Après les multiples retournements de situation pour NIGHTWISH l’année dernière, Tuomas Holopainen, derrière son eyeliner discret et sa bogossitude vieillie, avait encore plus d’un tour de magie dans sa besace pour créer la surprise. Qui aurait cru dix ans auparavant qu’on verrait Oncle Picsou dans le catalogue de NUCLEAR BLAST ?
Autant dire qu’avec sa petite pioche argentée, le Finlandais vient casser en partie les derniers remparts entre le monde du Metal (qui n’est plus sérieux et méchant depuis longtemps) et celui de Disney.

C’est donc le rêve du petit Tuomas qui flânait en tournant les pages de la saga "The Life And Times Of Scrooge McDuck" ("La Jeunesse de Picsou" en français) qui se matérialise après 14 ans de travail.

Quatorze années où très certainement le compositeur allait et venait sur ses notes, laissant sans doute la priorité aux albums de NIGHTWISH. D’ailleurs, peut-être Tuomas avait-il en tête la voix d’Anette lors de la composition de l’album : le timbre des deux chanteuses qu’oncle Picsou met sous son aile y ressemble fortement.

Il en ressort un album qui se passe de saturations, misant tout sur un piano omniprésent et des arrangements symphoniques devenus une seconde nature, où Tuomas met en avant l’influence de Michael NYMAN ou encore d’ENYA.

Mais "The Life And Times" ne se comporte pas totalement comme une bande originale. Il ne multiplie et ne répète pas des thèmes structurant un récit sonore, mais donne une suite de morceaux structurés de manière plus ou moins conventionnelle narrant les épisodes de l’aventure de l’avare canard. Un concept-album mettant du son sur un medium bien peu représenté, sans forcément prendre en compte la spécificité du récit dessiné. Pas facile de dire ce qu’il manquerait véritablement cependant.

Dans son défaut principal, l’album manque de points culminants et de surprises dans le songwriting, bref, de mélodies fortes. Ceci étant dit, on ne peut que se laisser aller au gré des fantasmes du compositeur, qui suivent finalement la marche entamée depuis "Once" par NIGHTWISH.

Dans ses extravagances classico-celtisantes, on se rapproche parfois du grandiose "O’Stravangazza" de Hugues DE COURSON (hautement recommandable) : c’est ce qui sauvera par exemple "Goodbye, Papa" de son début un peu méli mélo. Troy Donockley est encore l’homme de la situation, et la touche celtique semble crouler sous l’évidence comme Picsou est selon Don Rosa d’origine écossaise.
À cette quête de l’Ouest, les influences américaines ne se font ressentir qu’au son du banjo de l’enflammé "Into The West", titre qui allie tous les atouts de l’album. Dommage que plus d’influences country n’aient pas été plus présentes pour séparer encore davantage ce concept-album de NIGHTWISH.

Petite note sur "Cloudscapes And Duels", qui ajoute de manière évidente cette touche de comédie étrangère à NIGHTWISH. Tuomas s’en dépatouille avec brio (sans parler de génie), comme il avait lui-même insisté sur la nouveauté de cet élément. Peut-être aurait-on pu s’attendre à davantage de passages de ce genre compte-tenu de la source d’inspiration, mais c'est tout de même lorsque les compositions se font grandiloquentes ou nostalgiques que l'on retrouve le Finlandais dans son élément.

Et alors que "Sands Of Time" allume le briquet et tire sa petite larme, laissant le gouvernail à la voix profonde de l’Écossais Alan Reid et un doux arpège acoustique, le point final laisse les braises crépiter dans l’âtre et on se dit que, sans être extravagant, ce premier essai symphonique est en tout cas attachant.

Enfantin sans être naïf (à l’exception peut-être du single "A Lifetime Of Adventures", et encore), Disneyien dans le bon sens du terme, Tuomas valide son contrat. Dans la case des morceaux faibles on notera l’inachevé "To Be Rich" et un "Cold Heart Of The Klondike" un peu faible malgré la présence de Tony Kakko (SONATA ARTICHAUD). Mais en tout et pour tout, le fan de paysages symphoniques élaborés et féeriques s’y retrouvera, tout autant que le fan de NIGHTWISH seconde période (qui commence avec "Once", pas avec "Dark Passion Play") ou même le chevelu nostalgique dans le fond de la salle, qui rêvait encore d’une madeleine proustienne de ses lectures du dimanche au coin de la cheminée, de quand il était petit et que grand-papa n’était pas encore mort.