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2013 Commuters
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2014 Coilguns/Abraham

COILGUNS - Commuters (2013)
Par ISAACRUDER le 8 Mai 2015          Consultée 2002 fois

Au cœur de la mêlasse indigeste qu’est la scène Hardcore actuelle, formée de plusieurs tas grossiers, eux-mêmes modelés par un artisan aveugle et consanguin, il arrive que l’on puisse extirper un rescapé, un corps recouvert de cette fange putride qui mérite que l’on plonge son bras jusqu’à l’épaule pour le tirer de là et s’attarder plus en détail sur sa constitution, fort différente de celle de ses cousins englués dans la même diarrhée artistique. En ôtant la putride vase de son visage, on découvre un visage étrange, qui mêle dans ses traits la pugnacité de celui qui veut s’en sortir et un je-ne-sais-quoi de sarcastique dans le regard, de provocant, qui fascine et pousse à la curiosité. Planté comme un piquet à huître dans cette boue brunâtre, le corps encore informe, la chose hurle sa différence. En écartant de son front une couche de peinture nauséabonde, on découvre un tatouage, surmontant ces yeux solidifiés dans le défi. COILGUNS

De groupe classique COILGUNS est parvenu en quelques années à groupe hors norme, s’affranchissant des barrières esthétiques et surprenant par sa volonté expérimentale les désormais habitués d’un Hardcore fasciné par le Black Metal dont il mentionne le nom en bavant sans atteindre la plénitude de son expression. Productif, hyperactif, le trio a pris son temps avant de se lancer dans le vide. "Commuters", premier pavé et première plongée en eaux troubles. Car COILGUNS s’est montré bout par bout durant ses splits et EP, mais il ne s’est encore jamais assis sur la table avec sa pétoire pour discuter de la transaction, même si "Stadia Rods" pouvait avoir un relent de De Niro face à son miroir, en tant qu’essai, démonstration de force. Non, cette fois, enfin, il se rase le crâne, se fait le mohawk, et descend bouleverser son petit monde dans la rue crasseuse.

Mais c’est ce qu’il fait croire au prime abord le faux enragé, car dès le début de son propos, il est audacieux, et se fout des convenances. Placer un morceau de onze minutes sur le tapis dans un diptyque, alors que la première partie était violente ? Rien à faire, je suis le Roi, je suis là pour prendre le trône et polissez-le d’avance je vous prie. "Commuters Part I" ? Une mise en bouche, quelques tirs à bout pourtant pour titiller la galerie qui boira mieux mes paroles après sur la seconde. On tient dès l’introduction de "Commuters" ce qui fait la puissance et la personnalité de COILGUNS : l’audace et la volonté d’aller à contre-courant. Car "Commuters Part I", s’il a tout d’une entrée en matière classique, n’est qu’un leurre qui cache la moitié du tableau : cette longue progression minimaliste, qui repose sur quelques accords inquiétants, support d’un texte réfléchi, qui pose la problématique de l’Homme moderne en mouvement constant, esclave de la technique et traître de sa condition sociale, du partage véritable et de l’échange humain : "we read through the lines that we're missing the faith/ trust our engine and drive the way that distances us from their ever setting days". Progression falsifiée par une évolution calculée, légère et mesurée, qui rappelle le meilleur de BREACH et prend la forme d’un doigt d’honneur géant lancé à l’éloge de l’immédiateté. De fait, COILGUNS prend le temps, il développe son propos et son atmosphère, ce que l’on retrouve avec "Earthians", autre morceau essentiel de l’album, qui bénéficie d’un traitement sonore recherché, d’un cheminement caractéristique de cette volonté de faire dans le détail, de partir d’une mélodie - toujours aussi fine -pour arriver à une rythmique écrasante, sans perdre l’invective du propos et le sens de la formule : " earthly pleasures of self contemplation ".

