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2013 Futile

EUDAIMONY - Futile (2013)
Par STORM le 7 Novembre 2023          Consultée 476 fois

En faisant le mur il cherchait à remonter le temps, à retrouver la vie ou un semblant pour se sentir existant. Tout adolescent qu’il était, il avait cette fureur de partir sans se retourner et cela l’animait au plus haut point. Chaque jour, de retour dans son "chez lui", il rêvait de repartir à nouveau. Cela l’obsédait et lui procurait tellement de plaisirs internes. Quand le soleil déclinait et dessinait un arc rougeoyant en gagnant la ligne infinie de l’horizon il sentait l’appel de la nuit. Il prenait soin de préparer ses arrières pour le retour à l’aube, entrouvrant la fenêtre du salon, déverrouillant le volet. De sa chambre il pouvait voir ce muret qui ne demandait qu’à être escaladé. Alors, commandé par l’irrépressible, il enjambait sa fenêtre, sautait d’un étage, roulait au sol pour gagner ce mur qui lui ferait gagner enfin la rue.

Un casque vissé sur les oreilles, il partait s’enivrer de l’inconnu, bien conscient qu’il semblait lui être interdit car s’il eut conservé sa sagesse, à l’heure où il foulait le pavé, il aurait déjà dû embrasser Morphée et rester sagement dans son lit. Alors dès qu’il eut gagné le dehors, la saveur des interdits de ces fugues régulières lui faisait profiter comme jamais de tous les bruissement perçus, des caresses du vent sur son visage ou dans les feuilles. La forme changeantes des nuages dans le ciel, les éclats lumineux des croissants de lune devenaient des cadeaux majestueux s’offrant aux fantaisies de son esprit. Enfin la liberté libre, enfin le grand air ! Souhaitant profiter ardemment de ce temps volé, il s’attachait, en passant la muraille, à courir longtemps, ardemment, à grandes enjambées, pour gagner les champs et les forêts seul avec lui-même. Son cœur battait tant la chamade, il pouvait ressentir son sang battre à gros bouillons ; l’extase le gagnait, il soliloquait des paroles libératrices, il ne pouvait ni sentir la fatigue ni la pluie qui battait parfois la nature fortement. La saison importait peu, les risques aussi. Pourvu que l’ivresse fasse jour en lui quand la nuit s’épaississait de sa présence.

Ritualisé il mettait toujours le même album dans oreilles, "Futile" de EUDAIMONY. Cela le réconfortait et lui permettait de libérer l’acuité de ses sens. Gagnant ainsi des sentiers isolés, il cherchait toujours à s’y perdre le plus loin possible, la liberté le dépossédait à mesure que la nuit s’emparait de sa peau. Il entamait alors sa mue, se séparant de ses accoutrements et de ses enveloppes humaines, il désirait ardemment devenir quelque chose et non plus quelqu’un. Cet appétit dévorant le conduisait à écrire cette métamorphose là où l’inspiration lui arrivait. Guidée par la collusion de ses sens et de leurs inspirations, il couchait sur le papier sa poésie nocturne partout où il se trouvait : parfois près d’un ruisseau, en haut d’une structure escaladée, sous un arbre, dans le noir absolu et très souvent, en prenant des risques inconsidérés, il écrivait enivré machinalement ce que son esprit lui dictait, lui incantait, à l’écoute du dehors, du bruit, du sang des êtres et de la faune, de la caresse de la flore et de l’air ambient, du silence prompt et plein.

EUDAIMONY l’accompagnait à merveille dans ses pérégrinations noctambules et ses fugues adolescentes. La langue et la langueur poétique de ce groupe lui parlaient intérieurement et éconduisaient ses angoisses vers le firmament. Il trouvait dans cette musique plus volontiers lente, une accointance entre sa foulée et le rythme qui en échappait. Il calait sa pensée dans les déclamations de Matthias Jell (GRÀB et ex-DARK FORTRESS), chanteur remarquable qui associait une voix claire et fine du plus bel effet ("Portraits" ) - son grain lui faisant aussi penser à Mikael Stanne de DARK TRANQUILLITY qu’il appréciait tant ce dernier lui permettait de rêvasser et de composer avec lui un dialogue imaginaire-, avec une voix souffreteuse et acerbe accompagnant un tempo lourd, sombre et larvé. Cela l’empêtrait, l’embourbait dans sa tête et le rythme de la batterie le mettait en relation avec ses propres pas, avec leurs propres forces. Les guitares lancinantes de Marcus E. Norman (ANCIENT WISDOM, NAGLFAR, ex-THRONE OF AHAZ) mais aussi de Schwadorf (EMPYRIUM, THE VISON BLEAK, THE SUN OF THE SLEEPLESS), notamment sur le titre éponyme, marquaient les heures comme autant de symphonies lancinantes et variées. Les harmonies romantiques, gothiques et sensibles redonnaient forme aux émotions qui le traversaient. Les riffs lui donnaient du baume au cœur et à l’âme en galvanisant sa marche pressée. Cette musique fortement imprégnée d’introspection n’épiloguait en rien mais offrait une formidable ouverture à la pensée et à la création. Il ne comptait plus les poèmes et la prose que cette musique lui avait permis d’écrire. Les claviers atmosphériques et ce piano triste couronnaient cet album - tout à la fois sinistre et radieux -, et faisaient ressurgir en lui la nostalgie et les souvenirs chéris de l’enfance. Afin de mieux les cerner, il se repassait en boucle "December’s Hearse", son titre favori, jusqu’à ce que ce dernier ait épuisé totalement l’inspiration, le lieu de ce recueillement, et sa pensée.

Ainsi il reprenait la route du retour à la faveur notamment des premières lueurs de l’aube, son carnet de notes près du cœur et la respiration ample, il prenait plaisir à goûter encore à cette liberté délicieuse et généreuse qui le quitterait bientôt. Il ne courait plus, ses pensées se tarissaient, les crispations revenaient. En repassant le mur, il ne percevait plus la joie et, en regagnant sa chambre, il se laissait aller à la torpeur que son corps fatigué lui ordonnait. Il détestait rendre les armes et revêtir ses apparats humains, mais il prenait soin de mirer une dernière fois ce disque d’EUDAIMONY qui l’attendait pour une nuit prochaine. Il le savait, ce disque ténébreux était son double, son jumeau sonore et le savoir près de lui, tout à côté de son carnet d’écrits, l’apaisait et lui faisait accepter la bizarrerie de son quotidien

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- Matthias Jell (chant)
- Marcus E. Norman (guitare, basse, claviers)
- Schwadorf (guitare, claviers)
- Patrik Hellström (basse)


1. Ways To Indifference
2. Mute
3. A Window In The Attic
4. Futile
5. Portraits
6. Cold
7. Godforsaken
8. December’s Hearse



             



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