"888 Metal" avait tout pour plaire. Beaucoup se seront d'ailleurs laissés impressionner par le charme gris de la pochette sobrement crasseuse, par l'exotisme du groupe et l’obscurité qui l’entoure. Euronymous, notre prince des morts préférés, y crut si fort que peu de temps après la sortie de l’album il écrivit une lettre au groupe en déclarant que monsieur Piolin était "le guitariste Death Metal le plus important du monde" !
Synthétisons : un duo colombien de Black/Thrash des années 80 que le guitariste le plus important du Black Metal déclare porteur du plus grand guitariste du monde.

De quoi faire mouiller bien des culottes. Et pas forcément à tord…
En réalité avec ce genre d’albums c’est souvent tout ou rien : soit la bouse infâme sertie par une production made in WC (voire NECROBUTCHER) soit le chef d’œuvre secret aux compositions jouissives (voire MEFISTO).
Mais il est vrai que pour ce genre de joyau, je suis un peu comme Indiana Jones réengageant Spielberg (réalisateur de la célèbre comédie "La Liste de Schindler") malgré le viol infligé dans le quatrième opus (voire South Park). En somme, je persiste, ça me fait souvent mal au cul, mais on sait jamais que j’y prenne un certain plaisir…

Sur le fond, REENCARNACION n’est pas tellement différent de ses deux autres compatriotes orduriers, les sobrement nommés BLASFEMIA et PARABELLUM : Du Black/Death/Thrash vachement straight-forward, teinté d’une folie pouvant générer des audaces musicales assez épatantes. Pour le coup, il y a du violon dans REENCARNACION, usage réussi attribuant un caractère délicieusement morbide à certains morceaux. Ajoutez à cela des solos de guitare bien psycho, souvent maîtrisés mais souvent hors contexte et vous avez un vrai album de Black colombien période primitive.
Donc du Black exotique avec du violon, plutôt pas mal donc ? Pas vraiment en fait… Car REENCARNACION souffre continuellement de la comparaison avec ses deux furieux contemporains qui l’exterminent à toutes les sauces sur tous les aspects.

Le coté expérimental et distordu se retrouve de façon mille fois plus convaincante chez PARABELLUM (on en reparlera bientôt), pareil pour l’esthétique Black Metal beaucoup plus prononcée : les anges grimés de "Sacrilegio" sont bien plus classe que la sorcière gribouillée de "888 Metal".
Coté brutalité c’est BLASFEMIA qui l’emporte, pas de doutes possibles là-dessus. REENCARNACION est bien plus pantouflard dans son genre, avec sa grosse voix qui fleure bien l'influence gros Death, question de goût sans doute, mais je préfère les airs de SARCOFAGO trimbalés par BLASFEMIA.

Bilan pas très glorieux pour un album que l’on qualifiera d’assez anecdotique, souffrant d’être né à une époque très florissante pour le Metal extrême et de faire pâle figure face à ses contemporains (que ça soit en Colombie, au Brésil ou n’importe où ailleurs). Si Euronymous a internet en enfer, je lui passe un petit message : monsieur Piolin n’est pas le guitariste le plus important du Metal extrême ! Le meilleur candidat à ce titre se nomme Omar Ahmed et jouait dans MEFISTO.

Ce vieil album de vieux Black/Death n’intéressera que les intéressés qui qualifieront ce disque d’essentiel pour la collection de Metal extrême. Oui mais ça s’arrête là !