Mettant entre parenthèses son groupe phare de MISANTHROPE, après la réalisation de pas moins cinq albums et déjà un coffret (immortalisant les 10 premières années du groupe : respect total, Messieurs !), S.A.S. de l’Argilière - patron à ses heures d’Holy Records - continue l’effort avec son complice de toujours, J.J. Moréac. Cela dit, il n’est plus du coup question de plans complexes, de structures alambiquées et autres sonorités tranchées tantôt Heavy orchestralement extrêmes, tantôt mélodiquement Death. Non, ici, nous allons nous immerger vers un Dark Doom - avec des relents épiques - relativement rapides (pour le genre) et mélancoliques. Niveau inspiration révérencieuse, c’est vers un album tel que "Into The Pandemonium" (1987) qu’ils se sont tournés afin d’expérimenter leur musique triste et torturée. C’est flagrant même (lorgnez le clin d’œil du troisième titre, hein, t'as lu, dis ?!)… Manquent juste les "Uhhh" additifs d’un T.G. Warrior !

Donc, entre "Misanthrope Immortel" (2000) et "Sadistic Sex Daemon" (2003), les deux compères nous offrent ce "The Monotonous Moment Of A Monologue" en 2002. Les 9 dixièmes des textes sont, une fois n’est point coutume, en Anglais (*).

A son écoute, nous nous recroquevillons, nous nous calfeutrons… Ça dérange de par le phrasé plaintif - en mode clair, sauf incursion infime blackeuse (notamment sur "Satanic Music" ou "Hearth Of The Celestial Empire" par exemple - d’une part et cette oppression en permanence noirâtre des compositions, d’autre part. C’est lugubre, plus introspectif que nous ne l’aurions cru aux premiers abords. Dépressif, presque convulsif, ARGILE se mouille (hé hé) et du coup, le matériau en devient ostensiblement triste - pas larmoyant, j’insiste ! Lacrymal, à la rigueur…

Pas de nappage de claviers à outrance, juste en terme de transition et, bien souvent, seules les touches du piano classique résonnent. Par contre, côté soli du gratteux (même via son clavier), y en a à perte de vue ; et là, c'est que du bonheur ! La partie basse est également éblouissante accompagnant, en cela une batterie étrangement vivante et fleurant bon le feeling (s'il faut en mettre un coup, plutôt deux fois qu'une) !

Mention spéciale pour l’avant-dernier morceau intitulé "A Lugubrious Funeral" entièrement symphonique et fort théâtral ; un vrai petit bijou de requiem !

Tel des dandys du XVIIIème siècle, c’est carrément une visite guidée toute en musique que nous livrent S.A.S. et J.J. dans leur univers (tel un manoir gothique dans toute sa splendeur : voir la très petite photo, en bas, à gauche sur la pochette) laissé à l’abandon, ne conservant que les souvenirs épars, esseulés et lointains d’un monde en perdition…

En revanche, lorsqu’à l’époque, l’on décriait cette offrande comme étant d’avant-garde, je n’ai jamais senti la chose comme telle. Avec le recul, je confirme qu’il y avait certes des innovations mais que dans l’ensemble, c’est avant tout un album à part et digne de curiosité mais, bizarrement, pas en avance sur son temps. Qu’importe la polémique que je tue dans l’œuf de la création ; cet album me plait et je voudrais vous le faire découvrir, si cela n’est déjà fait, pour ressentir une création artistique pratiquement unique et jovialement triste à en mourir !


(*) La sixième plage, "In The Shadow Of The Horns", a été écrite au départ par Fenryz et Nocturno Culto de DARKTHRONE sur l’album "A Blaze In The Northern Sky" (1991). Ici, réarrangée en Français pour l’occasion !