Le moins que l’on puisse dire à propos des fougueux américains de MILLENNIAL REIGN, c’est que cette formation de Heavy Mélodique aux riffs super accrocheurs ne bénéficie pas d'une couverture médiatique surdimensionnée ni d’une reconnaissance planétaire, ceci, et nous allons le détailler par la suite, malgré d’indéniables qualités. Ce combo au line-up mouvant créé et modelé par son guitariste-mentor, l’agile Dave Harvey, MILLENNIAL REIGN fait partie intégrante de cette sympathique mais très fréquentée constellation de micro-groupes qui, s'ils passent rarement sous les halos des spotlights, ont néanmoins des choses à raconter, et pour le cas qui nous intéresse, à nous faire entendre.

NIME étant un site exclusivement sponsorisé à la bonne humeur métallique de son public comme à la passion de ses contributeurs, rejetant de fait tout indice de popularité, il me semblait naturel, voir fortement indiqué, d’y évoquer le dernier opus studio en date accouché par MILLENNIAL REIGN en mai 2018, le bien-nommé "The Great Divide", d’autant plus que par ses nombreuses qualités, il mérite très sincèrement le détour…
Qu’ajouter de plus pour introduire ce sympathique combo, si ce n’est qu’il s’aligne sur la petite galaxie des groupes de Metal chrétiens, choisissant d’aller piocher leur inspiration parmi les textes des évangiles plutôt que d’évoquer des conflits politiques actuels ou encore l’incantation de monstres sataniques aux bas-ventres turgescents : chacun son truc du moment que cela ne gène pas l’écoute et ne gâche pas le plaisir. MILLENNIAL REIGN reste selon moi dans les clous en ne balançant pas du "alléluia" mystique toutes les cinq secondes et anonymise globalement suffisamment ses textes pour éviter la prise de bec théologique ou l’engueulade sur la manière de cramer correctement un chien d’hérétique. Il était important de le préciser : c’est fait !

Mais revenons donc à la musique proprement dite. Créé par Mister Harvey alors bassiste chez ASKA, qui du coup reprend sa guitare, MILLENNIAL REIGN ne sombre pas dans l’originalité délirante et se veut avant tout un bon gros groupe de Heavy mélodico-riffé bien classique à la mode US. L’album fondateur et éponyme qui paraît en 2012 ne casse pas la baraque et reste somme toute très classique même si on évite l’erreur de casting. Lançant le tourniquet très fort pour éjecter les zicos et repartir sur une page blanche, Harvey remet les couverts trois ans plus tard avec le plus structuré "Carry The Fire" sur lequel le nommé James Guest s’empare du micro pour délivrer une performance syndicalement satisfaisante mais pas non plus révolutionnaire. Le job est honorable, mais là aussi, pas de quoi casser sept pattes à un canard vénusien (qui dispose également d’une trompe)… Bref, MILLENNIAL REIGN s’enfonce doucement dans les sables mouvants de l’anonymat qui conduisent inéluctablement à l’asphyxie de l’oubli. Malgré ses riffs catchy et ses rythmiques ciselées, l’ami Harvey se dit alors sans doute qu’il a sûrement loupé le coche à un moment de l’Histoire et va, sûr de la base musicale, très intelligemment recruter un chanteur boostant qui sort des sentiers battus pour la porter. C’est l’étonnant Travis Wills (INFIDEL RISING) qui est solennellement chargé d’apporter l’étincelle divine même si l’étiquette d’intérimaire lui est officiellement collée sur le front en attendant un vrai titulaire sur ce poste...

