En écoutant VERDUN me revient le souvenir d’un ami que je fréquentais durant l’université. On se faisait des soirées sympathiques a base de débats sur le Metal dans l’obscurité de son petit appartement jonché de restes de Quick (il disait "je vais aller quicker", ça me fait encore rêver), en écoutant ses dernières trouvailles en matière de Black Metal bien obscur, bières belges à quadruple fermentation et pinard de qualité a la main. Et au bout d’un moment, quand on commençait à être bien minables, il devenait tout bonnement le type le plus possédé que j’ai connu. Il commençait par me mettre des morceaux de Black Metal inconnus et attendait comme un drogué le riff dont il me parlait avec extase. A chaque fois ce riff était un riff de Black bien groovy, dans le pur style norvégien, et qui avait la particularité de durer et durer et durer. Et lui, sa clope au bec, de devenir tout heureux en bougeant la tête et de m’assurer que ce qui était génial avec ce riff, c’était que t’avais l’impression que ça changeait à un moment, alors que pas du tout. Vous voyez le degré de génie ?

Quand j’imagine VERDUN en répétition c’est exactement la même chose. Si les types ont mis autant de temps à apporter un successeur à leur excellent "The Cosmic Escape Of Admiral Masuka" c’est bien parce que, en tant que Doomeux, la vie passe à une vitesse bien différente. Ils ont certainement passé des répétitions et des répétitions à auto-apprécier leurs riffs, occupés à le jouer à l’infini jusqu'à ce qu’ils constatent qu’il faisait nuit et que demain fallait travailler. Et on peut les comprendre, car VERDUN sait manier le riff, pourtant en apparence simple, de telle façon qu’il devient impossible de le sortir de son esprit.

C’est bien la principale qualité de "The Eternal Drift’s Canticles" : le fait de happer l’auditeur. Il y a dans la musique de VERDUN un quelque chose de fascinant. Pourtant l’artwork est la pour nous décourager, immonde et certainement pas représentatif de l’ambiance véhiculée dans l’album. Incompréhensible. Car dès "Manking Seppuku" et sa pesante introduction, on comprend que VERDUN joue psychédélique, dans la pure tradition du Doom antique. C’est également un véritable plaisir de réentendre le chanteur avec sa voix si intense, qui rappelle très souvent la hargne de NEUROSIS (la fin notamment).

Toujours prompt à faire durer son jeu, VERDUN surprend plus d’une fois en instaurant des atmosphères planantes magnifiques, comme sur l’énorme "Self-Inflicted Mutalitation" et son chant clair habité ou encore sur "Dark Matter Crisis", avec son lead qui rappelle "28 Jours Plus Tard", est excellente. Ces parties viennent apporter du mysticisme à un album très sombre et monolithique, dans lequel la monotonie peut s’installer si ces variations ne viennent plus donner du souffle ("Glowing Shadows" est beaucoup trop répétitive). Le piège dans lequel VERDUN se retrouve est alors celui de l’auto-contemplation. A trop aimer des riffs certes efficaces, il ne cherche parfois pas assez la progression et pourra en laisser plus d’un sur le carreau.
"The Eternal Drift’s Canticles" est un bon album empreint de ces moments forts qui nous font revenir avec plaisir. Le Doom/Sludge de VERDUN y est pesant, le chant définitivement énorme et malgré quelques titres plus faibles, il égrène une sensation tenace de chute et de poisse, apôtre du gras et de la saleté.