La Russie semble être le nouvel eldorado du Doom Funéraire, genre créé et popularisé par les ténors finlandais tels que SKEPTICISM ou TYRANNY (oui je sais à l’origine était THERGOTHON). Un certain nombre de labels ont fait de cette mouvance ultime du Doom leur fond de commerce, tel les Moscovites de Solitude Productions. Et une pléthore de groupes estampillés Funeral ont fait surface sous la bannière de Solitude prod. Or vous n’êtes pas sans ignorer que quantité rime rarement avec qualité, et la grande majorité des disques produits s’avèrent être des copies plus ou moins bancales de SHAPE OF DESPAIR ou SKEPTICISM. Parmi les groupes russes de qualité, je me dois de citer COMATOSE VIGIL et celui qui nous intéresse aujourd’hui : ABSTRACT SPIRIT.

Après un premier album intéressant, le trio avait séduit les amateurs de musique sombre et liturgique avec un second opus "Tragedy And Weeds", pièce macabre, monolithique et majestueuse, dont on espérait une suite du même niveau. Hélas leur troisième album manqua le coche, révélant un groupe qui semblait avoir déjà dit tout ce qu’il avait à dire, négligeant les ambiances, tombant ainsi dans le pompeux et la monotonie. Suite à cette déception, j’ai négligé l’actualité du groupe et la sortie en 2013 de "Theomorphic Defectiveness".

Or, fin 2015 semblait être l’année du Doom à tendance atmosphérique ou funéraire, avec les retours des chantres du genre : SHAPE OF DESPAIR, SKEPTICISM et TYRANNY. J’avoue avoir négligé l’écoute de ce dernier, en revanche je me suis précipité sur les deux groupes ayant le plus aidé à développer et faire connaître le genre. Et quelle déception encore une fois, SHAPE OF DESPAIR fait du surplace, avec panache mais sans proposer quelque chose de véritablement mémorable. Quant à SKEPTICISM, l’idée de l’album inédit en live semblait bonne, mais si les titres sont majestueux et élégants, leur interprétation m’a pour le moins déçu, en raison de cet orgue trop démonstratif et ce chant un peu trop cru à mon goût. Alors 2015 allait-elle être pour moi l’année de la rupture avec le Funeral Doom ?

Faisant un bond vers le passé, je me suis intéressé à ce disque qui semblait marquer une rupture par rapport à ses prédécesseurs. Grand bien me fit, cet album est la parfaite bande son d’un film comme "L’Antre de la Folie" ou "L’Au-Delà" de Fulci. On nage dans la même noirceur désespérée, sans rémission possible, la même angoisse palpitante des ténèbres grouillantes. Les nappes de claviers délaissent le classicisme propre au genre pour s’orienter vers des sonorités plus occultes et majestueuses, limite Dark Ambient et Neo Classique Martial. Le chant Death est bien gras et profond, en provenance directe des abysses, alternant parfois avec un chant clair désincarné ou des chœurs infernaux semblant provenir de la Géhenne.

Quoi qu’il en soit le point fort de cet album est sans conteste son absence de monotonie, souvent le point noir du genre : le groupe varie les tempos, se permet des incartades vers les terres du Doom Death à tendance Sludge pour mieux recentrer son propos sur cette bande son à un apocalypse grotesque et violent ampli de désespoir.
L’hégémonie finlandaise sur le Funeral Doom a définitivement pris fin, la Russie est prête à conquérir l’univers sépulcral avec le meilleur représentant du genre !