Bon, et si là maintenant je vous demande ce que vous pensez de la scène Metal Extrême aux Émirats Arabes Unis, vous répondez quoi ?
Que pour pratiquer ça là bas il faudrait avoir des couilles énormes. Je vais pas trop m'avancer parce que sinon une bonne centaine de communautés de tous les horizons va me tomber sur la gueule, mais sachez que je n'en pense pas moins. On va donc éviter le cours d'Histoire et les clichés pour cette fois, et se concentrer sur PERVERSION, bon gros groupe qui nous livre un Death Metal Old School réalisé avec autant de talent que de passion.

Et ce "Pillars Of The Enlightened", faisant suite à une démo (et en reprenant deux morceaux) est donc d'abord sorti indépendamment en 2012 avant d'être repris par nos amis de Blast Head Records pour une sortie physique, là tout juste maintenant fin juillet 2013. Et on peut dire tout ce qu'on veut, situation géographique, moyens ou je ne sais quoi, y'a pas à tortiller du cul pour chier droit, PERVERSION ça dézingue. Faut aussi dire qu'ils ont tout de leur côté : quand t'es mixé et masterisé par Steve Tucker en personne, c'est qu'il y a du bagage derrière. Ah ben ouais, le gars qui a réussi à encaisser MORBID ANGEL et a monté son génial projet NADER SADEK, dont il avait également géré l'aspect technique sonore, oui rien que ça. De quoi transcender l'autoproduction et la doter d'un son clair, puissant et moderne (je râlerais un peu sur la batterie, principalement la double, mais bon, ça passe encore). Et si je dis en plus qu'ils ont ouvert pour GRAVE lors de leur dernier passage à Dubaï ? Y'en a encore qui sont dubitatifs ? Si c'est le cas, vous aimez pas le Death Metal, et je vois pas pourquoi vous lisez actuellement ces mots.

Et stylistiquement ?
Bon, on va jouer au jeu des comparaisons. Quand j'écoute PERVERSION, je pense INCANTATION, mais le plus propre ayant existé, période Mike Saez. On notera d'ailleurs un chant relativement proche de ce dernier, même timbre colérique et hargneux. Sur ce Death sulfureux, on rajoute pas mal de modernité, d'autres influences qui nous viennent des États-Unis d'Atlantique, de façon à bien plus briser la nuque (le premier titre, "Aging The Unbirthed" débarquant après une intro vachement bien sentie, est assez rude, enchaînant riffs qui pilonnent sec et trémolos sombres, bonne mise en bouche) et foncer direct sans trop perdre de temps. En fait on trouve de tout dans ce "Pillars Of The Enlightened" : du riff sombre et malfaisant en trémolo picking, du gros ralentissement brise-nuque, de la moshpart bien vilaine (façon DYING FETUS) qui fait secouer la tête, concassage de tronche avec quelques rares blasts, du DEATH METAL à l'état pur, bref de quoi avoir sa dose. En de nombreux points, on pense aussi à VADER, celui des débuts, en un poil moins furieux et débridé, canalisant son énergie pour taper plus sèchement, et tirant donc sa force de son contrôle total.

Bon, y'a bien quelques exceptions à la règle (je pense au titre final, "Dementia (Of Devourment)" qui part en Thrash frénétique et tranche donc pas mal avec le reste), mais globalement c'est du carré de chez carré qui sait ce qu'il fait. Cet aspect pourra en déranger certains, chez qui le Death dans sa version Old School se doit d'être totalement furieux et de donner des coups de poing dans tous les sens, mais quand ce genre de formule fonctionne à plein régime, notamment avec le tube de l'album "The Great Deception", qu'on comprend pourquoi c'est elle qui a été choisie pour le clip (ce riff d'intro, ce break à la double, cette moshpart qui sort de nulle part et détruit quand même tout...), ça laisse des traces. Et c'est pratiquement toujours le cas ici, bien que les compositions ne respirent pas franchement la variété et se contentent de renfermer le même type de passages mais flanqués dans un ordre différent. Bon allez, des fois ça accélère un peu plus comme sur le monolithe "Subconscious Mutation" (qui n'est du coup pas franchement le titre le plus intéressant de l'album) mais une certaine linéarité s'installe un peu. Mais pas trop non plus, la qualité des riffs faisant souvent relever la tête.

Donc pour résumer, ce "Pillars Of The Enlightened" est solide. On peut aussi mentionner pas mal de soli mélodiques dans les règles de l'art, apportant davantage une ambiance, qui viennent compléter le cahier des charges. Mais c'est justement là que se situe le gros défaut : on a de tout, c'est bien branlé, carré, rien à côté, la production pète, y'a du riff qui ivôle ta tronche, d'autres qui te lattent la gueule, ça headbangue, ça ralentit, ça accélère, ça blaste... Mais malgré ça, ça ne fait pas toujours l'effet escompté. Au fur et à mesure que les morceaux défilent, on trippe moins, on décroche. Trop scolaire peut-être ? Trop cadré, trop sage, trop propre ? Là où un gros débordement de furie Old School aurait transcendé le tout et explosé les murs, avec le même matériel joué de manière moins sérieuse et plus spontanée, là en l'état on se dit continuellement "hey, c'est super bien tout ça, j'aime beaucoup ce que j'entends, les riffs sont cools, ils sont doués" mais on n'a jamais envie de bouger. C'est donc avec pas mal de rage que je note cet album, avec un pauvre 3/5 qui enfonce un travail de composition colossal et un talent évident, le privant des milliards de lectures des gens qui ne cliqueront pas sur la chronique parce qu'il manque des points et que la pochette est quelconque. Mais bon, un groupe majeur aurait sorti le même matos j'aurais pas mis plus, alors on va pas commencer à faire du favoritisme géographique et on s'arrête là.

معدن من يضحك الموت : Il y a totalement de quoi faire un album génial là dedans. Condensé de gros Death Old School Moderne à l'état pur. Manque juste une étincelle en plus...