Dans la catégorie "grosse bombe de 2016 écoutée sur le tard", voici le tremplin d'USTALOST, "The Spoors Of Vipers".

J'adore le Metal new-yorkais. C'est un Metal à des lieues des clichés floridiens ou ceux de l'Ouest américain, c'est une musique riche, violente et influencée par le monde entier. Car NY, c'est la mégapole monstrueuse qui s'abreuve aux mamelles de tous les continents. Depuis une dizaine d'années, la Grosse Pomme est devenue la référence en frais de Metal expérimental aux racines Black et Prog prédominantes dans l'approche artistique de groupes tels que TESSERACT, TOMBS ou KRALLICE, le maître-étalon. De fiers membres de ce que plusieurs appellent la "Seconde vague de Black américain".

USTALOST ("fatigue" en russe) vient se greffer à cette excroissance incontrôlable qu'est le Metal issu des entrailles de NY et de Brooklyn, quartier d'où provient justement le très talentueux Will Skarstad, seul géniteur de cette créature dont l'autopsie risque d'être assez bizarroïde si on s'y attarde trop.

J’ai lu toutes sortes de trucs sur l’atmosphère balèze qui règne dans ce nid de vipères. Certains, sûrement influencés par la superbe pochette, y entendent un Black transpirant le Moyen-Âge (à des millions de kilomètres de la sauce "Battle Metal" de TURISAS, je vous rassure), d'autres un Black atmosphérique certes épique mais avant-gardiste, avant tout en raison de ces nappes de synthé vachement originales, cette guitare envoyant des mélodies sulfureuses et cette basse… oh mes aïeux, cette basse ! Je soupçonne Will Skarstad d'avoir un faible pour cet instrument si important, car certains des moments les plus marquants de ces 43 minutes en sont directement issus. J'oserais même dire que la basse supplante la guitare chez USTALOST et forme, avec le synthé, un duo fatal par qui le mystère et le plaisir arrivent.

Que vous penchiez vers le 16ème siècle ou qu'USTALOST sonne moderne à vos oreilles, il est très difficile de ne pas sombrer dans l'univers unique et machiavélique de Skarstad. C'est la première fois que j'entends un Black Atmo de cette teneur, influencé par je ne sais quoi, qui mélange à la fois la terreur à des passages catchy dont la basse, encore elle, s'avère le leader. Un Black Atmo variant les tempos, accélérant pour stimuler nos neurones et pataugeant dans un Doom/Sludge morbide. Et derrière ce maelstrom de réverbérations extravagantes, on entend une goule et ses incantations stridentes. On tient décidément le mariage parfait.

Ce qui rend l'album si irrésistible aussi est la quantité de souvenirs que l'on retrouve sur chaque morceau. L'homme-orchestre new-yorkais a un talent inouï pour dénicher les perles et il arrive à les aligner sans trop perdre son auditoire. KRALLICE, par exemple, malgré son pouvoir de composition, a tendance à brouiller les pistes et à pencher du côté de l'abstraction, alors qu'un ULTALOST a compris qu'on peut appartenir à une écurie progressive en misant sur le compromis, sans se travestir. Ceci est un art et les créateurs qui le maîtrisent ressortent souvent du lot en dansant sur la ligne tanguant entre l'underground et l'accessible.

"The Spoors Of Vipers" est ainsi un premier mémorable pour Will Skarstad, qui nous entraîne dans des donjons abandonnés et humides, joue avec nos nerfs et nous réconforte en même temps avec des idées géniales qui plairont à tout amateur d'extrême. Personne ne pourra me dire qu'il n'a pas été soufflé à quelque part sur cet album, c'est impossible. USTALOST est un renouveau pour moi, une dépendance et une singulière surprise. Planez, mes amis, planez !

Comme dirait la vipère : Ccccccecccccci est un grand sssssssuccccccès !

Note : un immense 4 qui aurait bien pu mener l'album en Sélection du site.

Podium : (or) "I", (argent) "II", (bronze) "V".

Indice de violence (IV) : 2,5/5.