J'ai eu beau retourner cette rondelle et la prendre dans tous les sens… Saaaaaaale. Je recommence.

À peine dans vos mains, certaines rondelles ne peuvent déjà s'empêcher d'émettre un certain fumet de… meeeeerde, sale aussi. Je recommence.

À l'abord de ce second opus de RAVEN WOODS, formation dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à présent, je n'ai pu m'empêcher d'émettre quelques doutes et ce, avant même d'avoir pu y jeter la moindre oreille. Jugez plutôt : d'une part un nouveau logo signé par l'artiste franco-autrichien ZenTwo - responsable l'année précédente de la réalisation visuelle si particulière de "The Never Ending Way Of ORwarriOR", le dernier ORPHANED LAND en date (2010) - et d'autre part un artwork qui ne manquait pas de m'évoquer, en mieux foutu, le 1er album de DISTORTED ("Memorial", 2006), cet autre combo israélien. Des détails qui, l'un dans l'autre, semblaient indiquer de la part de RAVEN WOODS, un évident désir de capitaliser sur des valeurs sûres, afin d'accompagner sa musique qui n'allait - à tous les coups - pas tarder à nous révéler ses doses de mélodies moyen-orientales sur fond de Metal Progressif.

Sauf que non. D'abord parce que le quartette ne nous provient non pas d'Israël mais de Turquie, sa proche voisine. Puis ensuite, car il est nulle question ici de débordements progressifs, bien au contraire, puisque les riffs vont d'emblée s'avérer sévèrement Death Metal, et ce n'est pas plus mal. C'est d'ailleurs sans doute en cela que ce combo a réussi à agréablement me surprendre et qu'au final son pari de faire des œillades aux amateurs des formations précitées se montrera concluant, pour peu que vous ne soyez pas réfractaires aux déluges sonores et aux vocaux hurlés (ce qui ne devrait normalement pas être un problème si vous appréciez réellement les débuts d'ORPHANED LAND et de DISTORTED).

Bref, revenons à nos moutons-de-la-mort. Je vous parlais de Death Metal, mais la scène demeurant très (très très) vaste, il peut donc être de bon ton de vous aiguiller sur quelques influences. Et la première qui ressort c'est, pour moi, le Death martial des deux derniers GOD DETHRONED. Et vu la force avec laquelle la formation batave sait nous retranscrire le pilonnage de Passchendaele, c'est assez peu surprenant que nos sombres volatiles soient venus y installer leurs nids dans les bois alentours. La puissance de feu développée ici par RAVEN WOODS, bien que légèrement en retrait, demeure quasi-similaire. Les Turcs, consciencieux dans les moindres détails, n'oublient bien évidemment pas leur lot de mélodies léchées propres au style. En cela, ils pourront parfois nous faire penser aux maîtres suédois de HYPOCRISY (l'incisif "Ecstasy Through Carnage") et, dans une moindre mesure, à la seconde moitié des 00s de notre pachydermique polonais de BEHEMOTH (notamment pour ces résidus Black/Death Metal). Car chez RAVEN WOODS, ça va vite, très vite et ça fait mal, très mal ! Par déflagrations successives, la batterie déboise à 800 BPM tandis que la basse, clinquante comme il faut, mitraille chaque jeune pousse, chaque once de terrain qui aurait miraculeusement été épargnée jusque là. Vocalement, ça grogne efficacement d'un timbre puissant, sec et caverneux. Sèche, la prod' l'est tout autant, renforçant ainsi le côté aride et semi-désertique du bousin.

Ici et là, quelques petits passages instrumentaux totalement Folk (la fin de "Breathless Solace", les breaks de "Torture Palace" et "Upheaven-Subterranean", l'outro "Azab-I Mukaddes" au ney prépondérant) parsèment idéalement les quarante minutes de l'œuvre, avant que celle-ci ne s'emballe de plus belle sur un riff velu, se jouant ainsi, tel un oasis salvateur, du piège du 'trop dense' en préservant l'auditeur de l'essoufflement caractéristique de fin d'album. Mais ne nous trompons pas sur le compte de ces interventions du cru, là n'est pas le leitmotiv principal du groupe qui préfère assimiler ses influences directement dans son riffing ("Torture Palace", "Stay" sans doute l'un des morceaux forts de l'album) ou via son sens aiguisé de la mélodie (gammes utilisées, soli) que dans de systématiques passages Folk. Question de choix. Après tout, tous les groupes français n'utilisent pas d'accordéons ni ne parsèment leurs skeuds de musette. Ben oui.

Pas de demi-mesure donc, sur ce conquérant "Enfeebling The Throne" à prendre tel qu'il est, défoulant et efficace. Un album homogène (même si sa première moitié semble plus brutale et vindicative, tandis que sa seconde laisse transparaître, à sa manière, une touche mélodique plus affirmée) qui constitue une bonne échappatoire à la grisaille quotidienne tout en sachant faire montre de suffisamment de qualités pour ne pas lasser ni verser dans le Death trop bas du front qui bourrine gratuitement. Une plutôt bonne surprise donc, assez personnelle même, et qui laisse envisager, pour peu que le groupe persévère dans cette voix, le meilleur pour la suite.

3,5/5.