Aux armes, aux créneaux, les danois sont aux portes de NiME ! La faute à Hell’s Headbangers qui réédite le one-shot de WITCH CROSS ("Fit For Fight", 1984), album culte de la bourgeonnante scène scandinave, et refourgue avec tous les inédits sur lesquels ils ont pu mettre la main. Vous comprendrez qu’avec des initiatives de ce genre qui exhument, exhument à la pelle tout ce qui a pu se faire à un moment ou à un autre, qui vous gavent de METAL CROSS ou de CRYSTAL KNIGHT et, quand vous demandez grâce, passent au dessert en déballant la liste infinie des groupes en –WITCH… on est toujours pas prêt de devoir se farcir des nouvelles sorties pour avoir de quoi se mettre sous la dent- la preuve, j’ai failli réussir à ne pas parler de l’album de reformation de WITCH CROSS d’il y a deux ou trois ans, rejeté par Shadow Kingdom parce que trop nul apparemment. On va pas gaspiller de la salive numérique à babiller sur des retours mal conseillés parce qu’on a du pain sur la planche, on doit explorer rien de moins que tout ce qu’a pu faire cet excellent combo entre 82 et 86 !

On ne va pas faire un gros topo sur l’album qui représente sans doute le morceau de choix ici pour les néophytes du groupe mais sur lequel on trouve des bafouilles partout et notamment sur le web francophone, il est cependant indispensable de le balayer en deux mots pour avoir une familiarité basique avec le genre de Heavy pratiqué ici. La Scandinavie a connu l’une des plus grosses vagues de Metal européennes, avec des groupes très influencés par la fougue (et le look) de la NWOBHM et c’est sans surprise que WITCH CROSS s’inscrit dans ce cadre ce jeunes qui en veulent, SAXON étant cité comme l’influence principale par tous les membres même si ce combo tout pétillant de créativité n’épouse aucunement le style de tel ou tel groupe en particulier. A noter quand même que cet album a été enregistré dans le même studio que "Don’t Break The Oath" et "Melissa". Le son fait clair et débridé comme il est de bon ton pour les productions suédoises/danoises, moins musclé et carré que chez les Allemands mais avec énormément de feeling. Au reste le tout n’est généralement pas très agressif, le drumming ne s’emballe que de façon très ponctuelle ce qui ajoute un piment bienvenu ici et là. Rajoutons d’emblée une couche sur la voix fantastique du chanteur Alex Savage puisque c’est une des premières (et dernières) choses qui marquera tous les nouveaux venus, une voix très fraîche et candide qui résonne avec un maximum de clarté par-dessus la tourmente des riffs, et qui sait gueuler/gueuler aussi quand il faut, ce qui contribue beaucoup à l’ambiance irréelle et à la présence de ces morceaux.

Ne nous attardons pas plus que ça sur l’album, on aura l’occasion d’évoquer certains de ses titres remarquables en version démo ("Killer Dogs", "Fight The Fire", "Light Of A Torch" et surtout la cavalcade folle "Alien Savage", même si mon morceau favori "Rocking The Night Away", le plus élégant, n’est pas représenté). Pas moins donc de deux cds de démos, des tonnes d’inédits dont l’enregistrement, de façon plutôt surprenante, se trouve plus qu’adéquat, un backcatalog a priori un poil étouffe-chrétien mais en fait très intéressant et qui s’enquille tout seul.

Peut-être pas trop pour ce qui est du premier disque, notamment parce qu’il comprend pas mal de morceaux de l’album dont l’un plusieurs fois, et que même l’un des morceaux inédits figure deux fois. Toutefois il commence par un single offrant les seuls morceaux que le groupe a sorti commercialement son album mis à part, donc logiquement c’est un point fort que ces deux titres d’un Metal peut-être un peu plus brut et moins astucieux que celui conçu pour "Fit For Fight", cela dit rien que ses riffs d’intro vous enverront des frissons dans l’échine. Les autres inédits représentés dans les 3 démos qui suivent sur ce cd ne sont pas extraordinaires, du Heavy mal enregistré qui ne vaut pas qu’on ne s’y attarde davantage. Du reste le passage entre les différents enregistrements représentés est soumis à de brusques variations de volume et de qualité, (entre le son très clair et faiblard au plus crado et méchant), on notera cependant qu’il s’achève sur une reprise incroyable du dernier morceau de "Fit For Fight" toute aussi agressive et trépidante que la version studio ("Alien Savage", avec un solo tellement long et intense qu’il a réussi à essouffler mon chrono à la course d’endurance).

