MY OWN PRIVATE ALASKA est une pépite enfouie qui date de 2007 pour moi et que j’aimais à ressortir de temps à autre pour laisser mon âme être en proie à une douce mélancolie. Depuis son EP éponyme datant de cette année-là, je restais hanté par deux de ses titres prodigieux, "I Am An Island" et surtout "Die For Me (If I Say Please)". J’avais abandonné de suivre le groupe après la découverte de son premier album, "Amen", sorti en 2010, qui m’avait laissé plutôt de marbre… D’ailleurs le groupe fit une belle césure. Le trio autrefois talentueux ne montrera sa bobine qu’à la faveur d’un second EP sorti il y a tout juste trois ans, "Let This Rope Cross All The Lands", et que je ne connais pas.

Alors à la faveur de cette sortie, beaucoup de choses me sont remontées. Allais-je retrouver ce piano à la Frédéric CHOPIN ou à la Sergueï RACHMANINOV complètement exorcisé, ces martèlements de cymbales à se casser les poignets et les éructations désespérées de son chanteur Matthieu ? À la faveur des années, le batteur a changé et le trio ainsi formé à intégrer Camille qui tient la place d’un clavier basse pour ce second album. Difficile de cataloguer ce groupe toulousain très singulier. Un mélange de Screamo, de Post Hardcore et de Piano torturé (que certains nomment Piano-Core sans doute à raison) se dégage mais sur "All The Lights On", il est aisé de ressentir que le groupe y mélange aussi des sonorités mâtinées de lyrisme, de chant clair et de volutes Électro.

Dès les premières secondes de "From Gold To Stones", je pousse un grand soulagement. Pourquoi ? Car tout le sel qui fait de MY OWN PRIVATE ALASKA un groupe unique et extrêmement attachant resplendit déjà dès les premières notes du piano de Tristan Moquet et des vocalises de Matthieu. Les frissons montent instantanément et par vagues successives. Le clavier basse de Camille donne du corps aux compositions c’est indéniable et cela galvanise la puissance, l’agressivité notoire et les émotions qui en découlent. Faites place alors à "Ka Ora" (des paroles Maori utilisées dans la Haka), un titre fabuleux, entre déchirements et splendeurs sauvages - à l’instar de son clip. Et je resterai dithyrambique pour le suivant avec son refrain entêtant "Innocent, Innoncent", véritable accompagnateur de marche et tordeur de tourments. Mention spéciale aussi à la mélancolique "Touch Again" et au titre éponyme charnel, d’une délicatesse merveilleusement fragilisée par les assauts de Matthieu.

Je reste un peu moins emballé par la seconde partie de l’album qui est aussi plus complexe. Mais attention j’ai bien écrit un peu. Il faut dire que le début de l’album envoyait la grosse artillerie d’entrée. Certains titres de cette seconde moitié de "All The Lights On" se déploient sur une durée plus importante qu’à l’accoutumée. Je pense notamment à "Mask Again" où le chant de Matthieu évolue aussi de temps à autre sur un versant Hip-Hop avec plus ou moins d’efficacité. En même temps je ne peux qu’adouber cette recherche continue et ce besoin d’expérimentation - la bruitiste "We'll All Die (But You'll Die First)" - que semble adopter MY OWN PRIVATE ALASKA sur cet album.

Le groupe a mûri et paraît stable et épanoui. Cela transparaît dans la musique, à l’instar de cette belle photo du groupe sorti de concert que j’ai pu voir dans une récente interview qui respire la beauté tranquille. L’énergie, la connivence et la grande humilité paraissent être prégnantes au sein de ce line-up. Alors pour conclure je souhaite vous indiquer que, selon moi, cet album est une franche réussite. Il est rempli d’instants saisissants que le quartette sait nous adresser avec une grande technicité et acuité émotionnelle. Nul besoin de guitare pour irradier efficacement son auditoire et le remplir de sentiments diffus et profonds. Une sacrée belle réussite et française de surcroît, soit dit en passant.