C'est en 1992 que le Groove Metal commence à devenir un véritable phénomène. Certes, le "Cowboys From Hell" de PANTERA avait déjà jeté un pavé dans la mare deux ans plus tôt et, dans la foulée, l'encore très Thrash premier album d'EXHORDER, "Slaughter In The Vatican" était venu claquer taloche sur taloche à des auditeurs qui ne s'attendaient sans doute pas à un mélange des genres - Thrash, Crossover, Groove - aussi détonant. Mais ça n'est qu'avec les sorties coup sur coup de "Vulgar Display Of Power", aujourd'hui encore l'album le plus acclamé des Texans, et de "The Law", deuxième opus des Louisianais, que le Groove Metal prit définitivement son essor.

Il est toutefois remarquable, et déplorable, que ce qui fut une rampe de lancement pour PANTERA se transforme en bande d'arrêt d'urgence pour EXHORDER. Parce que deux ans après ces deux disques, le premier sortait son plus gros succès en carrière, "Far Beyond Driven", et le second… Se séparait sans autre forme de procès. Laissant ainsi l'opportunité à des artistes qui regardaient le genre grandir de loin prendre la place laissée vacante et sortir ses albums tonitruants. Ainsi Robb Flynn qui, après avoir mis fin à l'aventure VIO-LENCE, déboula en 1994 avec cette tuerie définitive qu'est "Burn My Eyes", connaissant un succès qu'EXHORDER aurait bien mérité avec son deuxième longue durée, "The Law".

Si le seul membre restant de la formation d'origine à ce jour, Kyle Thomas, reconnaît que le quartette n'était pas suffisamment bosseur pour dépasser le semi-échec (ou semi-succès, c'est selon) de "The Law" sur le plan commercial, malgré le soutien de Roadrunner Records, et que des divergences artistiques ont poussé au split, force est de constater que l'album a toujours eu les faveurs de la critique. Et à raison. Mille fois raison, même. Parce qu'il est encore plus intéressant que "Slaughter In The Vatican", ce deuxième album studio. Alors que le premier L.P. affichait une variété étonnante dans le Thrash (Thrash pur et dur, Crossover et bien sûr Groove Metal), "The Law", tout en enfonçant le clou Groove, se montre encore plus divers. Et pour le meilleur !

J'en veux pour preuve "Un-Born Again" et son côté hyper Funk (la mode au mélange Metal et Funk étant alors à son apogée), avec ses parties de basse tout en slapping exécutées par l'invité Frankie Sparcello, et sa rythmique dansante. Un morceau inattendu sur un tel disque et pourtant, il enrichit considérablement la palette déjà large affichée par EXHORDER. Autre exemple de cette diversité remarquable dans la musique des Louisianais : le presque Sludge "Into The Void", reprise de BLACK SABBATH grasse comme pas deux et néanmoins capable d'accélérations soudaines. Une cover pleinement réussie, de mon point de vue, tout à l'honneur du groupe et qui ne brise en rien le flot d'un album de toute façon diversifié, même si l'on s'en tient aux morceaux les plus ouvertement Groove et Thrash.

Oui, Thrash, EXHORDER le reste encore très souvent, et de façon efficace, comme peuvent le démontrer des titres tels que le bref "The Truth", lancé comme une balle avant de démontrer l'entière maîtrise du Groove qu'affiche le groupe. Idem pour l'instrumental "Incontinence", tantôt furieux et galopant, tantôt lourd et gras, qui oscille entre Thrash véloce et Groove aux tendances Sludge et qui brille par son sens de l'équilibre et de l'efficacité. Le puissant "Unforgiven", sans concession, affiche lui aussi un visage très (très) Thrash sur ses passages les plus rapides et sa pointe de Groove Metal affirmée ainsi que son atmosphère menaçante évoquent spontanément le Metal que jouera LAMB OF GOD quelques années plus tard.

Mais lorsqu'il s'agit de parler de Groove Metal pur et simple, si tant est que l'on puisse qualifier le genre de pur et de simple, ce deuxième album d'EXHORDER se montre à la hauteur de la concurrence texane. En témoignent les excellents "Soul Search Me" et "I Am The Cross", avec leurs rythmiques typiques du genre, plus syncopées qu'il n'est de coutume dans le Thrash, leur tempo plus mesuré et la graisse saillante des guitares. Quant au morceau-titre, il est un véritable porte-étendard du Groove Metal et ses paroles, qui conservent l'esprit anticlérical du premier album, sont bien senties... Et bien interprétées ! J'en oublierais presque, en effet, d'évoquer le rôle primordial de Kyle Thomas au micro, dont la voix colle parfaitement au genre musical pratiqué, dans un registre un peu moins belliqueux que celui de Phil Anselmo, mais plein d'agressivité tout de même.

Oh, bien sûr, on peut toujours déplorer quelques détails chez EXHORDER, qui n'en sont pas pour un certain auditoire. Notamment ces soli de guitare rarement marquants, Vinnie LaBella et Jay Ceravolo ne brillant pas particulièrement dans le domaine, ce qui fait qu'aucun de leurs éclairs solistes ne reste en mémoire. On peut aussi regretter que les riffs, bien que plus mémorisables que ceux de "Slaughter In The Vatican", ne soient pas encore à mettre au panthéon du Metal. Mais il n'empêche, c'est toujours en matière de composition, d'énergie, de dynamique et de lourdeur qu'EXHORDER emporte le morceau. En 1992, PANTERA avait donc réellement un challenger sur la scène Groove Metal, avant qu'il ne finisse considéré comme l'unique et éternelle figure de proue d'un genre dont sa musique constitue l'archétype.