Il est toujours amusant lorsque l'on se situe à cheval entre plusieurs milieux musicaux d'en observer les différences lorsqu'il s'agit du traitement des nouveautés. Les petits jeux de la hype et des bulles peut surprendre au début par son hétérogénéité : tel album peut être considéré comme incontournable par ici et rester ignoré sinon inconnu par la-bas. C'est ainsi que l'on se retrouve dans le référendum 2018 avec ORPHANED LAND, AMORPHIS ou OBSCURA dans le top 10, sortant des albums qui ont manifestement compté à la fois pour les lecteurs et pour les chroniqueurs du site alors que dans d'autres cercles (*) auxquels j'appartiens tout le monde s'en est battu les couilles. Et c'est ainsi que l'on se retrouve à écrire avec deux ans de retard sur "Banlieue Triste" qui déjà m'apparaissait en 2018 comme un des albums de Metal français les plus importants de l'année et pourtant complètement absent du top.

Alors je suis sans doute un peu de mauvaise foi parce que l'album a été demandé dans la boîte – je viens de m'en rendre compte – ce qui veut dire qu'au moins un de nos lecteurs suit l'actualité, ça fait plaisir du coup je le nomme – Jef De La Lune – et je le cite :

Je suis plutôt étonné de ne pas avoir encore lu votre avis sur cet excellent album qui est à mes yeux une des sorties majeures de 2018. Un parfait mélange de Sludge, de Doom et de Metal Gothique à la TYPE O NEGATIVE. Le tout baigne dans une ambiance urbaine désespérée. Un must que j'écoute encore près d'un an après sa sortie.

Perso je trouve qu'il n'y a franchement pas des masses de Sludge, à part un arrière-goût, un fumet quoi, et une certaine lourdeur. Il est vrai que les membres du groupe ont fait du Sludge, du Hardcore ou (grands dieux) du Metalcore mais à part sur leur premier split toute la sphère du Punk est toujours restée assez effacée dans leur musique, pas super visible mais pourtant bien là. À la limite il y en avait plus sur le précédent.

Mais puisqu’il faut parler de genres, HANGMAN'S CHAIR ne joue plus vraiment de Stoner depuis au moins 2015 et on ne peut que constater quelle excellente décision se fut de s'abîmer dans cette misère qui était déjà présente sur "(A Lament For...) The Addicts" ("I am proud to destroy myself", hein, grosse ambiance) et qui peut rappeler plein de choses différentes (**) mais avant toute chose devrait en effet vous évoquer TYPE O NEGATIVE et en particulier "World Coming Down". Pas de worship idiot je vous rassure mais plutôt une sorte de compréhension et de filiation spirituelle, enfin ce que j'avais essayé de dire quand je parlais de ZAPRUDER vs DILLINGER quoi. Relisez-moi ça m'épargnera des phrases.

Et donc pas de Peter Steele qui susurre tour à tour la mort et le sexe mais plutôt la tristesse infinie de hardcoreux qui sont fatigués de vivre et de jouer vite et fort et dur mais qui ne sont pas encore tout à fait achevés par le poids des années. Une dualité lourd/aérien, des hooks bien présents ("Naïve") mais anesthésiés par la déprime ambiante, des petites touches électroniques dont un petit feat. par Perturbator qui n'oublie pas d'être subtil comme d'habitude et un effroyable sample de Bataille comme un dernier coup de botte sur le crâne pour te faire rouler dans le caniveau.

Les avantages de la civilisation sont compensés par la façon dont les hommes en profitent : les hommes actuels en profitent pour devenir les plus dégradants de tous les êtres qui ont existé.
Je ne te le fais pas dire Georges.

C'est un peu un festival du Rock dépressif mais bassboosté par la vulgarité des temps modernes, harnaché d'un exosquelette de grisaille, coulé dans du béton ou de l'acier, toujours plus dur, toujours plus massif. Ça ne suffit plus d'être triste il faut que chaque gros chug soit un appel à la défaite, une pierre tombale égrenée jusqu'à la fin de "Full Ashtray" dans sa dégradation de cimetière. Humez ce délicieux parfum d'abandon, cette trinité chorus/reverb/delay. On se sent déjà dans le RER à regarder passer les vaches ou dans le bus de nuit à écouter BOHREN comme un bon gros fragile.

Eyes up to sky
Expecting for an answer
Which will never be mine

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(*) Ça fait très bourgeoisie-entre-soi de dire "cercles" comme ça mais rassurez-vous c'est beaucoup de bêtise et de cacapostage, comme partout ailleurs quoi.
(**) "Banlieue Triste", cet album de ColdDoom Post-Goth Grungy et Sludgy quoi.