Quand on est un jeune groupe fondé en 2012 comme DÉPARTE, on a tout et rien devant soi. On a le fantasme créatif assez vif merci et en même temps, on sait que la musique n’est pas née d’hier et qu’il faudra avoir un sacré toupet pour tenter de s’y faire une place en bousculant l’édifice. Et c’est avec un Post-Black coloré de touches Death que ce quatuor de diables de Tasmanie entend réaliser sa charge.

Déjà comparé à ULCERATE pour son climat étouffant (la montée en puissance de "Ashes In Bloom" devrait vous convaincre que DÉPARTE n'a rien à foutre dans la dentelle) et ALTAR OF PLAGUES pour sa composition en dents de scie et ses atmosphères grises et planantes, le combo australien tisse lentement et sûrement sa toile en jouant avec nos nerfs. Lourd comme du Doom, gras comme du Sludge, déstabilisant comme du Black, abrasif comme du Death et aérien comme un bon Post chargé d'émotions, ce premier album a tout pour charmer. Pour perdre l'auditeur aussi tellement les morceaux sont alambiqués, tracés avec une pointe fine malgré la pesanteur du truc.

DÉPARTE n'a certes pas peur de prendre de gros risques et il le fait en bande, pas sous la houlette d'un leader borné. Ça s'entend dans les passages plus éthérés, où le groupe prend son temps pour bien asseoir l'ambiance avec quelques grattements doucereux et dissonances, quelques toms et cymbales, pas plus. Nous naviguons ensuite en eaux plus troubles, style oblige, mais aussi vers une lumière aveuglante qui perce à peine de ce maelstrom patient. Le chant de Sam Dishington nous rentre alors dedans avec une plus grande puissance, car il n'est jamais perdu dans le mix ou les expérimentations. Certains feront sans doute le lien avec le chant d'ULCERATE aussi, mais sûrement pas pour la batterie, car Jamie Saint-Merat est hors concours…

Sauf que Jarrod Sorbian est celui par qui certains des meilleurs moments de cet album arrivent. Je parle évidemment de cette double basse venant solidifier l’intensité des trémolos véloces du duo de guitaristes, qui éparpillent correctement leurs assauts sur "Failure, Subside". Si on est fan de débandades guitaristiques, notre patience risque d'être mise à mal par DÉPARTE, car il se passe parfois cinq minutes sans que presque ou rien ne bouge. Voyez cela comme une mise en place pour la prochaine montagne russe, la prochaine dent de scie qui vous pulvérisera. Le groupe Doom/Death EYE OF SOLITUDE emploie ce stratagème aussi et ça fonctionne bien ! Il faut simplement être prêt…

Ceci étant dit, il est clair que "Failure, Subside" appartient davantage à l'écurie des albums concepts et homogènes, dont quelques organes peuvent ennuyer. Ce que j'appelais la "mise en place" au paragraphe précédent est l'élément qui m'a le plus dérangé. C'est bien sûr l'annexion Post de l'ensemble, qui vient alléger le discours aride de DÉPARTE et avec lequel vous devrez faire la paix. Si vous êtes capable de franchir ce pas, vous êtes mûr pour une chouette randonnée au royaume de la misère humaine. Sinon, ce sera long…

Je suis mitigé, vous l'aurez deviné. J'adore le muscle de DÉPARTE, il n'y a aucun doute qu'il y a de l'énergie et de la virtuosité chez ce combo. Je me demande juste à quel niveau leur Post devrait se situer. Pas certain qu'il soit bien ajusté… Mais bon, pour un premier album, c'est brillant.

Un excellent passeport pour voler… en éclats.

Podium : (or) "Grief Echoes (Golden Scars)", (argent) "Ashes In Bloom", (bronze) "Vessel".