Le Roi Leoric est un gros con. Il n'y a qu'à voir sa gueule. Sans vouloir faire preuve de délit de faciès, ce menton prognathe, ce regard vide... tout cela ne transpire pas vraiment l'intelligence et la vivacité d'esprit. Une vraie gueule de méchant dans un épisode de Johan & Pirlouit en fait, doublée d'un esprit pas vraiment vivace. Une poche avinée quasiment en permanence, pas vraiment du genre à offrir des fleurs à sa promise avant de lui arroser la frisée, vous voyez l'image. Plutôt le chef de guerre barbare que le roi romantique à la Hamlet, voyez-vous.

Mais Leoric, pardon, sa seigneurie, a beau être une raclure irrécupérable, il reste un souverain fort compétent qui règne sur son royaume avec une main de fer. Pas vraiment enclin à perdre une bataille ou à faire mauvaise figure face à l'ennemi, il a mis au point une technique infaillible qui lui permet de sortir vainqueur de chaque affrontement. En bon chef de guerre teuton, notre bon roi a inventé, testé et approuvé la technique dite "du rouleau-compresseur". La décrire est assez simple : On avance, en rangs serrés, on brûle, on viole, on assassine, on exécute, on vole, on détruit les restes, on enterre le tout, et on défèque sur l'ensemble. L'humiliation ultime. Chier sur les restes encore fumants d'un château ennemi, a-t-on déjà vu meilleure conclusion à un affrontement ? Dire que dans les bouquins d'histoire, on a préféré retenir la pisse herbicide d'Attila... risible.

La contrepartie, forcément, c'est que la technique de tonton Léo, pardon, sa majesté, est un poil prévisible. Déjà, il faut reconnaître qu'avec nos kilos de barda à transporter (ben oui, un viol collectif ça demande un minimum de préparation), on ne se déplace pas très vite, et on a l'air un peu pataud. Et puis, certains ennemis on compris le truc, ils préfèrent saccager eux-mêmes leurs récoltes et leurs villages que de les laisser tomber entre nos mains. Sympa de penser aux copains... Bon, nous, on s'en fiche un peu. On fait notre truc, sans se soucier de ce qui peut se dire autour, et sans se préoccuper outre mesure des évolutions technologiques en matière de torture, de brutalité et de destruction immobilière. Dans tous les cas, on ne cherche pas à breveter ou à faire en sorte que la technique Leoric fasse autorité, non, on souhaite simplement se faire plaisir, en rasant de temps en temps un royaume voisin mais sans prétention, aucune, de devenir un jour les maîtres du monde. Ça ferait beaucoup trop de boulot.

Leoric, entre deux cuites, sait se faire lucide. Il sait bien qu'on est un peu dépassés, que la jeunesse nous pousse au cul, mais il préfère que l'on continue à faire de notre mieux, même à petite échelle, plutôt que de voir trop grand et se prendre une dérouillée. En bons Teutons, on bastonne de manière artisanale, et notre force de frappe a jusqu’à maintenant parfaitement paré à notre manque de surprise.

Du coup, ce Leoric, tout gros con qu'il soit, il faut bien qu'on reconnaisse qu'il n'y en a pas des centaines comme lui, capables d'abattre un boulot de cette qualité tout en restant droits dans leurs bottes, et en concluant leur raid par un bon doigt d'honneur à ceux qui ont la technique, la jeunesse et les moyens derrière eux. Et rien que pour ça, on est pas prêt de le renverser.