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BRUTAL DEATH TECHNIQUE   |  STUDIO

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- Style : Beyond Creation, Necrophagist, Origin, The Zenith Passage, Sonivinos
 

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ARCHSPIRE - The Lucid Collective (2014)
Par PERE FRANSOUA le 20 Octobre 2017          Consultée 1766 fois

Dès qu'il eût quitté les ténèbres de l'underground le Death Metal s'est noyé dans les affres des studios, devenant une musique de musiciens et laissant le champ libre au Black Metal pour incarner seul la musique avec supplément d'âme.
Même dotés d'un grand talent les jeunes musiciens qui repoussèrent jadis les frontières de l'extrême virent leurs virtuosités limitées par leurs origines modestes, apprenant à maitriser leur instrument sur le tas, s'extirpant peu à peu du bain de bestialité infantile pour se hisser vers des sphères musicales plus élaborées et plus matures. Le meilleur exemple c'est Chuck Schuldiner et DEATH.
Pour ceux qui préférèrent demeurer dans le monde du gore, la seule échappatoire pour rester créatif consista en une fuite en avant vers plus de maîtrise instrumentale.
Ce qu'on appelle communément "la technique". Un mot qui explique tout, un qualificatif valorisant que tout metalleux a eu un jour à la bouche, du genre "wouah en plus le batteur il est trop technique". On se branlait déjà avec "la technique" quand j'étais ado, et aussi certainement avant (toi-même tu sais le vieux), ignares éblouis par la maîtrise de nos chères idoles et qui cherchent inconsciemment un moyen de justifier aux yeux du monde "normal" leurs goûts excentriques : "ouais P'pa, CANNIBAL CORPSE c'est pas juste des bourrins, le bassiste il est super technique".
Technique égal intelligence égal respectabilité.

Les années ont passé, le Death a survécu (tant bien que mal), plein de jeunes ont grandi en écoutant de l'extrême technique, ces jeunes ont fait des vraies écoles de musique et le niveau de maîtrise s'est développé de façon exponentielle.
Après s'être dilué dans les vapeurs atmosphériques, après avoir pratiqué l'autofellation nécromantique en se la jouant revival des vraies de vraies origines crasseuses, le Metal de la Mort s'épanouit depuis un certain nombre d'années dans son éternelle veine "technique" tout en en repoussant sans cesse les limites. Sortis des conservatoires les agrégats de musicologues appelés "groupes" font déferler sur le monde des cascades de notes et de structures complexes.
L'engouement relativement tardif du public pour le Death Technique et Brutal Technique s'explique peut-être par un développement du cerveau des auditeurs, désormais prêts à adorer à genoux les prouesses instrumentales extrêmes et radicales alors que jadis la "technicité" n'était tolérée que jusqu'à un certain point. Les groupes pionniers qui avaient eu le malheur de provoquer l'auditeur avec une musique trop complexe ne touchèrent que quelques cortex éclairés et ne furent récompensés que par l'échec commercial et ce putain de statut culte qui fait manger des cailloux à tant de génies incompris. ATHEIST, CRYPTOPSY, NECROPHAGIST, GORGUTS, DEEDS OF FLESH, you name it.

Mais aujourd'hui le bourrin hyper-technique fait recette (toutes proportions gardées, on parle d'un marché de niche), de belles formations ont su montrer la voie, des précurseurs (DEEDS OF FLESH), des as de la dentelle (OBSCURA), des rois indétrônables (SPAWN OF POSSESSION), et l'on ne compte plus les albums qui exploitent le filon. Les prouesses musicales sont exhibées à grands renforts de vidéo sur les réseaux sociaux, les musiciens changent de crémeries aussi facilement que les stars du foot.
Et parmi tout ça une entité canadienne a fait le buzz : ARCHSPIRE.

Des démos à l'impact retentissant, un premier album qui les propulsa direct vers une certaine renommée avant de devenir les nouveaux chouchous de la scène avec "The Lucid Collective" leur second album dont la chronique est en cours de lecture par vous-même. C'est vous dire si on est à la page sur NIME. Le buzz ne s’arrêtant pas là, leur nouveau disque déjà annoncé comme une tuerie interstellaire, paru fin septembre 2017, était attendu comme le Messie.

Qu'est-ce qui motive cette adulation ?

