CRO-MAGS semblait être un nom qui appartiendrait définitivement au passé. Le groupe, brisé par un procès concernant l’appartenance du nom et d’autres galères plus ou moins graves, brillait par son absence, lui qui a été l’un des piliers de la scène Crossover HxC, made in New York, bien évidemment. Mais deux EP publiés courant 2019 teasaient un nouvel album. Le premier en vingt ans, autant dire une éternité. Et à la mi 2020 sort "In The Beginning", à la pochette sinistre, nous présentant un immeuble délabré dans lequel vivait Harley Flanagan aux débuts de CRO-MAGS. Et le groupe – quelque peu remanié – balance la sauce comme il ne l’avait plus fait depuis très longtemps. Un comeback ? Certainement l’un des plus réussis depuis longtemps !

Parce qu’en trente-huit minutes, Flanagan nous met à terre et nous balance des coups de pieds dans le bide sans ciller un instant. Et vu le physique du bonhomme, c’est ‘achement douloureux. "In The Beginning", c’est une véritable petite leçon de Hardcore bien Metalisé, treize titres solides et condensés dont le mot d’ordre semble être de passer à tabac tous les auditeurs, sans exception. Une version moderne de la formule « take no prisoners » en quelque sorte. CRO-MAGS, c’est la garantie de se prendre dans la tronche un Hardcore très urbain, avec toutefois une certaine approche mélodique qui lui est propre. La présence de Rocky George (ancien SUICIDAL TENDENCIES) est clairement un plus à ce niveau, le mec s’éclate en lead, lâchant quelques soli courts mais racés par-ci par-là.

Pourtant, cela commence de la façon la plus classique qui soit. Le son est certes plus moderne. La basse de Flanagan possède un son énorme, la batterie est impressionnante, les guitares forment un mur solide. Mais "Don’t Give In", c’est un peu une relecture de ce qui était proposé jadis, à l’époque des glorieux "The Age Of Quarrel" et "Best Wishes", en mode XXIème siècle. Mais il ne faut pas croire que Flanagan se contente de faire du surplace pour marquer le renouveau de CRO-MAGS, il va se tenir à une règle de conduite simple : faire évoluer sa musique comme si son groupe n’avait jamais connu de hiatus. Pour cela, il avait déjà balisé le terrain avec ses groupes HARLEY’S WAR et HARLEYS FLANAGAN. Vous voulez des tempo rapides ? Des chœurs virils typiques de cette scène ? Vous êtes bien tombés.

"In The Beginning" n’est cependant pas qu’un retour aux sources, le groupe évolue, prend de nouvelles couleurs. Cela était déjà perceptible sur "Revenge" (2000… ça date déjà d’un bon moment), mais le jeu de Rocky George donne quelques touches de SUICIDAL à l’ensemble, celui de la grande époque où Mike Muir faisait la loi, mais ça reste avant tout du CRO-MAGS, hargneux à souhait. Mais comme dit, il existe une véritable patte mélodique chez cette formation, qui la rend agréable à écouter malgré le défouloir qu’elle représente. "From The Grave", avec la participation de Phil Campbell, tranche avec la sauvagerie d’un "No One’s Coming", The "Final Test" offre quelque chose de bien énervé tout en restant solide.

La curiosité de cet album réside dans un instrumental étonnant. "Between Wars" avoisine les six minutes, une longueur quasiment Prog’ au milieu de tous ces brûlots de deux à trois minutes ! Bon, pour resituer le truc, ce titre doit figurer sur la BO d’un film dans lequel Flanagan a un petit rôle. Ce qui surprend, c’est que c’est un violoncelle qui imprime la mélodie, qui se veut assez mélancolique et qui prend des allures martiales avec cette batterie puissante qui intervient toujours de façon monstrueuse. C’est planant, et sa présence n’est au final absolument pas déplacé sur le disque. Mieux, cela permet de faire une pause salutaire avant le défouloir que représentent "No Turning Back" et "There Was A Time".

Et le tout, en trente-huit minutes, une durée idéale pour ce genre d’exercice. Nous n’avons pas le temps de nous ennuyer et de toute façon, CRO-MAGS ne nous en donne pas l’occasion puisque malgré son appartenance à un style au final assez restreint, il parvient à varier le propos, à ne pas appréhender chaque composition de la même manière. Vous voulez du chant beuglé ? Vous en avez, et pas qu’un peu. Vous voulez écouter Flanagan essayer de faire des trucs plus chiadés avec sa voix ? Vous aurez l’occasion de le découvrir et cela s’avère très plaisant. Un peu de tendresse entre deux uppercuts, c’est le sentiment d’un passage à tabac réussi.

Le comeback que personne n’osait espérer encore deux ans auparavant est certainement l’un des plus pertinents qui soit. CRO-MAGS – ou plutôt Harley Flanagan, mais ça, vous l’avez bien compris – livre un excellent album, à la fois dans la tradition et la modernité d’un style qui s’est souvent ouvert à des choses plus Metalliques. Les touches Metal sont toujours très présentes ici, une constante depuis des années, leur incorporation semblant tout à fait naturelle. "In The Beginning", ou l’art d’annoncer un retour aux sources qui n’en est pas tout à fait un, une façon d’annoncer un retour comme le recommencement d’une carrière plutôt, parce que les CRO-MAGS ont toujours des trucs à dire. Et s’ils le font toujours aussi bien, ce serait juste parfait.