RAGE AGAINST THE MACHINE : EVIL EMPIRE (1996)

"Evil Empire" sortit en l'an de grâce 1996, période bénie par la sortie notamment du chef-d'oeuvre de Marilyn Manson, "Antichrist Superstar". Le groupe était en position délicate, 4 ans plutôt, ils sortirent le magistral éponyme... Ils devaient prouver qu'ils en avaient dans le ventre.

La presse fut mitigée et pour beaucoup de fans, ce fut une douche froide, posons le truc plat, voulez-vous. Treize ans ont passé, je pense que l'on peut à présent, posez une oreille objective sur cet album.

A première vue, l'ensemble est moins attrayant que l'album de 92... Cette pochette quoi, elle est vraiment horrible, je ne vois pas comment la décrire autrement. Mais elle a une certaine signification historique, j'y reviendrai.
Et pourtant, je crois que jamais le groupe n'a autant groové que sur ce disque.

Si le premier album était (niveau musiciens et non chanteur) l'album à Morello, "Evil Empire" est l'album de la section rythmique. C'est du solide, du vrai, du béton armé... C'est tout simplement invincible. Cette section rythmique se dresse devant vous tel un mur gigantesque et vous empêche de passer! C'est ahurissant, jamais je n'avais entendu ça et plus jamais je ne l'entendrai!

Malheureusement, la production n'est pas du tout à la hauteur de cette section rythmique. Tout le long du disque, j'ai la fâcheuse impression qu'un duel se livre entre la section rythmique et la prod' et, ô malheur, que la prod' perd.

Elle manque singulièrement de puissance, elle est faible, mollassonne et autant le dire, plate. Et pour ne rien arranger, le groupe a mûri... Les compositions deviennent complexes et difficiles d'accès et Zack de la Rocha crie moins qu'avant. Les fans de cris vindicatifs et révoltés seront un peu désorienté, ils n'ont réellement que le refrain de "Revolver" (qui est au moins aussi bon que celui de "killing In The Name").

Mais ce que le groupe perd en violence, il le gagne en ambiance. De ce côté là, rien à dire, les ambiances sont maîtrisés et me rappellent l'horreur de la tuerie de Columbine qui aura lieu 3 ans plus tard. Prenons pour exemple la ligne de basse de "Revolver", elle est glauquissime, en train d'attendre son heure pour crier son désespoir et sa haine de la société qui l'opprime.

Dirigeons-nous, si vous le voulez bien, vers les paroles... Comme vous le savez, elles font partie intégrantes de la musique de RAGE AGAINST THE MACHINE. Et cela n'a rien changé... de rage contre la machine le groupe passe à l'empire du mal, toujours en désignant les États-Unis. Quand je parlerai de la pochette, on reviendra sur ce titre. Les paroles sont encore une fois contre le système oppressant des USA alors dirigé par le démocrate Bill Clinton. M'enfin, j'ai presque envie de dire que là, ils y vont peut-être un peu fort. Bill Clinton comparé à un Nixon où à un Reagan, ça va.

Mais je crois bien que, justement, ils s'en prennent plus à Reagan! Par exemple, la chanson "Tire Me" (ligne de basse hallucinante et quels effets !) célèbre la mort de Richard Nixon (qui, quoiqu'on dise, est resté un génie politique, en tout cas pour moi) "Year Of Tha Boomerang" parle du camp de concentration (devrais-je dire d'extermination) Dachau, lieu tristement célèbre.
Vous l'aurez compris, encore une fois, Zack de la Rocha ne fait en aucune façon dans la dentelle et y va, cette fois-ci, à grands coups de suggestions.

Ce qui m'amène à la pochette... Vous êtes en train de vous demander pourquoi je m'attarde sur une telle horreur. La raison en est simple, "Evil Empire" est en fait le nom que donnait Reagan à l'ex-URSS (URSS formé en 1922 suite à la guerre civile dévastatrice de 1918-1921 opposant les Rouges à l'Armée blanche, rappelons la victoire des Rouges notamment grâce aux réquisitions à outrance).

Propos de Zack de la Rocha: « Vers la fin de la Guerre froide, le gouvernement de Reagan a constamment essayé de nourrir la crainte dans l'opinion publique américaine, en qualifiant l'Union Soviétique d'Empire du Mal. D'une certaine façon, il se jetait lui-même la pierre car les États-Unis ont commis au XXème siècle. » Voilà d'où vient le titre du disque et cet espèce de super-héros typiquement américain est là pour dire quel est le vrai empire du mal où plutôt celui qui succède à l'URSS. Même ici, tout est dans la suggestion...

Certains déplorent encore l'absence de Tom Morello, qu'on entend à vrai dire pas beaucoup ici. En fait, il est plus là pour soutenir la section rythmique. Néanmoins, on retrouve ces soli si reconnaissables sur les excellents "Bulls On The Road" ou "Vietnow". Il est pas totalement absent. Zack de la Rocha crie moins, c'est un fait, mais il sait quand il doit y aller. Le refrain de "Revolver" (morceau qui est mon préféré) est carrément dantesque et c'est moi qui vous le dit.

"Evil Empire" n'est pas mauvais comme beaucoup veulent bien le dire... C'est juste un album composé durant une période de froid, voici pourquoi l'album reste aussi complexe, sombre et glauque. J'insiste là-dessus. "Revolver" est carrément malsain. Après, je pense que les compositions de cet album conviennent mieux au format live, car l'énergie qui s'en dégage reste infiniment plus intense qu'en studio (peut-être qu'avec une meilleure prod'...).

Malheureusement, une production assez plate empêche l'album de réellement décoller. Si j'étais en mode subjectif, je crierai au chef-d'oeuvre. Là, je suis branché en mode objectif et même si j'avoue qu'il reste mon préféré (aucune composition faible, complexe, travaillée et section rythmique hallucinante), je dois bien avouer que "Battle of LA" et "RATM" sont meilleurs.

Néanmoins, plongez-vous dedans avec intêret... Il reste un indispensable à toute cdthèque qui se respecte et n'oubliez pas... personne n'est à l'abri de l'empire du mal.