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TRIBAL BLACK-METAL   |  E.P

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2020 E Tika Mateu

TE RUKI - E Tika Mateu (2020)
Par WËN le 25 Juin 2021          Consultée 1950 fois

C'est un fait, je m'étais promis pour 2021 de privilégier davantage les sorties Doom Metal, au travers de mes interminables papiers coutumiers… Et - c'était inévitable - je ne parviens pas à m'y tenir et ce n'est donc absolument pas de ça dont nous allons parler aujourd'hui (ben, tiens), mais bel et bien de Black Metal. D'aucuns ne manqueront d'y déceler une ouverture vers davantage de diversité, voire une tentative pour me sortir de ma zone de confort, histoire de prouver que j'assure sur tous les plans (ce qui est évidemment faux). Que nenni. Comprenez plutôt qu'il est absolument nécessaire, vous allez le comprendre, de parler de TE RUKI.

Potitin, car la formation saigne à blanc un style - le Black Mélodique - qui arrive à particulièrement me parler lorsqu'il est bien interprété (spoiler-alert : c'est le cas ici) et ce, d'autant plus lorsque son agressivité première n'est pas systématiquement sacrifiée sur l'autel d'une flagornerie outrancière visant à putassièrement ratisser le plus large possible.

Potideu, car à davantage vouloir définir son style, j'y pointerais volontiers une obédience toute hellénique, pour sa pratique martiale, fière et intrépide. Et au moment où les antiques pachydermes du genre, la panse gonflée, semblent se complaire à se vautrer apathiquement sur un héritage chèrement acquis mais dilapidé depuis belle lurette en raison d'une regrettable fainéantise (ROTTING CHRIST, clairement), la moindre brise vivifiante mérite d'être accueillie avec enthousiasme (*). Louons cette sortie physique officielle via Vama Marga Productions.

Potitroi, car ses origines jouent pour lui tant, il est vrai, rares sont les formations à nous parvenir du Sud Pacifique. Et si, en l'occurrence, les havres de Polynésie Française pouvaient passer parmi les plus improbables provenances d'une telle débauche sonore, force est de constater que, plus que jamais, la Musique n'a pas de frontière… surtout lorsque l'on en a à raconter au point de venir coller une belle mandale à la quasi-totalité de ladite scène.

Et ce dernier point va ici s'avérer crucial, puisqu'annonciateur de la déferlante à venir, tant la musique de TE RUKI se trouve imprégnée de cet héritage culturel jusque dans sa moelle la plus intime. De ce lointain folklore quasi-antipodique (avant que nos ancêtres, comme à leur habitude, ne viennent tout foutre en l'air), demeure une tradition essentiellement orale mue ici en une sourde rage primale. Accueillis que nous sommes par nos cinq guerrières/ers - tatouages et apparats tribaux en exergue - illuminés des reflets dansants d'une poignée de torches plantées à même le sable, la baie ainsi parée de cet éclairage de fortune projetant ses ombres vacillantes dans la nuit claire, s'avère on ne peut plus propice à nous faire revivre les légendes des Îles Du Vent. Nous sommes tout ouïe.

Fomentés à même les ardentes fournaises volcaniques d'où ils tirent leur origine, les charmes hypnotiques de TE RUKI ne vont guère tarder à faire effet. Outre ses mélodies fougueuses et ces impétueuses leads de guitare propres à son Black Mélodique, percutant et percussif, la formation compte avant tout sur un certain savoir-faire tout océanien pour savamment parsemer ses compositions d'éléments tribaux, notamment des percussions du cru, afin que chacune de leurs interventions parvienne à nous en mettre plein la vue (cf. le départ en trombe de ce single en puissance qu'est "E Vero Teie", le pont atmo de "Torahi Koe" … ou encore en arrière-plan sur les couplets de "E Tika Mateu"). Le travail abattu ici, entre héritage guerrier et mysticisme polynésien, est totalement fantastique ! Même lors de parties plus 'classiques' le jeu développé continue de sacrément groover (écoutez "E Vero Teie", encore).

Mais les plus avertis d'entre nous ne s'empêcheront de remarquer qu'un appât (puisque c'est bien de cela dont il s'agit, ainsi destinées que sont ces percussions à nous laisser nous débattre dans les rais de TE RUKI), si ensorcelant soit-il, ne jouera totalement son office que secondé d'autres artifices du même acabit. Cette détermination à chanter en paumotu est de ceux-ci et teinte d'écarlate les lignes vocales de ce premier EP. Bien plus qu'une langue, c'est une diction unique, vindicative et guerrière, qui fait ici écho aux instrumentations de ses frères de sang. Quelques refrains ("Te Nohi", "E Tika Mateu"), véritablement scandés, font vraiment mal à la tronche. Par l'implémentation de ces divers éléments, notons que la volonté d'émancipation du combo est donc on ne peut plus palpable.

