empreint d’une qualité indéniable ! Reste au combo à poursuivre dans cette voie studieuse tout en travaillant plus en avant son originalité.

Émergeant de mes cauchemars érotico-gothiques noyés dans les brumes sonores d’un SYMPHONY X, mêlées à la sauce EPICA, lui-même parsemé d’UNLEASH THE ARCHERS puis badigeonné de DELAIN, je sens sur ma joue endolorie le contact des touches de mon clavier d’ordinateur noyées de bave… Merde ! Je me suis encore endormi en postant ma Kro ! Engoncé dans mon peignoir aux couleurs du HellFest, les yeux gonflés par le mauvais sommeil, je contemple mon écran où l’interface graphique dernier cri de NIME me confirme la bonne prise en compte de la Kro d’"Hybris" agrémentée d’un joli 4/5… Mes oreilles en chou-fleur réduites à l’état de noyaux d’olives recroquevillés par la fatigue et l’inconfort m’ont traîtreusement inspiré cette note dithyrambique… je leur fais confiance !

- pour la surprise et le voyage : "Nightfall",
- pour l’habile mélange des genres : "Chimera",
- pour que les instruments seulement : "Metamorphosis".