Si la folie avait un son, elle se serait sans doute estampillée SILENCER Productions. Qui mieux que ce groupe maladif sonde la désertion complète des sens et la perte de contact avec la réalité ? Nattramn et sa voix de damné si proche du point de rupture, timbrée de déchirements terribles et oppressants, rend compte de ce carnage personnel. Ce Black Metal Dépressif est du plus bel effet et son côté ultime, jusqu’au-boutiste jusqu’à l’intérieur de ses viscères, étripe tout sur son passage. Glacial, sanguinolent, oppressant, "Death Pierce Me" est l’œuvre majeure de ce courant, aux côtés de quelques autres frères de sang et d’aliénation (ANTI, APATI, PSYCHONAUT 4, VERGE, BETHLEHEM, DEINONYCHUS, LIFELOVER, SHINING…).

Les plus folles rumeurs aussi débecquetantes que racoleuses auront circulé et circuleront sur le compte de ce groupe, la soi-disant folle personnalité de Nattramn, les mutilations, les internements et d’autres monstruosités plus sordides encore ont été relayé par de grosses merdes peu scrupuleuses. Du reste, vous êtes agréable lecteur, vous comme moi, bien au-dessus de ce paquet de fientes et votre seule lecture est portée par l’amour de l’extrême, des sensations que le Black Metal vous procure depuis que vous avez pactisé avec lui pour l’éternité n’est-ce pas ? Faites-vous partie des voyeurs, de cette foule guidée par les larmes et le sang ? Je vous taquine, nous savons tous qu’en tant que superprédateurs, nos envies irrépressibles de voir la violence, les morts ne sont que des symptômes instinctuels de notre besoin de domination.

SILENCER c’est l’enfer de l’être d’être au monde, d’avoir été accouché et de composer avec le vivant, avec l’existant, avec l’inné. C’est la douleur et son insupportable, la rage et son étouffement, le sentiment de ruine glissant à l’appétit des sables mouvants de la vie. Avez-vous regardé cette pochette d’album, n’avez-vous pas vu que le Je est plusieurs, qu’il s’absorbe et se duplique, qu’il se perd et se reforme, qu’il n’est plus rien et devient tout ? Croyez-vous que SILENCER pose, joue une pièce ? Ou est-il authentiquement sombrement dégénéré ? La vérité, comme souvent joindra les deux rives, mais la musique de "Death Pierce Me" est hautement émouvante, elle berce les cadavres et drague des sentiments hostiles et corrosifs. Si l’on se concentre sur les parties instrumentales de l’album, j’ose dire que les guitares de Leere bouclent des riffs engageants et acerbes. Elles se dressent comme un beau mur sonore nourri de reverb pour gagner quelques hauteurs davantage respirables. En cela je veux vous indiquer que l’inspiration est au rendez-vous et qu’elle se délecte d’accompagner chaque titre vers les tréfonds mauvais de SILENCER. Chacun d’eux s’anime par l’intermédiaire des rythmes furieux ou larvés que la voix écorchée de Nattramn emporte outre mesure. "Death Pierce Me" est habité d’une multitude de démons qui s’immisceront dans votre encéphale pour tordre en vous vos dernières neurones récalcitrantes. Écoutez les trois premiers titres, "Death Pierce Me", "Sterile Nails And Thunderbowels", "Taklamakan" et si vous sentez le besoin d’avoir une halte elle sera bienvenue avec l’introduction de "The Slow Kill In The Cold", mais sachez que cela repartira de plus belle assez rapidement. Surtout n’oubliez pas d’omettre la fonction répétition de votre système d’écoute moyennant quoi vous risquez de vous transformer comme un être d’épouvante à l’instar de ceux du film "Begotten" de Edmund Elias Merhige ou tout simplement d’y prendre goût.

L’histoire retiendra cet album comme une œuvre extrême, possédée mais inspirée. SILENCER sera toujours cité comme l’un des groupes les plus dérangeants qu’il ait existé. Enfanter de pareils diables est un cadeau sans nom pour tous les amateurs de Black Metal. L’enfer n’existe pas, l’enfer c’est Nous et SILENCER est une fierté. Peu importe ce que sont devenus Natramn et Leere, au fond de leurs exils respectifs, ils ont l’honneur d’avoir apporté à la scène une œuvre inégalable que la postérité accueillera.