Une chose est certaine avec les Suédois de PREHISTORIC ANIMALS ; on est bien loin du bon gros Metal classique habituellement écouté, et donc chroniqué, sur NIME. Les deux compères Stefan Altzar (voix, guitares, basse) et Samuel Granath (claviers, batterie) qui se partagent l’interprétation musicale du groupe sur ce premier opus qu’est "Consider It A Work Of Art" paru en novembre 2018, se situent en effet aux antipodes des poignets à clous, des gilets en cuir comme des cheveux longs façon bikers… Mais privilégieraient plutôt le jeans citadin passe partout, le tee-shirt serré et la coupe capillaire proprette.

Côté musique, parce qu’on est pas là que pour parler fringues, PREHISTORIC ANIMALS croise au milieu de courants mêlés, aux lisières de l’Électro-Pop, bordés d’une touche d’Indus, le tout enrobé d’un Prog Rock ponctuellement très musclé… Ce qui donne, il faut le reconnaître, un résultat hybride mais séduisant sur plus d’un aspect. Ce binôme suédois viendrait ici compléter la palette, déjà constituée sur NIME, par cette nébuleuse de groupes qui, s'ils ne font pas pleinement partie des principaux courants reconnus du Metal, s’y rattachent néanmoins par certaines de leurs racines, leurs influences et constituent de ce fait ce qui sera peut-être un des avenirs du genre… Allez savoir !

Ainsi, à l’image d’un THEATRE OF TRAGEDY sur sa seconde période musicale (ce qui fut d’autant plus risqué que le combo de Liv Kristine risquait d’y semer de nombreux fans), PREHISTORIC ANIMALS et ses deux multi-instrumentistes proposent, sur une assise Électro-Techno où les claviers et les divers effets ont la part belle, un Rock débridé prenant occasionnellement des tournures nettement heavy, armées de soli et lignes rythmiques lancinantes qui pourraient contenter les plus radicaux d’entre nous… En tout cas ceux qui seront prêts à les attendre puis à les apprécier le moment venu !
Des paroles mêmes des auteurs qui indiquent benoîtement avoir écrit un album sur "les bonnes personnes, les dictateurs ignorants et les imbéciles qui font tout pour le rester", "Consider It A Work Of Art" nous délivre dix titres portés par la voix claire, occasionnellement puissante et un tantinet écorchée, de Stefan Altzar, où des ambiances / effets électro s’entremêlent avec plus ou moins de bonheur sur des lignes rythmiques aux riffs appuyés. La recette se veut ambitieuse et le public, mono-genre par habitude, ne sera pas forcément facile à trouver…

Progressant à tâtons sur ce mince fil d’équilibriste, PREHISTORIC ANIMALS parvient néanmoins à offrir une livraison qui, si elle ne révolutionne pas le monde de la musique, réussit à surprendre agréablement tant par sa dose d’originalité que par son style : une signature certaine constituée par une ambiance Électro Rock fleurtant avec le bon Metal Prog où des mélodies prenantes forcent l’auditeur à tendre l’oreille si ce n’est à se laisser prendre complètement.
C’est ainsi que des titres offrent de très bonnes surprises, à l’image du très prenant "A Ghost Came One Day" et de son intro couronnées par une magnifique ligne de basse puis de son refrain accrocheur, mais également du très métallique "Never Thought I Was A Monster", ode au Metal Prog puissant armé de sa grosse ligne rythmique et de ses deux soli de guitare consécutifs, ou encore par le titre éponyme, à l’hymne écorché, où les riffs appuyés du bridge donnent une résonance très Rock à l’ensemble…

Ces éléments sont repris avec plus ou moins de justesse sur le reste de la galette au fil de morceaux pour lesquels PREHISTORIC ANIMALS conserve la même recette de base et se contente de modifier ou d’adapter les dosages en fonction du titre : l’oreille et la tolérance stylistique de l’auditeur placeront d’elles-mêmes la barre au-delà de laquelle elles jaugeront cette écoute agréable ou laborieuse…
Adepte du mélange au sein duquel les riffs demeurent puissants et conducteurs, j’ai apprécié l’écoute de l’entraînant "Run, Stranger Run!" dont le refrain donne des ailes, du bipolaire "Before The End" où la seconde partie musclée parvient à faire apprécier des synthés très présents et la voix de tête de ce qui précède, ou du tonitruant "Would You Crack The Sky" rien que pour sa grosse rythmique d’introduction.
Mes limites personnelles m’adressèrent néanmoins des premiers signaux de détresse à l’écoute du refrain que je qualifierai de gnangnan pour l’humoristique "Still Feels Like Magic" (où la farce a tendance à s’éterniser sur plus de sept minutes !) puis du final "Welcome To My Shrinking Universe", qui bien que sympathique, n’apporte aucune pierre à l’édifice.

"Consider It A Work Of Art", en proposant une approche quelque peu pluridisciplinaire de notre style préféré prend indiscutablement des risques : le risque principal étant d’en agacer beaucoup et de ne contenter personne. Altzar et Granath parviennent cependant à constituer un univers original où les nappes de claviers, les effets électroniques côtoient de bons gros riffs bien pêchus et des soli guitaresques tout à fait respectables… Sans que tout cela ne soit maintenu au ciment prise rapide et imposé à l’auditeur ligoté comme une indigestion programmée : c’est en cela que réside leur talent et leur finesse.

Les temps actuels de confinement offrant aux communs des mortels comme aux Metalleux l’opportunité de réécouter toute notre discographie préférée, ils peuvent être aussi l’occasion de risquer une oreille sur des choses pour lesquelles le temps et la curiosité nous auraient manqué il y a encore quelques semaines… PREHISTORIC ANIMALS fait selon moi partie des découvertes à risquer en cette période sociale tristounette. Petite échappée électro-métallique sur des sentiers moins fréquentés, le style du combo suédois pourra peut-être, allez savoir, en attirer plus d’un !
C’est donc tout droit sorti de mon coiffeur en consultation télétravail et affublé du mon plus beau jeans mou recouvert par un joli tee-shirt serré que j’ouvre grandes mes fenêtres à 20h pour fêter les personnels soignants ainsi que la bonne surprise musicale que constitue "Consider It A Work Of Art" en décernant un gentil 3/5 à nos deux animaux technico-préhistoriques venus du nord.

- pour la bonne grosse ligne rythmique et les deux soli : "Never Thought I Was a Monster"
- pour l’ambiance prenante : "A Ghost Came One Day",
- pour tester les limites de son humour : "Still Feels Like Magic".