Cette chronique a été rédigée à la suite d'une demande de la Boîte. Le lecteur m'a conseillé d'y jeter une oreille, croyant que WALKNUT produisait du Black Atmo de haute voltige. Merci à lui pour la suggestion !

La Russie s'invite en retard à la fête métallique depuis une dizaine d'années. Surtout en extrême et en folk, on voit des groupes naître, survivre et mourir, qu'ils soient ARKONA, DOMINIA, FFERYLLT, KARTIKEYA ou KAUAN. Et contrairement à d'autres nations, le « blanc-bleu-rouge » n'a pas nécessairement d'étiquette, de carte de visite sonore, alors on pourrait tout bonnement entendre du Metal russe en pensant que c'est de l'allemand ou du norvégien…

WALKNUT est l'exemple parfait : ce duo joue un Black Atmo classique, aux teintes grises et vertes, que l'on aurait pu croire issu d'Angleterre, d'Islande ou de Finlande. "Graveforests And Their Shadows" est son seul album en date et nul ne sait si le groupe en produira un autre, son statut étant nébuleux. Disons que cela ajoute une couche de mystère et de rareté au bouzin, alors certains y verront une opportunité de flirter avec le « très underground ». Notre ami lecteur y a entendu du génie, moi j'y décèle les germes d'un embryon fort doué qui, par malheur, a craqué l'allumette à un moment de l'histoire où le Black Atmo avait déjà passablement du millage.

Cela n'empêche pas que WALKNUT est un digne représentant du genre, de par le champ lexical et l'éventail imagé qu'il a su engendrer sur "Graveforests And Their Shadows". Le podium – constitué des trois morceaux-fleuves du skeud – m'a ravi, car il incarne le Black Atmo forestier dans toute sa grandeur : la nature chatoyante y est dépeinte sous toutes ses racines, on a peur, on a froid, on a des idées noires… mais on plane aussi en respirant cet air pur, en admirant ces trésors plantés là, en se délectant de trucs simples ("Motherland Ostenvegr"). On songe aussi à la mort et aux ombres se profilant dès que la nuit reprend ses droits sur cette immensité tout à coup intimidante et énigmatique ("Come, Dreadful Ygg"). Quand la forêt devient de "Grim Woods".

Les deux brûlots de quatre minutes gravés sur la galette montrent un autre visage des Russes, alors que les longues fresques sont des archétypes. Mais on s'en fout. Que vous considériez son unique skeud comme une énième occasion de décrocher de votre quotidien en vous transformant, le temps d'une promenade, en créature nocturne errant dans les volutes de brouillard, ou que ce "Graveforests And Their Shadows" soit pour vous la quintessence du Black Atmo, le duo russe réussit à passionner. Sa musique manque un peu de subtilité et de peaufinage, mais hey, c'est son seul album… Il n'est pas autoproduit par contre, donc les défauts liés au manque de thunes sont évités ; le son raw de WALKNUT n'est pas issu des entrailles d'une grotte quelconque perdue en Sibérie, l'auditeur saisit son propos et peut en jouir pleinement sans froncer les sourcils de dégoût.

WALKNUT, ou le groupe Black russe s'approchant le plus des pointures britanniques telles que WINTERFYLLETH ou WODENSTHRONE, et qui s'est probablement abreuvé à la sève de ses voisins ukrainiens de DRUDKH. Dommage qu'on ne puisse le tester davantage, car il trône dans cet unique album une vasque argentée remplie de promesses. Espérons que "Graveforests And Their Shadows" ne sera pas un « one hit wonder », car ce serait du gaspillage de potentiel.

Note : 3,5/5.

Podium : (or) "Grim Woods", (argent) "Come, Dreadful Ygg", (bronze) "Motherland Ostenvegr".

Indice de violence : 2,5/5.