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2018 Mort

CROC NOIR - Mort (2018)
Par T-RAY le 30 Juin 2019          Consultée 2753 fois

La France était vraiment faite pour devenir l'une des patries du Black Metal. Notre goût bien mal dissimulé pour la dépravation, notre propension à magnifier la décadence dans notre vocabulaire, nos figures de style, dans la moins chantante des langues latines et donc la plus désignée pour les vocaux écorchés du Metal Noir, notre amour du sale et du salace, de la chair vive et morte, notre attrait pour le sombre et le vulgaire, notre capacité à supporter l'immonde et le grotesque, à contester l'ordre établi et à déboulonner les idoles, surtout si elles sont religieuses, font de nous, Français, une population idoine à l'expression Black Metal.

J'en oublierais presque le régionalisme forcené qui anime certains de nos compatriotes dans les provinces aux identités les plus marquées, faites d'histoires populaires et de légendes, d'anecdotes mystérieuses et de revendications multiples… CROC NOIR est l'un des représentants de cette scène régionale et si son discours tient plus du naturalisme et du nihilisme qu'il n'est plongé dans les mythes locaux, le fait d'être originaire d'Alsace et d'évoluer dans des paysages marqués par la fameuse ligne bleue des Vosges, laquelle vire facilement au noir quand vient la nuit ou lorsqu'il pleut des cordes, offre à leur Black Metal un enracinement profond.

La forêt, les vallons, les cols, les ruisseaux et le vent mordant qui souffle dessus, on peut presque les visualiser lorsque les rafales de pur Metal Noir signées CROC NOIR s'abattent sur l'auditeur. "Dans l'Abîme" ou "Tapis Dans l'Ombre" en témoignent aisément et prouvent, malgré leurs paroles en français, que le quartette a bien retenu la leçon venue de Norvège il y a près de trente ans. Le tremolo picking, DARKTHRON-ien à souhait, cisaille l'espace sonore et la production, en équilibre entre le net et le crade, offre aux riffs une puissance expressive notable. On les sent d'autant plus, ces aquilons, que les grattes prennent largement le pas sur la batterie.

En effet, il ne faut pas être un ouf du Black à blast beats, ni de la batterie en général, pour apprécier pleinement cet album. Parce que si les cymbales sont correctement mixées, les caisses, elles, quelles qu'elles soient, sont particulièrement en retrait… Il n'y a que dans les moments où la tempête se calme qu'elles se font entendre, et encore, pas de manière envahissante (c'est un euphémisme)… Mais la batterie n'est qu'une charpente, ici, un peu branlante, certes, mais dont la fonction de soutien de l'édifice CROC NOIR est bien assumée. Ça n'est pas elle, de toute façon, qui fait la particularité de l'expression musicale du groupe alsacien. Ce ne sont même pas les guitares, dans le fond, si classiques pour du Black traditionnel…

Non, ce qui fait le sel du Metal de CROC NOIR, c'est l'accordéon, celui apparu sur la démo qui précéda ce premier album de quelques mois, "Ombre", et qui s'exprime plus fortement que jamais ici. C'est lui, plus que la langue française, plus que le contenu des textes, qui enracine la musique du combo dans le terroir, dans la culture traditionnelle qui est la nôtre. Quel instrument associe-t-on plus à la France que l'accordéon, franchement ? Aucun. Et CROC NOIR en fait un usage plus que pertinent. La douce mélancolie, la peine, la douleur qui peut s'échapper de ses notes s'accorde très bien au Black Metal et si CROC NOIR n'est certainement pas le premier à utiliser l'instrument à soufflets dans le Metal Extrême, le savoir-faire d'Antoine Foubert, alias Cloporte, est utilisé à fort bon escient.

Celui-ci fait toujours pleurer son instrument au bon moment, celui où les guitares ont fini de dire les choses qu'elles avaient à exprimer, notamment sur le break de "Au Seuil du Trépas" et au cœur de "Égérie Funeste", ou lorsque celles-ci ont besoin de renfort, par-dessus les riffs de ce même "Au Seuil du Trépas", par exemple, ou sur le final du superbe "Tapis Dans l'Ombre". La nostalgie imprimée par l'accordéon est assez marquante, sur ce disque, et il s'agit sans aucun doute de la principale raison qui fait passer "Mort" du statut de simple album de Black Metal, solide mais sans surprise, à celui de très bonne surprise, justement, de l'année Black 2018 en France.

Oui, l'apport de l'accordéon est ce qui fait que l'on garde en tête plusieurs morceaux de "Mort" longtemps après l'écoute, même si plusieurs riffs de guitare parviennent aussi à creuser leur sillon dans notre mémoire à moyen terme (ceux de "Transi d'Effroi" et de "Égérie Funeste" surtout, sûrement les deux meilleurs morceaux de l'opus). Ces derniers, toutefois, sont marqués du sceau d'un certain classicisme Black Metal et CROC NOIR a la bonne idée de substituer régulièrement l'accordéon aux guitares : les lignes musicales qui sortent des paluches de Cloporte en deviennent tout de suite plus marquantes. Le final de "Transi d'Effroi" est ainsi beaucoup plus prenant.

L'on se prend ainsi à regretter que CROC NOIR n'ait pas choisi d'utiliser l'accordéon sur tous les morceaux, puisqu'on n'en entend aucune note sur le très norvégien "Dans l'Abîme", qui passe bien tout de même, ni sur l'instrumental entièrement acoustique "Seul", sympathique petite pièce de guitare offrant un visage encore plus Folk à CROC NOIR mais qui n'est pas vraiment dans le ton de l'album et apparaît davantage comme un petit ornement bonus que comme un élément-clef du disque. Un titre dispensable, au fond, contrairement aux autres morceaux de "Mort", qui s'enchaînent solidement durant une trentaine de minutes. L'aspect Folk est largement préférable lorsqu'il est pleinement intégré aux morceaux, grâce à l'accordéon, bien sûr, mais aussi aux cordes frottées traditionnelles qu'on entend sur "Des Feuilles Mortes".

Ainsi, loin d'une sorte de Black Musette cumulant les clichés franchouillards aux réflexes scandinaves, CROC NOIR dévoile, sur son premier album, un potentiel évident. Et s'il parvient à intégrer encore plus l'accordéon dans son Black Metal, en lui donnant un espace d'expression plus proche des guitares que d'un instrument de complément, ce qu'il n'est déjà plus, de toute façon, le groupe pourrait nous sortir une œuvre dont on se souviendrait longtemps dans le Landerneau du Black français. En attendant, "Mort" est déjà un très bel album qui mérite assurément d'être considéré comme l'une des réussites de la fin d'année 2018 dans le genre.

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   T-RAY

 
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- Geist (vocaux, instruments traditionnels)
- Morgue (guitare, basse)
- Maraud (batterie)
- Cloporte (accordéon)


1. Dans L'abîme
2. Au Seuil Du Trépas
3. Tapis Dans L'ombre
4. Égérie Funeste
5. Des Feuilles Mortes
6. Transi D'effroi
7. Seul



             



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