De l'audace. De la classe. Du génie ? C'est tout cela qu'exsude "So It Goes", deuxième album de DEMONIAC, le genre de petits miracles qui n'arrive qu'une fois par carrière à un petit nombre d'artistes et qui n'arrive jamais dans celle de la plupart des autres. Enfin, parler de miracle est toutefois malvenu pour évoquer ce disque, et carrément malpoli pour décrire la performance du groupe de (Blackened) Thrash chilien. Parce que si "So It Goes" est quasi parfait, c'est entièrement du fait de la qualité des musiciens du combo. Le niveau instrumental des gaillards est tout bonnement ahurissant.

Il faut entendre Nicolas Young et Javier Ortiz enchaîner des riffs de tueurs chacun plus rapide que l'autre alors qu'on ne pensait pas cela possible quelques secondes plus tôt. La vélocité des deux guitaristes, tout en restant hyper carrés, est bluffante et le pouvoir d'accroche de chaque riff de cet album, ou presque, est dingue. Fulgurant, du haut de ses 3'42, "The Trap" est un condensé du pouvoir riffesque qui est le leur et démontre qu'il est possible de faire se rejoindre Thrash Bay Area et Thrash teuton sans que cela paraisse incongru. Parce que "So It Goes" est un L.P. qui abat bon nombre de barrières en matière de Thrash Metal.

Cela va au-delà de l'omniprésence de la basse de l'excellent Vicente Pereira, dont les cavalcades enrichissent chacun des cinq titres de l'album et rappellent sans mal les meilleurs quatre-cordistes de la New Wave Of British Heavy Metal, Steve Harris en tête. Mais ce ne sont pas que des barrières géographiques que DEMONIAC fait tomber, ici. Ce sont des barrières de genre tout entiers. La clarinette de ce faux interlude mais vrai morceau qu'est "Extraviado", en plus d'annoncer sa présence sur le morceau-titre et ses quasi vingt minutes, prouve avec un feeling monstre que Jazz et Metal peuvent vraiment faire bon ménage, et ce, sans être aussi prétentieux qu'un SHINING sur son "Blackjazz".

C'est parce que le niveau académique des membres du quartette est aussi élevé que leur ouverture d'esprit est large qu'ils parviennent à mêler de manière aussi éclatante leurs diverses influences. "So It Goes" est un album composé de bout en bout qui pourrait très bien être interprété par bien plus qu'un groupe de Metal. Il suffit de fermer les yeux pour imaginer un orchestre en jouer les morceaux. Rien, absolument rien n'y est laissé au hasard et Metal, Néoclassique et Jazz évoluent dans une harmonie inédite. C'est ce qui fait des trois mouvements de "RSV - Fool's Coincidence - Testigo" un mariage parfait.

C'est aussi ce qui fait du dantesque "Equilibrio Fatal" une explosion ultime de Thrash où les leads néoclassiques s'enchaînent de façon époustouflante sur plus d'une minute trente sur le final du morceau, générant ainsi une tempête d'émotions extraordinairement fortes. À faire dresser les poils ! C'est, enfin, ce qui fait de cette pièce au long cours qu'est "So It Goes" un sommet de Thrash Progressif qui n'abandonne jamais l'agressivité du premier à l'ambition du second. Là encore, tous les mouvements sont imbriqués avec une application absolue et la fureur de la première moitié, fondamentalement Metal, fait place à une explosion d'inspirations diverses, notamment hors Metal, qui font mouche presque à chaque fois.

Cette compo maousse qui pèse la moitié de l'album tout entier est ainsi tout sauf indigeste et le premier sentiment qui naît de sa dernière note est l'envie de se repasser le disque en boucle. Encore et encore.