Ne connaissant alors que la face originelle de la formation norvégienne, je posais deux oreilles très curieuses sur un nouvel album dont on me vantait les mérites, l'avant-gardisme et la beauté de certains passages. Je me suis rendu compte, il y a peu, que ce "Isa" était effectivement une très belle pièce musicale, propice au rêve. D'une grande homogénéité, "Isa" se pare de mélodies globalement entraînantes, ne rentre pas dans le complexe mais manie les rythmes avec une efficacité à tomber par terre.
Laissant de côté un "Secrets of the Flesh" plus faible, je me concentrais sur un reste qui me charmait dès les premières écoutes. L'intérêt naissant si tôt, je savais que je finirai par en être fou. Et c'est ainsi. Je suis devenu fou d'"Isa", fou de "Violet Dawning", fou de "Reogenesis", fou. Musique a priori froide, guitares glaçantes, acérées mais peu saturées, mais envoûtante. Sans aucun mal on adhère à cette escapade figée et stellaire, mariage d'une terre immobilisée par la neige sous un ciel noir, pur, entièrement étoilé. De bout en bout, un son scintillant et froid s'agrège tant et si bien qu'il finit par générer une orbe de glace, transcendant l'auditeur. Leur musique le bloque en premier lieu dans ces couplets prenants, puis le libère littéralement hagard pendant d'incroyables montées en puissance.
On s'aventure petit à petit loin de la civilisation, sentant un "Lunar Force" plus personnel et plus black-metal vous ouvrir le chemin, mais les formes plus chaleureuses et plus courantes échappent finalement à la vue. Délire de glace, chant rauque, blizzard, chaque souffle s'accompagne du clignotement des naines blanches se moquant de notre taille et d'un chant clair assez imposant, nous rappelant notre insignifiance. Et puis, on démarre la dernière ascension sous un manteau de brume enveloppant une planète entière, sous une pression atroce, difficile marche où l'on préfère ne regarder que devant soi. "Reogenesis" nous fait progressivement comprendre qu'on approche d'un sommet, froid et nuit s'accouplent, c'est toute une atmosphère qui disparaît, toute une couche de molécules qui quitte la masse rocheuse, laissant à l'auditeur le spectacle d'une nuit multicolore, gelée, la vue de planètes, de la Lune et des étoiles qui jouent, d'une aurore boréale peut-être s'il se trouve suffisamment près du plus haut parallèle.
Incroyable. "Reogenesis" est époustouflant. Une apothéose dont on émerge que très lentement. On conclut sur le talent des norvégiens, l'originalité de leur musique extrême et touchante. Pas compliquée, mais ce son, ce son ! L'espace, le froid. "Isa" est abstrait, et il séduira l'amateur d'évasions. J'en suis bon sang, j'en suis ! Et comme Ovomaltine, j'y retourne.
