Émergeant en 1990 en pleine résurrection du Black Metal, BESTIAL SUMMONING est probablement le groupe le plus emblématique de cette seconde vague, malgré le fait qu’il soit toujours resté dans l’ombre de ses cadets norvégiens. Parier sur le Black Metal à une époque où il n’existait plus (ou pas encore) constituait une réelle prise de risque, et des quelques albums à avoir été enregistrés avant ou aux alentours de "A Blaze In The Northern Sky", peu parviennent réellement à convaincre. BLASPHEMY et SAMAEL furent les deux titans avant-gardistes, dévastant sans pitié le monde et les limites de l’extrême, l’un par la force brute, l’autre par la malice. Les premiers BEHERIT et ROOT n’ont jamais fait l’unanimité, SEXTRASH était juste un retardataire de la génération précédente et malgré ses nombreuses qualités "Wicca" de MYSTIFIER restera toujours dans l’ombre de leur second méfait "Goetia".

Dans cette effervescence pré-socratique, BESTIAL SUMMONING apparaît comme la manifestation la plus primitive de la naïveté satanique de l’époque. Venu de Hollande, cette entité singulière n’aura jamais eu que le Black Metal comme but ultime dans sa courte existence. Mais quel amour manifesté pour lui, quelle dévotion accordée à son culte ! Les membres de BS contribuèrent à établir un véritable réseau autour du Black Metal renaissant, créant avec de nombreux autres acteurs du monde entier une scène gigantesque reliant multiples pays comme le Canada, la Grèce, la Norvège, le Japon ou même Singapour !
Au milieu de tout ça, "The Dark War Has Begun" sortit en 1992 et son titre explicite déclara officiellement la suprématie du Black sur tous les autres genres.

À quoi peut donc ressembler la musique d’un groupe aussi profondément inscrit dans l’histoire du Metal Noir ? À une succession de décharges Black metalliques toutes plus électrifiées les unes que les autres. C’est que BESTIAL SUMMONING n’ayant que le Black et ses croyances comme moteur, décide d’aller à l’essentiel, de se priver de basse (après tout, à quoi ça sert une basse ?), d’écrire quelques bouts de paroles et d’improviser leur musique !
Un peu comme ABRUPTUM, qui avait tout de même l’excuse du dispositif rituel, le trio infernal se lance dans un enregistrement expéditif (le studio est coûteux et le temps manque) improvisant un des albums les plus ravagés de l’histoire.

On pourrait s’attendre à une bouillie sonore minimaliste, mais il n’en est rien... ou presque. Nos trois furieux semblent véritablement possédés et font preuve d’une vitesse d’exécution et d’une efficacité hors du commun. Le titre "Victory Is Ours" introduit un album guerrier, impitoyable et d’une simplicité effrayante, imposant une recette crue et froide pour tous les morceaux à suivre. On trouve donc du BLASPHEMY, du SADISTIK EXEKUTION et surtout beaucoup de haine dans la musique de BS. Les riffs sont supersoniques, la batterie complètement déconcertante et la voix de "The Unsane" est simplement affreuse, bestiale, incontrôlable. À certains instants particulièrement tendus, on croirait vraiment entendre une armée de ghoules sanguinaires, venues sur Terre pour brûler les églises et sodomiser le christ.

"The Dark War Has Begun" possède bien sûr une pléiade de défauts : extrêmement monotone, éprouvant pour les nerfs et pour la tête, brouillon au possible… Mais ces 37 minutes de Black condensé sont porteuses d’un charme indescriptible, d’une force inaltérée depuis 20 ans, d’une secrète brutalité qui aujourd’hui semble perdue…

Cette vision si primitive du Black en fera fuir plus d’un, mais "The Dark War Has Begun" reste un point de départ historique pour le Black, avec son esthétique sale, son absence de compromis artistique et ce joli morceau, "I Am Home", dédié à Dead, le suicidé chanteur de MAYHEM.
La musique de BESTIAL SUMMONING me rappelle beaucoup celle de NME, dont elle partage les couleurs : le noir et blanc de l’asile. Deux albums plein de folie, inaudibles, éprouvants mais uniques en leurs genres, dont les voix respectives nourrissent les cauchemars depuis bien longtemps.

"The Dark War Has Begun" est sorti en 1992, uniquement en vinyle et limité à 1000 exemplaires. Le groupe disparaîtra très vite après un 45 tours live tout aussi agressif, laissant la place au Black Metal nouveau, qui ne retrouvera que très rarement cette dégénérescence originelle. Le label "Supremacy Through Intolerance" a réédité l’album en vinyle et cd l’année passée, le rendant de nouveau accessible aux chercheurs de bruits. Un album embryonnaire que tous les vrais amateurs de Black se doivent d’écouter, histoire de constater ce que le genre avait dans le ventre avant son accouchement.