Le deuxième cd a le bon goût de ne rassembler que des morceaux inédits, à l’exception d’une version alternative de "Killer Dogs" tellement différente qu’on ne la reconnaît pratiquement pas.
Sur la Demo 1985 sans titre, ultérieure à l’album, c’est un groupe déjà rodé qui met en boite des chansons déjà évidemment déjà travaillées et répétées, qui donnent le prélude à un nouvel album programmé mais jamais survenu après l’éviction du chanteur, le reboot du groupe avec un lineup complètement différent peu après et le split un peu plus tard.* Cependant tout ce qui distingue ces cinq morceaux d’un solide EP c’est un son dépoussiéré. Le moins qu’on puisse dire c’est que le groupe n’avait pas tiré toutes ses cartouches sur "Fit For Fight" tant ces nouveaux morceaux sont fantastiques.

"Chase Away The Shadows", sans doute le meilleur inédit de cette compilation, délivre la dose de Metal pour laquelle je me lève le matin, puissant et dramatique. "Midnight Mob" est un exemple de Heavy Metal débridé exécuté à une vitesse incroyable dans toute la plénitude d’un gang complètement sûr de son talent (et avec des bidouillages vocaux qui augmentent encore ce côté invincible), "Damn The Clan" prend des accents plus dramatiques et grandioses, avec un refrain qui éclate triomphalement. Cette poignée de morceaux est totalement paroxystique et à elle seule vaut le coup pour tous ceux qui n’en ont pas eu assez avec "Fit For Fight".

La démo suivante, toute dernière production d’époque du groupe, présente les 3 seuls morceaux sans le chanteur de l’album et un lineup presque complètement différent. Le groupe surprend alors par un registre plus travaillé et alambiqué mais ne démérite aucunement, voire ce "Burning On" qui commence comme une ballade interrompue par l’irruption des guitares extrêmement écorchées et montre un peu de la versatilité du groupe, de même que "No Mercy" qui avec les morceaux suivants est un des seuls à prendre une inspiration plus diabolique/occulte.

Le cd s’achève sur le premier matériel du groupe (sous le nom de BLOOD EAGLE), avec un son extrêmement poussiéreux et éthéré qui restitue une atmosphère humide et menaçante, très intéressante pour une phase si précoce de l’évolution du combo (et considérant que le riffeur de "Fit For Fight" n’était pas encore dans les parages) : "Rats" avec son break à la BLACK SABBATH, un ton vif donné par la basse qui se balade gaillardement, des riffs décochés comme des éclairs à travers l’obscurité. Il ne manque qu’un gros son à cette ébauche pour triompher, perso je suis complètement comblé par ce type de chanson où vous êtes enfoncé au plus profond du trip WITCH CROSS après une heure d’écoute d’affilée en plein dans le ventre de cette compilation et où chaque trame toujours plus imparfaite vous délivre des riffs toujours plus féroces, jusqu’à être au fin fond de la cave avec les chaînes qui cliquettent et les torches au mur, le son plus ancien et distordu que jamais… Aaaargl ! "Shadow In Your Life" boucle le tout, balade intimiste et mignonnette.

S’ajoutent à ça clips (enfin des extrais de live collés sur des morceaux studios, dispensable au possible) et un live filmé gonflé à bloc (pas moins de 1h30 de show avec solo de batterie, soli de guitares de 5 minutes pendant que les autres mecs se tirent en backstage… la totale), le groupe prend possession d’une scène qu’il tient d’une main de fer devant un public hollandais bien frénétique, dans le grand attirail de mise en scène de l’époque (décor de voûte de pierre), des guitaristes qui sautent sur l’estrade de la batterie etc. Quelques titres inédits sont interprétés mais c’est plus frustrant qu’autre chose du fait de la qualité live qui retranscrit moins bien les chansons que les démos, même sans que le son soit si mauvais. D’autres titres présents sur les démos sont joués, c’est plutôt cool de les voir plusieurs fois même si là aussi ces versions en direct sont en-dessous des sessions démos.

*Signalons d’ailleurs que le livret comprend une interview réalisée par l’éditeur du magazine Snakepit, qui est du genre à poser des questions dont il connaît à l’avance les réponses sur des détails extrêmement pointus de la carrière de groupe quasi inconnus, une interview du genre en profondeur donc qui permet de retracer le parcours du groupe dans ses moindres détails pour ceux que la qualité de la musique délivrée a rendus curieux.