Et là, je dois de le dire : c’est un vrai coup de maître !
Les lignes rythmiques alambiquées tout en étant décapantes de Mister Harvey mêlées à la voix faussement monocorde mais surtout poussée par un coffre phénoménal lui faisant atteindre des pic célestes dans les aigus sur des durées que d’autre jugeraient asphyxiantes de Mister Wills, sont mixées avec un art consommé par un vieux briscard du domaine, en la personne de Ty Sims (BOMBAY BLACK, SAINTS OF REBELLION, TALON…) qui parvient à trouver le bon équilibre entre des guitares motrices, des claviers en appui présents sans être envahissants et cette voix unique. L’alchimie va t’elle prendre ?
Et bien bon Dieu oui ! (aïe, je blasphème !) : MILLENNIAL REIGN propose ainsi sur "The Great Divide" un Metal Mélodique et acéré dont les dix titres agréablement variés portent une musique entraînante, qui ne se pose a priori aucune obligation de formatage et dont la dynamique est assurée par des musiciens très convaincants tant dans leur maîtrise que dans leur inspiration. Car même si le mid-tempo domine clairement les compositions, il ne s’interdit pas de nombreuses variations, des bridges de derrière les fagots ou encore de plaisantes figures de style qui viennent aérer ce que d’autres, moins inspirés auraient tracé d’une manière bien plus linéaire… Tout en affirmant clairement sa patte, le groupe ne lasse pas.

Suivant un court prélude constitué d’orchestrations classiques, c’est le résolument très accrocheur et rythmé "Break The Tide" qui procure la poussée primordiale dans l’univers de MILLENNIAL REIGN dont la ligne rythmique hyper compressée relayée par un refrain entraînant, fort de sa belle exploration des aigus par l’ami Wills, conduisent vers un solo pêchu à ravir. Ce joli coup de pied aux fesses propulse l’auditeur vers la suite d’une visite du propriétaire au cours de laquelle le combo US d’Harvey fait montre de belles possibilités. Car le reste des titres n’est ni décevant, ni plan-plan loin de là ! Qu’il s’agisse du proprement magistral et non moins hypnotique "Wounds In Hand" dont la rythmique à la mélopée envoûtante est magnifiée par une voix habitée collant à la douce progression du morceau, mais également de la belle power-balade "In Your Silence" tant émouvante que musclée dont les montées en puissance très convaincantes emportent l’auditeur, même le plus répulsif à ce genre de figure de style, ou encore de l’accrocheur "Behind The Time" sur lequel une rythmique velue à souhait porte la voix cristalline et presque féminine de Wills pour débouler sur un bridge puis un solo forts opportuns. MILLENNIAL REIGN injecte ainsi ce savoir-faire sur l’ensemble des compos meublant cette surprenante galette, atteignant intelligemment un bel équilibre entre puissance, énergie et mélodie(s). La voix hors norme d’un Travis Wills, talentueusement habité, vient propulser cet ensemble vers un niveau supérieur que tous les groupes de cette sympathique constellation n’atteignent pas ; loin s’en faut.

Avec "The Great Divide", MILLENNIAL REIGN signe donc un album dense et à la musicalité remarquable sur lequel il est vrai, l’organe vocal à la signature si singulière et au coffre sans limites apparentes de Wills apporte une touche unique et très porteuse à un ensemble instrumental déjà accrocheur. Tiercé gagnant donc pour l’ami Harvey qui réalise ici du bel ouvrage… Micro retenue en ce qui me concerne mais qui explique que cet opus n’atteigne pas le Nirvana nimien avec des titres aux structures qui auraient, pour certains, méritées d’être un tantinet plus variées car même si le talent et la qualité sont bien présents, j’ai tendance à aussi apprécier la prise de risques. On est d’accord, je me situe ici au niveau de la mouchophilie…

Refermant le vieux livre des Sainte Écritures d’Acier, je me dirige vers l’autel que j’ai érigé à l’attention du Grand Maître du Metal (notre saint big boss à tous chez NIME !). J’y allume une fine baguette d’encens à l’attention de ce "The Great Divide" par lequel MILLENNIAL REIGN m’a si agréablement surpris en déjouant tous les auspices. La fumée forme un 4/5 éphémère et emporte vers le ciel mes espoirs que ce combo se dote à l’avenir d’un chanteur titulaire aussi talentueux et unique que Wills.

- pour le coup de pied aux fesses boosté :"Break the Tide",
- pour les passages en boucle :"Wounds in Hand",
- pour la balade survitaminée : "In Your Silence".