Autant vous prévenir d'entrée de jeu : je n'ai pas les compétences ni le vocabulaire pour analyser de façon chirurgicale toutes les subtilités musicales déployées par ce type de groupe, de même que je n’ai ni l’enthousiasme ni l’expertise de Dark Morue (coucou à toi si tu me lis) vis-à-vis du genre.
De toute façon, se livrer à une description minutieuse de ce genre de musique est totalement impossible. Et avec ARCHSPIRE c'est encore pire que les autres car les Canadiens semblent chercher la prouesse à chaque instant et proposent ainsi ce que l'on peut considérer comme le paroxysme du Brutal Technical Death Metal. Bim, le voilà mon axe de la chronique.

ARCHSPIRE s'inscrit parfaitement dans les canons du genre sans en révolutionner les arcanes ni les sonorités mais il tente d'en repousser les limites au maximum tout en essayant (tant bien que mal) de conserver la cohérence nécessaire à une écoute supportable notamment grâce à un certain sens de l’accroche, constamment sur le fil, équilibristes de l'extrême jonglant avec les plans dinguos. Chez eux tout est tendu au maximum, recherche du contraste le plus saisissant, cassures de rythme tellement rapides qu'on n’a pas le temps de les remarquer, collection de passages hétéroclites déboulant de façon imprévisible à la limite du collage ("Spontaneous Generation", mais on pourrait citer tout l’album), technicité tellement poussée qu'elle confine à une brutale hyper activité.
Pour générer leur rafale sonore les Canadiens usent de toutes les variantes du Death, mixées et juxtaposées, dans une sorte de patchwork ultime : rythmique rouleau compresseur, propulsion Thrash dynamique, Slam en infra-basse, tapping tricotage, soli Heavy-Jazz, blast Death-Mélo, court interludes de paix pour mieux faire ressortir la déflagration.
Ce melting-pot n'est-il pas précisément la marque de fabrique du Tech Death ? Quoi de plus normal alors ? C'est que ARCHSPIRE pousse la partouze au max, tous les éléments copulent à la vitesse de l'éclair tant et si bien qu'il devient vraiment compliqué de décrire ce qui se passe. Il sera de même difficile de sortir un titre du lot, même avec beaucoup d'efforts. On pourra parler de tel ou tel (court) moment isolé, et encore, car dix secondes plus tard tout aura déjà changé. "Lucid Collective Somnambulation" sera évidemment plus facile à sortir du lot, le titre ayant été souvent mis en avant par le groupe, d'autant plus qu'il possède un genre de refrain que l'on se surprendra à grogner sous la douche après quelques écoutes.

Comme dans le porno où l'accoutumance repousse la tolérance aux images extrêmes qui en retour pousse à aller encore plus loin, le Brutal Tech doit sans cesse se dépasser pour se démarquer et séduire. Ainsi l'album de référence, le chef d'œuvre ultime et indémodable "Incurso" de SPAWN OF POSSESSION nous apparaît accessible et presque classique en comparaison avec la musique proposée par ARCHSPIRE. Je dis ça sans rire. Car en tant que paroxysme du Tech Death, ARCHSPIRE en exacerbe les qualités (comme cette écriture folle pleine de trouvailles) mais aussi les défauts.
Tel est le cas de la production, encore plus clinique que chez les copains, nickel chromé décapé au Mr Propre afin que les pauvres mortels que nous sommes puissent apprécier chaque note et chaque frappe chirurgicale de batterie.
La batterie putain, parlons-en : elle sonne purement et simplement comme une mitraillette supersonique aseptisée. D'un côté on ne rate aucun détail du jeu survitaminé et hyper-complexe de Spencer Prewett, d'autant qu’elle est très en avant dans le mix, de l'autre j'ai envie d'arracher une étoile à la note finale peu importe ce qu'elle sera car ça va trop loin pour moi (j’déconne pas je vais le faire.) Oui monsieur, vos changements de rythme sont fous et vous atteignez un nombre de BPM à la caisse claire surhumain, mais votre kit sonne comme une boîte à rythme programmée par des androïdes-cyber-aliens sous speed, en particulier lors des über-blasts épileptiques ("Join Us Beyond", mais en fait quasi tout le temps.)
J’ai conscience que c’est un parti-pris artistique mais désolé mais ça ne passe pas.

D'une façon générale la production surprend par sa clarté et sa compression, qui tire carrément vers le Thrash Death Prog le plus rutilant (une sorte de "Individual Thought Patterns" en version HD). Les guitares rythmiques ont relativement peu de grain, et leur son en lead est aussi surexposé qu’un bloc opératoire, la basse est généralement tenue en laisse, les seuls véritables vecteurs de brutalité étant les compos folles et et le chant dément. Ces compos ébouriffantes hyper énergiques qui associées à cette production trop éclatante donnent un cocktail qui explose à la face de l'auditeur, giclée de javel décapante, rendant l'écoute à la fois super stimulante et très épuissante (même quand on est rodé au Tech Death).