On est à des lieues d’une musique décérébrée, COILGUNS joue finement, avec précision et rigueur dans le détail, poussant l’atmosphère jusqu’au bout, quitte à prendre des risques – tout le monde ne soutiendra pas le choix du diptyque en introduction. S'il ne faut pas occulter le fait qu'on est face à des Punks, qui ont tendance à être dans le je-m'en-foutisme, on peut dire que "Commuters" est un album cohérent, construit avec pertinence, et le cœur du voyage présente le groupe entrevu sur le split avec NEVER VOID, le COILGUNS de "Zoetropist", le COILGUNS rapide et maître du riff. Le climat d’attente instauré par "Commuters Part II" est levé, il est temps de sortir la pétoire et de cesser le bavardage, il en va de la survie du Rock’n’roll. Aussi "Hypnograms" est-il la démonstration du talent des Suisses pour démonter le caisson à grands coups de riffs déstructurés, habiles et pour le coup, hypnotiques, le gaillard n’hésitant pas à décliner ses armes sous plusieurs formes ou tempos ("Machines Of Sleep", excellente). Une passion pour le riff groovy mais exigeant, qui s’accompagne d’une autre passion, celle du riff Punk, efficace et impoli, qui peut batailler sans problème avec le tout aussi dégueulasse riff Thrash sans que cela ne pose problème, dans un "Submarine Warfare Anthem" sans compromis mais au propos finalement tout aussi provocateur que les autres morceaux ("we'll ever sing the same lifelong song we'll never change a goddam word").

COILGUNS déroute toujours et remplit toujours les attentes fondées en lui. L’écriture de ses morceaux ne s’est pas simplifiée, loin de là, elle s’est plutôt fluidifiée, et tout semble naturel, précis et mathématiquement parfait, en témoigne l’un des meilleurs morceaux de l’album, "Minkowski Manhattan Distance", sorte d’entrepôt à bombes atomiques, dont la progression révèle son lot de surprises – la fin, superbe. Au-delà de cette constante audace dans la musique, la véritable surprise de "Commuters" est le chant de Louis, qui a progressé et écrase nombre de performers sur la scène actuelle. Jonglant avec aisance et maîtrise entre son Scream caractéristique et des parties Spoken Word intenses il fait montre d’une technique et d’une recherche jusque-là insoupçonnées. Plus que d’un large panel vocal, il s’agit également du placement, intéressant et réfléchi, dont la meilleure manifestation reste "Commuters Part II", aux textes déclamés et pour le coup vivants. Autre surprise de taille : la production. Si l’on savait les suisses friands d’expérimentations en tout genre (merci Jonathan), on ne pouvait supposer une recherche qui irait jusque dans le traitement interne à chaque morceau. De fait, il y a une différence de taille entre le son de "Plug-In Citizens" très FM et celui d’un "Earthians" (on peut soupçonner aussi un enregistrement à l'arrache, connaissant les bougres). Le son de la guitare est repensé à chaque instant, pour soutenir une atmosphère sans cesse mouvante d’un morceau à l’autre, que ce soit le fun botchien du premier ou l’errance suicidaire du dernier. Preuve s’il en est besoin encore, que COILGUNS est audacieux, ou complètement Punk.

Pour commenter "Commuters" il faudrait une épreuve de dissertation limitée en six heures avec comme question "Are They Earthians ?". Difficile en une chronique de bien raconter la folie qui transparaît de ce premier album, fort, borderline et déroutant. Si j’ai pu avoir un moment la peur de voir COILGUNS rejoindre la mare pestilentielle en pratiquant un Hardcore/Black Metal, voilà mes doutes écartés. COILGUNS est grand, habité, mature et fait davantage que distribuer et multiplier les parpaings, comme un Jésus joué par Stallone. C’est un groupe qui pense sa musique, l’atmosphère de ses morceaux, et qui à l’instar d’un BREACH ne cherche pas à seulement écraser et noyer l’auditeur sous un déluge technique ou des riffs efficaces mais insipides ; il prend le temps de dérouler son propos, prend des risques. Ce n’est pas encore le joyau Noise que j’attendais certes, et l’on pestera aussi sur un problème de rythme dans la globalité, sur le choix de tel ou tel placement d’un morceau atmosphérique dans l’album. Mais en fin de compte on restera respectueux devant une démarche exigeante et qui ne prend pas l’auditeur pour un commuters. C’est de l’art monsieur, un album riche, dont on sort stupéfait, et qui se résumerait ainsi : "we heard random noises and joyful laughs this scene can't be real for we're on a set this movie is our nightmare and we should wake up".

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   ISAACRUDER

 
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- Louis Jucker (chant)
- Jona Nido (guitare)
- Luc Hess (batterie)


1. Commuters Part I
2. Commuters Part Ii
3. Hypnograms
4. Machines Of Sleep
5. Plug-in Citizens
6. Submarine Warfare Anthems
7. Minkowski Manhattan Distance
8. Blunderbuss Committee
9. 21 Almonds A Day
10. Flippists/privateers
11. Earthians



             



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