C’est un bien curieux spécimen que ce DEVIANZ. Formé à Paris fin 2004, le groupe n’en n’est pas à son premier méfait puisque avant "À Corps Interrompus", il a déjà produit un premier opus réalisé sous la houlette de Stéphane Buriez fin 2005 avant de récidiver trois ans plus tard avec un EP "Les Lèvres Assassines" puis un autre en décembre 2011, préfigurant ce deuxième LP des Français qui ont cette fois-ci fait confiance à leur chanteur Guyom Pavesi, qui a prouvé ses compétences en matière de production avec HEADCHARGER entre autres. Côté musique, on peut lire sur leur site « Si AT THE DRIVE-IN avait vécu une histoire d’amour avec PORTISHEAD, leur union aurait engendré DEVIANZ. Doux comme une Pop langoureuse. Brûlant comme un Rock à fleur de peau ».
C’est en réalité un peu plus compliqué que cela. DEVIANZ draine dans son sillage une multitude d’influences issues du Rock Anglais mais aussi du Metal. Alternatif pourrait être un bon qualificatif pour saisir l’essence du discours musical de DEVIANZ.

À travers des textes en français, travaillés mais pas toujours mis en valeur par Guyom Pavesi qui a tendance dans les mediums à manger un peu les mots, à la façon des rockers anglais à la mode (que je ne peux pas blairer), DEVIANZ nous invite à rentrer dans son univers pour un voyage de quatorze titres à la fois homogènes et bien diversifiés. Et il est déconcertant, c’est bien peu de le dire ! "Happiness In Frustration", qui, comme son titre ne l’indique pas, est chanté en langue de Molière m’a fait craindre le pire pour les Parisiens. Guyom attaque le chant d’entrée accompagné par une guitare acoustique et ses intonations me font hérisser le poil. Il parvient néanmoins à nous montrer autre chose avec des aigus clairs et intenses. Et ce premier titre décourageant ne dure que cinquante-huit secondes. Laissons leur chance aux Français.

Et là "Des Racines Dans La Chair" débarque toutes guitares dehors. Et là miracle ! Guyom Pavesi, débarrassé de maniérismes encombrants, est impérial ! Sa voix, maîtrisée, joue avec finesse sur la musique toute en ambiances et en nuances de DEVIANZ. Les guitares se font corrosives et s’arrêtent le temps d’un petit passage en son clair pour mieux rebalancer la sauce ensuite. Des chœurs d’inspiration MUSE viennent colorer ce titre où Guyom montre aussi ses facultés en se frottant à un chant screamo pas dégueu du tout ! Et "Soleil D’Encre", une de mes préférées, développe une ambiance pas éloignée du "Buddha For Mary" de 30 SECONDS TO MARS. À 3 :32 on croirait écouter Jared Leto, ce qui n’est pas qu’un petit compliment ! Le vocoder vient apporter une nouvelle variation sonore à l’ensemble. On voyage de titre en titre avec cette double composante, claire et assez progressive avec des textures de son à la ANATHEMA voire à la STEVEN WILSON et beaucoup plus énervée mais jamais franchement metallique. DEVIANZ semble plutôt avoir trouvé une manière de pousser l’EMO-ROCK dans ses retranchements sans jamais franchir la frontière. Un peu comme MUSE dans une certaine mesure, qui même sous ses atours les plus lourds est toujours resté Rock. Les titres aux durées variables mais à l’ambiance assez similaire nous font goûter à des saveurs différentes. Du chant féminin "Sous Une Lune De Plomb", une basse pleine de surprises harmoniques le temps de "L’Instant Suspendu" avant un deuxième excellent moment avec "L’Alchimie Des Sens" qui voit les guitares tirer dans tous les coins, partant en larsen dès que l’occasion leur en est donnée. Malgré un refrain marquant un peu le pas, la mélodie reste en tête, assumant pleinement son efficacité. Notez qu’on trouvait déjà ce titre sur l’EP "Trouble Amante" dont le morceau-titre embrase la deuxième moitié de l’album.

La face B est saisissante et fait abstraction des quelques longueurs de la première avec mon morceau préféré "Mute Echo Room" qui est assez subtil car la violence y est sourde, lui conférant une tension permanente. Et ce n’est pas cette fois-ci le chant qui propose l’extériorisation du mal-être mais la guitare. "Douze De Mes Phalanges" prépare avec un spleen typiquement ANATHEM-esque la venue de Vincent Cavanagh, qui s’est emballé pour le projet de DEVIANZ. Ce guest, qui ne s’est pas limité à l’interprétation vocale (Vinnie Cavanagh ayant également mis le nez dans les arrangements) assoit la crédibilité artistique de DEVIANZ qui sait s’y prendre pour nous surprendre, donnant pas mal de profondeur à son "À Corps Interrompus". Les voix de Guyom et du chanteur d’ANATHEMA se mêlent, si bien qu’il est parfois difficile de distinguer les deux, même si ce dernier ressort davantage sur le refrain de "Ton Corps N’Est Qu’Atome" où il se tourne vers le ciel dans un français fort compréhensible et bien articulé. La montée en puissance qui démarre à 2:50 devrait durer éternellement qu’on n’en voudrait pas au groupe. À noter un excellent jeu de cymbales tout en finesse de Maxime. Les claviers et l’explosion finale des guitares me fait dire que DEVIANZ ne devrait pas hésiter à muscler un peu son discours par moments et il en a clairement les capacités ! Et "Trouble Amante" s'affirme comme le morceau le plus énergique de cette galette avec un refrain lui aussi addictif. Le groupe a d’ailleurs eu la vista de tourner un clip (très réussi) de ce morceau qui montre DEVIANZ sous son meilleur jour, le final le plus apocalyptique produit par le Rock français sans aucun doute et qui rendrait fier Cedric Bixler-Zavala (AT THE DRIVE-IN, THE MARS VOLTA).

Le digipack au visuel fort séduisant est disponible sur le site de DEVIANZ pour une somme modique alors ne vous en privez pas et vous aurez droit en sus à un bonus exclusif - "En Attendant L’Aube". Moi c’est le futur, où j’espère voir la formation assumer certaines influences plus Metal, de DEVIANZ que je guetterai avec attention car si tout n’est pas parfait, nous avons à faire à une formation talentueuse qui ne manque pas d’idées et qui, avec une marge de progression tangible, propose avec "À Corps Interrompus" un disque pour le moins prometteur.

3,5/5.