Le "travail" de chroniqueur s’apparente parfois à une exégèse. Essayer de découvrir le sens d’une œuvre obscure, de comprendre le propos d’un album mystérieux, tout cela ressemble de temps en temps à une vaine entreprise. Il est ainsi plaisant de se mettre dans les bottes de HOPES OF FREEDOM alors que le groupe vient de publier "Light, Fire & Iron", un troisième album direct, efficace, positif et entraînant, plus Power Metal que le Power Metal lui-même.

Né en Normandie en 2007, HOPES OF FREEDOM publie un premier EP en 2010, auxquels succèderont deux albums studio, en 2012 et en 2016. Pas de parcours à la FAIRYLAND ici, dont le premier album a donné l’espoir en l’éclosion d’une scène française enfin importante dans ce style musical, avant que le soufflet retombe. Le groupe normand œuvre ici à plus petite échelle, gagnant lentement mais sûrement en popularité, prenant le temps de travailler plus en détails chacune de ses nouvelles sorties. Est-ce cette envie de bien faire qui explique le long délai qui sépare les trois albums du groupe ? Il y a sans doute de ça, même si, prévu initialement à l’automne 2020, "Light, Fire & Iron" a fait les frais de la crise qui touche encore durement les acteurs du monde musical et culturel. Il en a aussi profité, le groupe pouvant ainsi travailler plus en profondeur sur ses enregistrements.

Illustré (comme ses prédécesseurs) par un splendide visuel signé Alexandre Chaigne, ce nouvel album auto-produit renvoie nécessairement à l’univers heroic-fantasy dont RHAPSODY a été un des plus emblématiques représentants. De fait, HOPES OF FREEDOM nous emmène dans des terres inconnues, des territoires où les Hommes et les dragons vivent en paix jusqu’à ce que des cœurs impurs commencent à chasser ces derniers pour en retirer des richesses… Élément déclencheur de moult péripéties dont on peut se repaître ou que l’on peut choisir d’ignorer sans que cela nuise à l’appréciation de l’album.

Résolument ancré dans une veine Power Metal européenne, le groupe propose une musique très rapide et entraînante, un Heavy/Speed toujours très mélodique, aux orchestrations subtilement dosées. Nous épargnant des interludes interminables, le groupe n’habille pas sa musique d’enrobages inutiles et se concentre sur l’efficacité des refrains et la saveur de ses ambiances. Quelques éléments "exotiques" tentent ci et là d’apporter une touche irlandaise (cornemuse et flûtes), mais nous sommes ici plutôt loin du Folk Metal, les instruments celtiques utilisés n’apportant qu’une couleur supplémentaire à l’ensemble, et ne constituant en aucun cas l’ossature des morceaux (à l’image de GRAVE DIGGER sur son "Tunes of War"). Ainsi, HOPES OF FREEDOM serait à rapprocher principalement de FREEDOM CALL pour ce côté lumineux qui inonde l’album. Quelques clins d'œil aux regrettés HIGHLAND GLORY viennent également agrémenter l'album.

Musicalement, l’album n’est pas avare en bons moments. Dès "Lost Humanity", on tombe sous le charme évident de ces refrains inventifs qui frappent fort et juste. Ce morceau donne le ton d’une première moitié d’album pied au plancher, gorgée de mélodies fortes et de refrains entraînants. Les morceaux, tous dotés d’un savoureux souffle épique, se déploient tous sur près de six minutes, et laissent ainsi un bel espace d’expression aux différents protagonistes. Les passages instrumentaux de "Delusion", par exemple, sont un des moments de bravoure de l’album. La deuxième moitié de l’album se veut plus nuancée, la première partie du diptyque "A Tale Of Glory" voguant ainsi dans des eaux plus calmes. On savoure ce calme temporaire, ces mélodies qui se rapprochent d’ambiances irlandaises évoquant le morceau "Ride On" du chanteur Christy MOORE. Et puis, il y a le titre final, qui donne son nom à l’album, dont les quinze minutes sont le pinacle et la synthèse de tous les éléments déjà cités qui rendent la musique du groupe savoureuse : une belle réussite.

Reste ce léger bémol concernant le chant. Lucas Lambert, aux manettes, compose les mélodies, écrit les paroles, et les interprète avec de l’implication et de l’envie, mais son chant semble parfois un peu trop limité pour permettre aux morceaux de passer au niveau supérieur. Malgré quelques envolées, les lignes vocales sont un peu trop plates et mécaniques, et le chanteur doit avoir recours à quelques artifices (harmonies vocales, orchestrations, chœurs imposants) pour soutenir sa voix et lui donner de la vie. Dommage, car musicalement, cet album ne souffre que de rares faiblesses. Pour en citer une, évoquons le morceau "Freedom For All", dont certaines tournures nous gênent, à l’image des couplets qui évoquent un FREEDOM CALL peu en forme (il en va de même pour les "oh oh oh" en fin de morceau qui tombent à plat, sans réel enthousiasme).

Ces quelques petits défauts mis à part, "Light, Fire & Iron" reste un album emballant, qui a du cœur et de l’énergie à revendre. HOPES OF FREEDOM a soigné son Power/Speed, épousant ses clichés mais parvenant à les outrepasser pour sonner de manière fraîche et inventive. Résulte de ce travail un album massif, musicalement varié, qui procurera un bonheur immédiat chez les convaincus de STRATOVARIUS, HELLOWEEN et autres grands noms du genre. Si la marge de progression (notamment au niveau du chant) est bien présente, cet album reste néanmoins une réalisation aboutie et intrinsèquement réussie. Voyez-vous, au loin, ces dragons qui survolent la Normandie ?