Pour revenir à des éléments plus factuels, si nous énoncions précédemment des consonances helléniques, soyons néanmoins clairs sur le fait que nos insulaires ne jouent ni ne vouent un culte au riffing grec des 90s. Voyons-y plutôt une direction musicale dont, il est vrai, cette abnégation dans l'adversité et certains de ses gimmicks … nous y ramènent invariablement. Ses racines s'ancrent ainsi dans un legs plus récent et nous ne serions guère surpris de voir des œuvres telles "Theogonia" / "Aealo" (ROTTING CHRIST, 2007-2010) s'inscrire directement parmi leurs sources d'inspiration, ne serait-ce que pour cette recherche de mélodicité, de leads véloces et insaisissables et de tremolo picking de rigueur ("E Vero Teie", "Te Nohi"). La paire de guitares sait aussi proposer quelques décrochages tant brutaux qu'inattendus (le refrain de "E Tika Mateu"). Mention spéciale au riff de reprise sur "Torahi Koe", heavy à souhait. Quelques nappes de claviers interviennent ici et là ("Tuakana" et ses chœurs synthétiques, cette bouffée de blizzard qu'est "Te Nohi") pour encore renforcer l'ambiance globale de l'EP. Le combo ne laisse décidément rien au hasard. Les blast beats ne sauraient eux non plus être laissés de côté au détriment des percus, et les finaux - entre autre - de "E Tika Mateu" ou de "Torahi Koe" sont là pour nous rappeler que TE RUKI ne se contentera jamais d'une version 'carte postale' de son art.

Si de prime abord les cinq compositions présentées ici peuvent encore avoir tendance à se ressembler, jamais ne sera remise en cause leur propension à foncer efficacement dans le tas, la gamme à nu. Un peu de temps sera peut être nécessaire pour voir telle ou telle personnalité de TE RUKI prendre le dessus au sein de chacune d'elles, mais rien de rédhibitoire. Seuls peut-être les deux titres finaux se détachent plus distinctement des autres. "Te Nohi", d'abord, pour son riffing glacial et "Torahi Koe", enfin, pour la toute simple raison que sa mélodie principale fait trop fortement penser au divin EMPEROR pour parvenir à occulter un quelconque pacte de sang. Baigné d'une prod' très actuelle, mais sans jamais trahir la grandeur de ses ancêtres, "E Tika Mateu" se veut décidément sans pitié.

Il faut se rendre à l'évidence, si peu de monde ne parle (encore) de TE RUKI, nul doute qu'il ne s'agisse avant tout que d'une question de temps. Car si nos fiers guerrières/ers, affichant leurs velléités sans sourciller, savent profiter de ce premier fait d'armes fortement recommandable pour distiller plus profondément encore leur noir nectar (et il se murmure qu'un premier album est en préparation), ce sont les portes d'un nouveau monde à assouvir qui vont s'ouvrir sans peine à eux. C'est tout un patrimoine qui ne demande qu'à sortir de l'ombre pour embraser les îles avoisinantes et nul doute qu'une fois les rivages proches sous son joug, ceux bien plus éloignés des continents américain et européen, ne devraient savoir bien longtemps lui résister.

PS : Si le morceau "E Vero Teie" a été maintes et maintes fois cité tout du long de ce papier, c'est que ce brûlot réussit l'exploit de frapper fort sur tous les tableaux. Alors si vous cherchez ne serait-ce qu'un titre à écouter pour vous faire une idée, ne vous privez pas !


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(*) Bien sûr que nous n'oublions pas la relève, ni le retour de quelques-uns de ses plus fiers guerriers (NIGHTFALL, cette année), mais ce n'est pas le sujet ici, puisque ce ne sont pas eux qui phagocytent le genre de tout façon…

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- Aroma (chant, guitare)
- Tauahinui (guitare)
- Marania (claviers)
- Sébastien (basse, chœurs)
- Tamatoa (batterie, percussions)


1. E Tika Mateu
2. E Vero Teie
3. Tuakana
4. Te Nohi
5. Torahi Koe



             



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