Tous les groupes ne trouvent pas forcément leur style dès leur premier album, et c'est le cas des Espagnols de MÄGO DE OZ, un véritable cas d'étude d'ailleurs. Et oui, car nul doute que si le MÄGO de Madrid était resté cantonné dans le style de son premier album, vous n'auriez trouver aucune chronique dudit groupe sur Nightfall. Donc, Le Metal, vous pouvez le chercher longtemps sur ce disque : vous n'en trouverez que quelques miettes. Pour autant, on n'aurait tort de considérer ce premier essai comme un album à part, qu'il ne faudrait pas intégrer à la discographie (un peu comme ceux qui estiment que le premier vrai DEEP PURPLE est "In Rock", ce qui est totalement faux). Car, en fait, cet éponyme, avec lequel certes on ne conseillera pas de découvrir le groupe, permet de mieux cerner les racines musicales de MÄGO DE OZ et de mieux comprendre l'évolution de sa carrière.

Car la carrière de MÄGO DE OZ est absolument passionnante à suivre ! C'est une carrière de la race des grands. Variée et foisonnante, la discographie des madrilènes témoigne du très large spectre musical épousé par le groupe. Peu de facilités, des prises de risques, et une ouverture musicale béante. Si le groupe est légitimement devenu le plus grand représentant du Metal espagnol, la plupart des fans se pencheront sur ce premier effort qu'après avoir épuisé le reste de la discographie. Et la surprise sera grande.

Appuyons sur play. Première piste de l'oeuvre : tiens, un riff bien Rock'N'Roll que voilà, ça fait quand même un peu beaucoup penser à "La Grange" de ZZ TOP non ? "La Grange". ZZ TOP. MÄGO DE OZ. Le Folk Metal Celtique. Vous aussi vous cherchez l'erreur ? Hey, mais c'est qu'il y a aussi un titre qui s'appelle "El Hijo Del Blues", la couleur musicale de l'album ? Oui, du Blues Rock il en est vraiment question sur cet album. Et cela était mûrement réfléchi, car MÄGO DE OZ avait déjà un peu de bouteille et plusieurs démos à son actif. Ce 1er album, malgré une prod assez roots en raison des moyens limités, n'a rien d'une oeuvre de jeunesse enregistrée dans la précipitation par un groupe immature. Donc oui, le Blues Rock énergique faisait partie intégrante du style MÄGO, et cela a laissé des traces.

Mais ce premier album ne se limite pas qu'à cela. Le noyau dur du groupe est déjà là : le batteur et tête pensante (oxymore ?) Txus, bien installé derrière ses fûts, épaulé par Juan "Carlitos" Carlos à la guitare rythmique et surtout par le violon de son pote Carlos aka Mohamed. Du violon, donc des touches de Folk. Mais du Folk "Folk", pas forcément "celtique" si vous voyez ce que je veux dire. Moi, je me comprends. Donc les germes du futur MÄGO sont plantés, en quelque sorte. Par contre, José Andrea n'est pas encore de la partie. Et la différence est de taille. Son prédécesseur, Juanma, n'a vocalement rien à voir. Une différence vocale très comparable au fossé qui séparait Paul Di'Anno de Bruce Dickinson. Juanma possède une voix chaude, assez puissante, adaptée aux tonalités Blues Rock du groupe. Une sorte de Nicky Moore espagnol. Et le bougre est plutôt bon. Par contre, sa voix n'est manifestement pas faite pour du screaming Heavy Metal...

Déjà deux reprises ici. Un exercice apprécié par les espagnols. Le court "Gerdundula", de STATUS QUO, instrumental Folk surprenant dans la discographie des Anglais, mais pas dans celle des Espagnols. Et puis le classique "Gimme Some Lovin'" du DAVIS SPENCER GROUP, le Blues Rock est dans la place. C'est pas mal, mais pas inoubliable. À l'image d'une bonne moitié de l'album : c'est de qualité, mais ce n'est pas la folie non plus. Il faut dire que l'ensemble est complètement dépareillé. Un début à la ZZ TOP donc (le violon en plus), des reprises, un pastiche du King ELVIS, et surtout deux morceaux gags en milieu d'album chanté par Txus, boute-en-train s'il en est (cela colle bien avec la pochette loufoque de l'album). C'est également la fête du saxophone sur deux titres. Indiquons que cet aspect bigarré n'est pas synonyme d'une originalité folle. Rien que le Folk Rock, ce n'était pas du tout une nouveauté à l'époque en Espagne, CELTAS CORTOS (beaucoup plus pro) cartonnait pas mal.

Reste deux morceaux plus précieux : "El Lago" et le morceau éponyme du groupe. L'occasion d'un petit rappel historique : MÄGO DE OZ a commencé sa carrière en 1988 sous un autre nom : TRANSILVANIA, en hommage à IRON MAIDEN. Oui mais jusque là, l'influence des Anglais était indécelable, sauf sur ces deux titres donc, à petites doses seulement et essentiellement au travers des mélodies de violons. Le sérieux de "El Lago" tranche énormément avec le reste de l'album, mais c'est un vrai bon titre et celui qui survivra le plus longtemps sur les setlists du groupe. Le titre éponyme, est quant à lui un premier pavé de 9 minutes, le seul titre qui flirte vraiment avec le Heavy Metal. Le résultat n'est pas totalement abouti, et l'on ne fait qu'effleurer le potentiel du groupe, mais c'en est pas moins très agréable.

Un premier album totalement foufou de la part de celui qui deviendra le leader du Metal espagnol. Le Folk est déjà là, mais MÄGO n'a pas encore vraiment trouvé son style. MÄGO DE OZ recadrera plus tard son propos, à bon escient. Ce premier album n'en garde pas moins beaucoup de charme, une petite curiosité qui nous fait mieux comprendre certains futurs délires de ce groupe.