C'est tout de même dommage que nous autres, bons Gaulois, ayons une si faible estime de la langue de Shakespeare. C'est un fait, la France est l'un des pays les moins compétents en matière d'apprentissage de l'Anglais, peu conscientisé par la maîtrise d'une langue pourtant incontournable. Il est possible, ainsi, que l'accent franchouillard à couper au couteau du chanteur Fabrice Doussang ne choque pas certaines personnes. Tous ceux qui en revanchent ont pris le temps d'apprendre l'idiome de Bruce Dickinson risquent une petite syncope. Car si le chanteur est compétent, sa prononciation totalement à côté de la plaque des textes saborde en partie la par ailleurs très sympathique petite entreprise de Patrick BONNIFET. Pas de quoi ruiner l'album malgré tout, mais une bonne épine dans le pied qui nuit au plaisir de son écoute.

Car si l'on excepte la phonétique britannique plus que bancale, "The Jojusong Project" est un album plutôt bien construit et interprété. Issu de l'esprit de Patrick BONNIFET (ex-STEEL ANGEL), il constitue une sympathique œuvre Heavy Mélodique qui fleure bon la nostalgie des 80's. Les riffs sont rugueux et vindicatifs, les mélodies omniprésentes, les refrains fédérateurs, et le chant, écorché juste ce qu'il faut, participe à l'impact de album sauvé par son enthousiasme de tous les instants. L'ensemble transpire l'artisanat, le fait-maison, et si l'on peut sourire à l'écoute du manque de variété de la programmation de la batterie électronique, si l'on peut trouver les claviers vraiment cheap (l'intro de "Behind The Wall" notamment), on ne peut qu'être admiratif du talent de Patrick Bonnifet pour rendre les morceaux attractifs et réussis. La filiation avec ACCEPT, HELLOWEEN ou JUDAS PRIEST est évidente, et se ressent sur l'ensemble de l'opus. "Profession Of Faith", qui joue à la fois la carte de la violence et de la délicatesse, avec sa ligne de flûte bien sentie, est une pièce de bravoure qui offre à l'album son attrait, de même que la lourdeur de "Staying Free", l'enthousiasme de "Human Race" ou la relecture de "Spread Your Metal Wings", tirée du deuxième album de STEEL ANGEL, dont les sonorités à la IRON MAIDEN ne laisseront pas insensibles les amateurs de la Vierge de Fer.

Le chant, essentiellement sa prononciation, ne s'arrangeant pas au fil de l'album, on en vient à apprécier les pièces instrumentales qui émaillent l'album. "Uli Medieval Tribute", hommage au virtuose, ancien guitariste des Scorpions, Uli Jon Roth, se fait une délicate pièce inspirée, si ce n'est pour ces claviers qui sonnent comme un générique de sitcom. Sans être lui-même un grand virtuose, Patrick BONNIFET bénéficie néanmoins d'un sens inné de la mélodie qui rend ce titre véritablement sympathique. Plus énergique, "Jojusong" propose des soli un poil plus audacieux, et parvient à convaincre pleinement, se faisant un des morceaux les plus réussis de l'album.

On se retrouve ainsi bringuebalé, malmené, à l'écoute d'un album qui mêle le très bon (les mélodies, le son des guitares, l'énergie communicative) avec le très moyen (l'accent de Fabrice Doussang, l'absence de véritable batterie, le son des claviers). Ceux qui apprécient l'artisanat du Hard/Heavy 80's à la française y trouveront leur compte, mais il est certains que, malgré d'évidentes qualités, voici un album qui peinera à trouver son public. Un artiste à soutenir et à (re)découvrir néanmoins !