J'ai longtemps assimilé par ignorance, je l'avoue, le Metal japonais à une sorte de générique de Naruto version Glam Rock, une sorte de musique à hits pour teenages attardés. Je grossis le trait car je sais très bien que la culture japonaise n’est pas "moins que", et possède une profondeur et une identité propre ; sinon Kurosawa ne serait pas pilier du septième art et Murakami ne serait pas traduit en France. En me plongeant dans les travaux-phares de la scène nippone tel que "Art Of Life" d’X-JAPAN ou le "Hail Horror Hail" de SIGH je ne peux que constater que le domaine de la musique ne déroge pas à la règle. Ce "Insulated World" vient compléter une muraille solidement bâtie grâce aux derniers albums du groupe, mais part déjà avec un handicap à mon sens, car le genre de petites réussites que sont "Uroboros" et "Arche" mettent la barre très haut. J’ai donc tempéré mes attentes et j’ai serré les dents pendant l’écoute.

Comme pour beaucoup, ma rétine a été arrachée par cette pochette, certes hideuse mais utile. C’est une référence à un tableau de Dali (*) qui est un sacré trompe-l’œil dont le bougre disait lui-même « Faire que ce qui est anormal devienne normal et que le normal devienne anormal. » DIR EN GREY essaie-t-il là de nous faire passer un message ?

Pour cette première partie d’album, on évite les politesses et on atterrit dans une violence assumée et revendiquée (un peu trop même), le tout sur des riffs rincés au Neo Metal ; chapeautée par une production rendant le tout sacrément agressif, voire difficile d’accès. Dans un tel brouillon sonore, le polymorphisme vegan-friendly de Kyo en matière d’imitation animale (beuglements, cris de cochon et autres tintamarres de la ferme) ainsi que son panel très large de tessitures vocales ne vous faciliteront pas la tâche, en plus de faire passer les lignes de chant d’un album de CRADLE OF FILTH pour conventionnelles.

Oubliez l’estampillage « Alternatif Prog Metal » et surtout le côté « Prog » à la "Uroboros" car il n’y a rien de Prog dans le sens noble du terme, à part peut-être pour "Zetsuentai" et les autres morceaux construits en mid-tempo (de "Followers" à la ballade de fin d’album "Ranunculus" (**), en passant par "Keigaku No Yoku" et ses couplets typés Doom). Cette fin d’album, elle, gravite plus autour de l’esprit d’un "Arche". Le reste du temps on est plus sur un hybride Metalcore/Nu Metal extrêmement véner à la CRYSTAL LAKE et bien évidemment, avec des signatures rythmiques qui changent dans des breaks (mais ce n’est pas parce qu’il y a un break à la guitare classique dans "Holy Wars" de MEGADETH que ça en fait un morceau de Prog pour autant, on est bien d’accord ?).

DIR EN GREY fait du fan-service générique sur cet album, c’est dommage car il y a énormément de ressources très intéressantes dans ce disque (la section percussions façon Shawn Crahan de SLIPKNOT sur "Celebrate Empty Howl" ainsi que "Zetsuentai" qui est une bonne synthèse des albums précédents tout en étant le seul morceau très solide de l’album). Le groupe n’a pas su réellement faire décoller ce disque,il y a des morceaux extrêmement faibles voire remplissages ("Ningen Wo Kaburu ", "Rubbish Heap", "Downfall") d’autres passables ("Aka", "Utafumi") et une fin où tout ce qui est écoutable est polarisé en un bloc. Si vous comptez commencer à écouter DIR EN GREY je ne vous conseille pas ce disque piochez à partir de "Uroboros" qui sera bientôt chroniqué ici.

Note : 2,5/5 mais arrondi à 3 parce que la fin du disque est l’effort de guerre qui sauve le tout de justesse.
(*) Marché d’esclaves avec apparition du buste invisible de Voltaire.
(**) Jetez donc un coup d’oeil au clip si vous aimez les beaux visuels.