ARCHSPIRE évolue sur une scène surchargée et concurrentielle où les prouesses et les réussites abondent. Pour se faire remarquer il devient difficile d'épater encore la galerie avec des folies de duos guitaristiques en tapping, des BPM indécents ou des lignes de basse transcendantes. Les chanteurs en revanche demeurent souvent bridés par les limites du growl, même quand il est le plus caverneux du fin fond du tombeau, et puis de toute façon le chanteur de Tech Death étant généralement aussi un des deux gratteux virtuoses il a bien d'autres trucs à faire.
Mais dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui il y a quelque chose qui fait la différence : le chant d’Oliver Rae Aleron dont les prouesses méritent d'être mises en avant (et le groupe ne se gêne pas pour le faire). Le mec se permet simplement de faire la course avec les autres instruments et enchaîne dans un débit frénétique des longues phrases avec un beau growl caverneux et remarquablement bien articulé (pour du growl). Son débit est tellement fou qu'il est mis en scène dans tout un tas de vidéos show-off façon karaoké de l'extrême que personne peut test. Un débit et un style qui est ouvertement inspiré de certains rappeurs fous tels Busta Rhymes, et qu'on retrouve au niveau de ses sappes et son jeu de scène très typés Hip-Hop (et qui semble lui attirer quelques remarques de la part des très cons.) Pour délivrer un tel growl rappé au débit hyper rapide, le monsieur nous explique dans une vidéo(*) qu'il utilise une technique de respiration spéciale. À côté de son timbre des cavernes le monsieur se permet, comme il se doit, quelques cris aigus et quelques grunts sur-graves, mais tout cela reste heureusement contrôlé et raisonnable (je ne suis vraiment pas fan des bruits de cochons.)
Les compos savent intelligemment lui laisser de la place, comme lors de l’intro de "Fathom Infinite Depth". Et si sur ce même titre, un de mes préférés finalement, la place est laissé en deux courts instants à la basse, ce sera malheureusement une exception car chez ARCHSPIRE elle reste globalement sous-exploitée en comparaison avec les ténors du genre.

Les Canadiens envoient du lourd comme on dit, éblouissent par leur technicité extrême presque domestiquée, sidèrent avec leurs compos à l’inventivité folle, mais à vrai dire ils me saoulent un peu.
Sans la mélodicité de FIRST FRAGMENT et BEYOND CREATION, et surtout sans un jeu de basse aussi rond et sublime que celui de Dominic "Forest" Lapointe, dépourvu de la fraîcheur épique de VIRVUM, et évidemment sans le statut de pionnier défricheur d'un PSYCROPTIC ou d'un DEEDS OF FLESH, ARCHSPIRE garde une tête sous le peloton de tête.
Il nous manque des aérations à la OBSCURA pour respirer un peu entre deux rafales et pour pouvoir apprécier sous un autre angle les talents des musicos. Seul "Kairos Chamber", l'avant-dernier titre, offre un moment de calme avant la dernière gifle.
L'attraction principale sera donc le chant, growl supersonique au débit inspiré du meilleur du Rap, et cette écriture à la radicalité virtuose tellement poussée qu'on finit par en rire, estomaqués que nous sommes par autant d'abus assumés et de maîtrise époustouflante.
Mais malgré les gifles javelisées et cette batterie de merde, les courtes 35 minutes passent sans crier gare et on remonte dans le grand manège pour de nouveaux tours à se faire lever le cœur, en attendant la nouvelle grande attraction annoncée comme surpassant "The Lucid Collective" en tout point. À l'heure où j'écris ces lignes je n'ai pu écouter que les trois extraits dispos en ligne, et qui semblent ma foi fort engageants.

Partons d’un 4/5 pour cette radicalité technique finalement très fun et ce chant unique dans le genre, et on retranche totalement sans vergogne un gros point à cause de la batterie au son plus qu’agaçant et d’une basse pas assez mise en avant à mon goût totalement subjectif.



(*)https://youtu.be/LTOxsbyEHmM

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   PERE FRANSOUA

 
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- Jaron Evil (basse, vocaux)
- Spencer Prewett (batterie)
- Tobi Morelli (guitare)
- Dean Lamb (guitare)
- Oliver Rae Aleron (vocaux)


1. Lucid Collective Somnambulation
2. Scream Feeding
3. The Plague Of Am (cogito Ergo Sum)
4. Fathom Infinite Depth
5. Join Us Beyond
6. Seven Crowns And The Oblivion Chain
7. Kairos Chamber
8. Spontaneous Generation



             



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