Il y a de la qualité partout en ce monde. Le verre à moitié plein. La pensée positive. L'accomplissement artistique qui n'est pas gâté par le business (intéressant au moment où je viens de boucler le "Life" d'ADAGIO). Le Metal Progressif a de nombreux adeptes en France mine de rien, même si peu de formations sont parvenues à se hisser aux premières loges jusqu'à présent (hormis ADAGIO), mais entre ANTHROPIA, ÉTRANGE, KALISIA... Il y a de la qualité. On trouve toujours de tout, et j'ai été contacté par deux formations progressives à quelques mois d'intervalle : la première, BLACK CUBE, lilloise, propose un Metal affirmé très technique mais manquant un peu de vie pour attirer durablement mon attention au-delà de mes (courtes) périodes DREAM THEATER. L'autre c'est CONSCIENCE, un nom que j'avais déjà vu circuler sur des billets de concert étant donné qu'ils ont brillé plusieurs fois en première partie de formations largement reconnues. Mais bon on est à Paris aussi.

Formation française mais plus totalement vu qu’entre temps elle s'est étoffée de membres américains et portugais pour refaire son effectif après "Aftermath Of A Summer Show". On retrouve toujours le poète Nicolas Moullard aux textes, fondement de l'inspiration de CONSCIENCE, et une musique qui s'est autant adoucie par endroits qu'elle s'est renforcée pour aboutir à une œuvre colorée, où la diversité est de mise, les claviers aux réminiscences Rock Prog '70 côtoyant des riffs plus purement Heavy Metal, et les vocaux possèdant un rare sens de l'accroche, et les voix des différents musiciens, qui se répondent, s'harmonisant, s'entrecroisant ou se mêlant, est un véritable atout qui donne presque autant de relief aux compositions qu'une écriture détaillée, minutieuse, qui fait étalage d'un bagage musical certain, en dosant parfaitement les éléments.

Oui CONSCIENCE est un groupe de Metal Prog capable d'une finesse extrême mais aussi de ne jamais mettre la note ou l'arrangement de trop. Il y a pour autant largement de quoi faire, entre les cassures rythmiques, les mesures impaires, les modulations diverses et j'en passe. Vous ne manquerez de rien avec "In The Solace Of Harm's Way" qui derrière son titre énigmatique distribue de petites cartes postales instrumentales qui viennent découper l'album en chapitres. Et pour ne rien gâcher une version complète de cette pièce pensée d'un bloc est proposée en bonus.

Il y a quelque chose d'infiniment séduisant chez CONSCIENCE et sur cet album en particulier que j'aurais du mal à définir clairement : c'est aussi complexe que c'est bien foutu, et incroyablement digeste alors que ça ne devrait pas l'être sur le papier. Ce qui je pense sauve aussi nos héros du jour (qui viennent par ailleurs de décrocher une signature chez Season Of Mist pour la distribution physique de l'album, disponible à partir de fin avril) c'est leur éventail d'influences digérées qui dépassent largement le cadre du Metal, et cela se ressent souvent. CONSCIENCE réussit avec ce troisième album ce à quoi Steven Wilson appelle de ses vœux tout artiste progressif en herbe : ne pas suivre les règles pré-établies et 'let the music do the talking' peu importe où cela peut mener (l'Électro de "LNDASSML" par exemple, ou la majesté orchestrale de la pièce-titre).

"In The Solace Of Harm's Way" est un petit bijou d'orfèvrerie Prog qu'il serait franchement dommage de ne pas prendre le temps de savourer, tant il regorge de beaux moments, d'instants fragiles, de salves plus vindicatives, le tout avec une musicalité jamais prise en défaut et qui reste sans doute le fil rouge le plus mélioratif de cette aventure artistique, servie par cinq musiciens qui n'ont rien à prouver à quiconque.