BLINDNESS. Vous vous dites que vous avez déjà vu ce nom quelque part... Et c'est normal parce qu'il fait qu'un seul mot et il semble par ailleurs assez commun pour un nom de groupe Metallique. A tel point qu'on s'étonne vachement qu'il n'ait pas déjà été pris avant en 40 exemplaires.
Et donc, tout ça pour dire qu'on accueille ici à bras ouverts un super-groupe Franchouillard, avec des membres de CALCIFERUM, SHINDO et INHUMATE dedans. Qui fait du... Alors, on jette un œil aux titres, à la pochette... Dark Metalcore Dépressif Brutal Emo. J'ai bon ?
Non. Pas du tout. Vous laissez pas avoir par cet artwork énigmatique au concept appréciable mais au goût douteux (bien que le digipack complet soit des plus agréables), on a bien du bon gros Death Metal à tendance mélodique bien influencé par HYPOCRISY. Oh que oui que ça fait zizir.

Il semblerait que la scène Death Mélo française se porte assez bien en ce moment, si on jette un œil aux dires de Jeff Kanji. Et c'est clairement pas ce "Sca(r)red" qui va y changer quelque chose, car soyons clairs : ça déglingue. C'est peut-être pas le truc le plus personnel que j'ai jamais entendu, mais ça poutre. Et en plus ça arrache.
Déjà faut faire les présentations, parce que c'est un album concept. Oh oui, un vrai de vrai, avec une thématique pleine de mecs en costard qui se font mal et tout. En gros, le principe est de prendre un personnage à qui il arrive absolument tout ce qu'on peut imaginer de pire et se mettre dans sa tête. Ressentir la rage, l'oppression, toussa. C'est pas joyeux hein. Et on retrace ses sentiments via les 13 morceaux de cet opus, ça parle de folie, suicide, meurtre. Et c'est mis en musique avec toute la retenue qu'on peut imaginer.

Parce que c'est pas parce qu'on parle de Death Mélo que c'est bourré de leads étoilées et de synthés dans tous les sens, non. Ici, c'est sombre, rouge terne. Le son des guitares est gras, en bonne grosse production suédoise moderne, puissant, propre mais saturé à mort et plombé, tout ça pour soutenir une musique faste, véloce avec la grosse masse de blasts et de concassages à la double. Et le tout porté par un excellent duo de voix entre growls bien coffrés et hurlements psychotiques au fond de la salle.
Après... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de démarrer par ce "Red Dust" des plus ternes, mettant une plombe à décoller après un riff saccadé chiant comme la mort, de très, très très loin le moins bon morceau de l'album. Assez bizarre de saboter l'écoute à ce point en décourageant les curieux par une entame plate. Heureusement que "The Dream" est là pour remettre les pendules à l'heure, instaurant un souffle épique qui ne nous lâchera plus via des riffs simples et un refrain brise-nuque.

Par la suite de la lecture de l'opus, une chose marque : l'aisance totale du groupe quand il s'agit de bourrer et déboîter à mort. On a certes un bon gros morceau mid-tempo à l'atmosphère triste qui nous renvoie en plein milieu de "The Arrival" (oui, HYPOCRISY, j'ai pas dis qu'on en était méga proche pour rien) en piste 6, mais les énormes tueries en présence sont plutôt identifiées dans les élans brutaux qui sont loin de manquer. Entre "My Own Romance" et sa partie centrale d'une intensité bluffante, ou encore les deux plus grosses perles de l'album à mes oreilles, l'hymne "Haunted", véritable rouleau compresseur, et la décharge "I Just Met The Devil"... Tout ça de par un niveau technique sans faille bien que très peu démonstratif. Pas de prise de tête, on bourre à fond avec tout ce qu'il faut de riffs mémorables et/ou ravageurs, le tour est joué et l'auditeur terrassé.

Après, c'est justement par zèle que ça finit par pécher un peu. Tout sonne très pro, le son brutal mais propre sur lui, les excès de rage totalement contrôlés, les leads de guitare sombre, les bons gros riffs qui feraient headbanguer un lama tétraplégique. Check. Rien que dans "Outer Helps", tout y est. Mais là où ce surplus d'efficacité et cette solidité à toute épreuve devrait rendre tout album du genre irréprochable, le côté sentimental / écorché / qui prend aux tripes... Enfin émotionnel ajouté, histoire d'illustrer le concept, finit par totalement désincarner l’œuvre et rendre le tout assez froid. Oh, rien de bien entravant pour le plaisir d'écoute, mais ce côté peaufiné à mort, strictement rien de laissé au hasard, voilà qui tranche totalement avec la brutalité crue de l’œuvre et ne lui instaure peut-être pas celle qu'il aurait voulu. On est absolument pas dans l'esprit d'un dépressif fou dépassé par ses propres émotions mais plutôt chez un tueur en série méthodique et inhumain. Mais qu'importe, le rendu reste cinglant, viscéral et étouffant.

Et donc, l'hexagone voit ici apparaître un futur poids lourd du Death Mélodique sous son jour le plus sombre et violent. Comportant à peu près tout ce qu'on peut demander d'un album du genre, entre riffs lames de fond, niveau de jeu aussi élevé que violent, leads poignantes et chant percutant avec une production parfaite. Plus qu'à se débarrasser totalement de ce ressentiment parfois un peu trop clinique histoire de laisser totalement exploser la personnalité déjà bien palpable du combo et le tour est joué.

Nyahahahargh : du Death mélo brutal, tranchant, qui laisse des marques, porté par une rage certaine et un sens aiguisé de la composition... Chaudement recommandé.

3,5/5.