"Mais bordel qu’est-ce que c’est encore que ce boucan ?", hurlait le voisin devant son écran de TV. "Un soir de match bordel, ils ne vont pas me faire cela quand même ! En plus ça va reprendre, je suis sûr qu’ils vont me saloper la seconde période ? Ce sont vraiment des connards ces petits merdeux d’à côté, t’entends maman ? Des merdes pareilles moi j’en chie tous les matins, qu’ils aillent crever ailleurs !", répliqua t’il. Faut bien le dire mais il avait raison ce con, pas faute de comprendre son abrutissement quotidien, mais ça maravait grave de l’autre côté du mur. Obligé de pousser le volume pour arrêter d’entendre ces hurlements qui donnaient l’impression que l’on désossait une bidoche qui se défendait. Si on peut plus s’équarisser en famille maintenant où va le monde, je vous le demande ? Du moment que cela est fait proprement, que la viande est bien débitée et conditionnée, les ustensiles rangés et désinfectés, le tout pendant la coupure pub, la paix sociale culmine, de quoi se mêle-t-on ?

Nos laissés pour compte finlandais n’auraient rien à dire concernant cette anecdote et pour cause. Avez-vous déjà entendu la lame d’un couteau plonger avec délice dans la chair encore chaude et en redemander ? Peut-être que non en fait ! Et bien le Black Metal c’est aussi l’expression fantasmée de ce type d’expérience et si je vous emmerde et vous dégoûte avec mon récit un poil psychopathe et bien je vais plonger plus encore dans les tréfonds sanglants, remplis de supplices et d’éructations. VERGE va m’y aider à rendre plus lisible les pulsions de mort, le réveil de Thanatos et de ses envies d’écartèlement, de "Chains" qui suspendent et font chanter la torture, comme présentoir du dégoût de l’autre, de sa haine pure. VERGE c’est cela mes petits agneaux, une phobie archaïque qui se présente à vous au fond d’une impasse dos au mur ou dans une nasse qui vous encercle sans échappatoire possible. Cette peur tombera sur vous aveuglément avec des yeux en forme de sabre, une haleine à vous dissoudre, elle se dirigera vers vous pour vous transpercer de part en part, vous pulvériser, vous faire imploser avant l’heure dite. VERGE conte les hurlements internes, les déchirures de vie, la procrastination de la Mort qui attend. Vous en redemanderez peut-être, après tout si vous aimez cela et bien "Sex & Violence" vous servira à huit reprises. Mes amis quelle chance, c’est un menu de dégustation qui s’offre à vous et c’est VERGE, en bon patron, qui vous invite. Leur Black Metal n’est pas Raw, il est juste dérangeant et beau à la fois. La douleur fait partie de la violence et la violence fait partie de la vie. VERGE a décidé de faire rapport de cet état de fait en cuisinant dans son abattoir des riffs froids, énergiques dans un mid tempo rageur et condensé d’émotions variées. Une basse bien audible est parfaitement jouée et accomplit, à la manière d’un baladin, une danse à part et enchanteresse, tandis que le flux des mélodies des guitares et d’un clavier atmosphérique laissent entrevoir, dans l’encadrement de la porte des scènes de torture ("Persistence In Failure"). Posant notre œil dans ce trou de serrure, nous devenons de fait les témoins curieux et voyeurs, sadiques et masochistes, qui prenons comme la foule un bain de larmes et de sang gratis. Oh vous pourrez lever le pouce ou le baisser, VERGE s’occupera de vous pour vous enfermer à votre tour et faire de ces scènes les vôtres.

Et quand la voix démoniaque de Wrong s’épanche à exprimer ces douleurs, c’est tout un train endiablé qui fait route à l’intérieur de votre cerveau. Le tempo de Fail le batteur guidera vos influx nerveux, grillera vos petites connexions neuronales chiasseuses pour mieux vous lobotomiser, vous ramener au primitif, à votre seul instinct, à vos besoins primaires inassouvis, à l’impossible raisonnement de vos frustrations. Alors laissez-vous aller avec VERGE, accomplissez-vous, faites-le ! Défaites vos liens il est encore temps avant que le mal, votre démon revienne et vous séquestre à nouveau. Les ultimes titres de cet album se décomposent - et c’est le bon terme-, en trois parties. "Lust" et "Pride" sont des pièces atmosphériques aux ambiances profondes, inquiétantes et souffreteuses que les claviers de I portent aux nues en y ajoutant du sel sur les plaies. L’ensemble de l’album est saisissant et "Pride" le conclue de la plus belle des manières. VERGE ressemble à peu de groupes car il dépeint de manière très désenchantée et brutalement tout le sordide qui sommeille en nous. Aucun titre est inintéressant et ils s’enchainent de manière intelligible. La production est soignée et les atmosphères de l’album sont variés, notamment par l’appui des claviers et des samples. C’est un opus magistral que l’on pourrait ranger avec le "Clean Hands Go Foul" de KHANATE, les œuvres habitées de WORMPHLEGM, les vicissitudes de SILENCER, de PSYCHONAUT 4, de BETHLEHEM ou bien encore le superbe "The Insignificance Of Life" d’ANTI.

Voilà c’est terminé nous sommes saufs, il nous faut maintenant nous ramasser, nous reconstituer car l’emprisonnement dure encore et aucune perspective de sortie n’est à déplorer. Nous entendons au loin les voisins s’exciter sur ce qui semble être un match. La vie est belle certes mais pas pour tout le monde, gageons qu’on nous aidera si toutefois nous pourrons encore crier !